Jacques Roubaud, poète et mathématicien, est décédé le jour de son 92e anniversaire

Jacques Roubaud, poète et mathématicien, est décédé le jour de son 92e anniversaire
Jacques Roubaud, poète et mathématicien, est décédé le jour de son 92e anniversaire

Auteur prolifique traduit en plusieurs langues, il a reçu le Goncourt 2021 de poésie pour l’ensemble de son œuvre, quelques mois après qu’Hervé Le Tellier, autre représentant de cet étrange laboratoire littéraire, ait obtenu le Goncourt pour son roman « L’Anomalie ».

Sa poésie, à la fois académique et ludique, appartient aux classiques de la littérature contemporaine, comme en témoigne l’obtention du Grand Prix National de la Poésie (1990) et du Grand Prix de Littérature Paul-Morand de l’Académie française (2008). Gallimard a publié une anthologie personnelle, « Je suis un crabe ponctuel » (1967-2014), en 2016.

Comparaison avec la disparition

Pour ce professeur agrégé de mathématiques et docteur en lettