Quel est le bilan du plan “sécurité cathédrales” lancé par le ministère de la Culture après l’incendie dévastateur de Notre-Dame de Paris en 2019 ?
À l’approche des cérémonies de réouverture du monument, les 7 et 8 décembre 2024 sur l’Île de la Cité, une manœuvre pour tester l’efficacité de ce plan a été menée à Versailles, avec la mobilisation d’une quarantaine de sapeurs-pompiers sur un incendie fictif : une simulation grande nature organisée par la DRAC Île-de-France, le 20 novembre dernier pendant toute une matinée, comme si le feu s’était déclaré en pleine nuit dans les combles hauts du transept de la cathédrale Saint-Louis. Les pompiers sont intervenus à double titre, pour l’extinction des flammes imaginaires et l’application en même - à l’intérieur de l’édifice du XVIIIe siècle d’un PSBC : plan de sauvegarde des biens culturels dont la mise en place est une obligation partout en France depuis 2016, pour l’ensemble des bâtiments affectés au ministère de la Culture.
À la cathédrale Saint-Louis de Versailles, le reportage de Benoît Grossin sur la mise en œuvre le 20 novembre 2024 du plan de sauvegarde des biens culturels
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Le plan “sécurité cathédrales” depuis l’incendie de Notre-Dame a permis à la fois son renforcement et celui aussi de la protection des édifices, avec de nouvelles mesures ajoutées l’an dernier, l’installation notamment de caméras thermiques.
Les opérations de mise en sécurité menées par les DRAC ont bénéficié de 2020 à 2024 de plus de 58 millions d’euros de crédits, avec des résultats selon la rue de Valois : sur les 87 cathédrales propriétés de l’Etat, il n’en reste vraiment plus que deux contre dix-sept en 2020 à un niveau de sécurité insuffisant, les cathédrales de Nantes et de Montauban encore fermées pour travaux.
Aujourd’hui, plus de 60 cathédrales sont au niveau réglementaire et “au moins une vingtaine d’autres au niveau le plus élevé, le niveau de référence.”
Entretien avec le lieutenant-colonel Alain Chevallier, conseiller sécurité incendie pour les patrimoines au ministère de la Culture
L’incendie de Notre-Dame de Paris en 2019 a conduit à un renforcement des mesures de sécurité et de protection pour les cathédrales ?
Oui, complètement. Les mesures existaient déjà. Mon prédécesseur faisait déjà la visite des cathédrales avant Notre-Dame et on est en fait dans la continuité de ce qui se faisait avant. La différence, c’est qu’on a renforcé ce plan avec des mesures complémentaires qui ont été amendées une première fois en avril 2020. Et puis récemment en 2023, on a amélioré encore la sécurité, après un groupe de travail qui s’est mis en place pour justement faire le point sur les actions qui avaient été demandé en 2020 pour voir quelles difficultés cela donnait. On a donc rajouté à des mesures qui tiennent compte aussi des matériels qui existent maintenant.
Par exemple, les caméras thermiques en 2020, ce n’était pas encore au point pour arriver à les utiliser comme on le fait maintenant. Les systèmes d’extinction automatique à haute pression qui va être mis à la cathédrale Notre-Dame et à la cathédrale de Beauvais n’étaient pas là aussi encore des systèmes qui étaient très connus dans ce domaine-là. On a donc mis en place en 2023 un certain nombre de mesures supplémentaires. On est passé de 48 à 57 actions qui sont demandées pour chaque cathédrale.
On assiste à une accélération, une amplification du plan “sécurité cathédrales” ?
Elle se manifeste par la mise en place de nouveaux dispositifs qui permettent, notamment avec les systèmes de sécurité incendie, d’avoir une télésurveillance à distance pour pouvoir anticiper la détection d’un incendie. Avec ces caméras thermiques qui vont aller plus vite qu’un détecteur de fumée, puisqu’elles vont détecter la chaleur à distance. Et avec la mise en place d’extincteurs directement reliés sur les tableaux électriques pour que l’incendie soit éteint avant même qu’on le constate. On essaie de trouver dans la précocité des actions qui soient pleinement efficaces.
On a demandé la mise en place d’extincteurs automatiques au gaz carbonique qui soient mis directement sur les tableaux électriques parce qu’on a constaté que la protection des tableaux électriques est très compliquée dans un édifice qui date du XIIe, XIIIe ou XVIIIe siècle. En revanche, on a constaté en discutant entre nous qu’il y avait des solutions utilisées notamment pour l’entreprise Mc Donald, où ils mettent donc tout simplement des extincteurs directement sur les tableaux électriques. On est en train d’utiliser cette méthode dans toutes les cathédrales. Et pour les caméras thermiques, à chaque fois qu’il y a des travaux importants, avec ce qu’on appelle des “points chauds” qui nécessitent des permis de feux, on en profite pour mettre des caméras thermiques dans les combles. Et elles restent à demeure.
Avec aussi une généralisation du recoupement des combles ?
Le recoupement des combles existait déjà, mais il s’est bien sûr amplifié après l’incendie de Notre-Dame. On a accéléré le mouvement avec des moyens financiers qui ont été apportés dans ce domaine-là. La difficulté, comme ici à la cathédrale de Versailles, c’est de définir avec les architectes en chef des monuments historiques quel est le meilleur recoupement. Par rapport à la réglementation, il faudrait recouper le comble au-dessus de la toiture, pour que le feu ne passe pas au-dessus. Forcément, on ne peut pas le faire. On est donc obligé de trouver des méthodes différentes, comme par exemple le faire en dessous, avec des carreaux de plâtre qui vont aller à l’horizontale pour éviter d’abîmer la toiture par l’extérieur.
“Notre rôle s’est amplifié depuis l’incendie de Notre-Dame” : Bénédicte Lorenzetto, architecte des Bâtiments de France
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Quelles sont les grandes avancées depuis le 15 avril 2019 ?
Nous avons lancé une campagne d’audit qui est presque terminée, en demandant à chaque DRAC, à chaque Direction régionale des affaires culturelles, de faire un audit particulier sur la protection incendie pour toutes les cathédrales de sa région. Suite à cet audit, on a pu prioriser justement sur différentes questions. Est-ce qu’il faut recouper ? Est-ce qu’il faut mettre de la détection supplémentaire ? Est-ce qu’il faut mettre des caméras thermiques en premier ? Il y a donc des choix qui ont été faits, en fonction de toutes les cathédrales d’une région.
Ensuite, nous avons mis en place des assistants à maîtrise d’ouvrage qui sont délégués à la sécurité incendie. Ces spécialistes sont pour la plupart d’anciens pompiers qui ont le diplôme qui leur permet de pouvoir répondre aux demandes des architectes des Bâtiments de France et aux demandes des conservateurs des Directions régionales des affaires culturelles. Et pour mobiliser ces personnes-là, on a financé au ministère de la Culture deux jours et demi par cathédrale, par mois. Cela représente chaque année une trentaine de jours entièrement dédiés à ce sujet pour chaque cathédrale. On commence donc à voir des avancées dans la préparation des commissions de sécurité, dans la mise en place des nouveaux systèmes. Parce qu’on a en permanence des gens qui sont à leur proximité, alors qu’au ministère nous sommes très loin et même si nous sommes deux conseillers, deux conseillers pour près de 90 cathédrales, c’est compliqué.
Quelles sont les prochaines grandes étapes ?
Les prochaines grandes étapes, c’est justement ce que vous venez de voir à Versailles, C’est de s’assurer que les plans de sauvegarde des biens culturels qui sont maintenant mis en place dans 80 cathédrales soient réalisés avec les pompiers. Pour nous, un plan de sauvegarde des biens culturels validé, c’est un plan qui a été testé avec les pompiers du département. C’est ce qu’on vient de réaliser. On peut considérer que dans les Yvelines, on valide le plan de sécurité de la cathédrale de Versailles.
“C’est un travail de longue haleine, un travail collectif qui nécessite une chaîne” : Laurent Roturier, directeur de la DRAC Île-de-France
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Combien de cathédrales bénéficient désormais de garanties plus fortes de protection ?
On peut considérer qu’on a 66 cathédrales au niveau réglementaire et au moins une vingtaine au niveau supérieur, ce qu’on appelle le niveau de référence tel qu’on le souhaite dans le plan “sécurité cathédrales”. Pour certaines, on a mis l’accent sur la mise en place de colonnes sèches là où il n’y en avait pas alors que pour d’autres, c’est le recoupement qui a été privilégié. Et il faut prendre en compte les financements dont disposent les DRAC qui vont les mettre soit dans la protection incendie, soit dans la détection incendie, soit dans les mises en place de systèmes de détection, etc.
On n’a pas de démarche qui soit la même partout. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le premier effort était de supprimer toutes les cathédrales qui n’étaient pas au niveau réglementaire. Et il reste très peu de cathédrales, pour ainsi dire insignifiant, au niveau insuffisant. C’est surtout les cathédrales qui ont été fermées : deux cathédrales, celle de Nantes qui va rouvrir l’année prochaine parce que les travaux de réfection suite à un incendie criminel ne sont pas terminés et il y a encore la cathédrale de Montauban qui avait subi un enfoncement lié à un problème avec un parking. Mais ce sont uniquement des problèmes simples.
“Un des enjeux, c’est que l’ensemble des acteurs se connaissent” : colonel Stéphane Millot, chef de corps des sapeurs-pompiers des Yvelines, directeur départemental des services d’incendie et de secours
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Il s’agit maintenant d’élever encore le niveau ?
Alors, on va effectivement encore élever le niveau puisque cette protection qu’on met en place quand on parle de système de sécurité incendie, quand on parle de systèmes de détection, de caméras thermiques, cela représente un coût. Il faut donc le financer et répartir les sommes en fonction des cathédrales et en fonction des priorités qui sont définies par chaque DRAC. Notre-Dame va bien entendu servir de référence pour les autres cathédrales. Mais il faut bien être conscient que les moyens financiers qui ont été utilisés pour Notre-Dame sont nettement supérieurs au budget qui est alloué pour les autres cathédrales.
Les besoins de financement sont permanents. Les financements sont généralement mis en place en même - que les travaux qui sont faits. Laurent Roturier, le directeur de la DRAC Île-de-France, a parlé aujourd’hui des prochains travaux à la cathédrale de Meaux et on va profiter de ces travaux pour améliorer la sécurité incendie. C’est une chose qui est actée maintenant. Qui dit travaux, dit amélioration de la mise en sécurité incendie.
Les améliorations vont se se faire au fil de l’eau, en fonction des priorités qui sont définies par chaque DRAC et aussi en fonction des rapports qui sont réalisés par mes services. Nos rapports permettent de dire qu’il faut peut-être faire un effort dans telle cathédrale ou telle cathédrale, par rapport à la thématique observée.
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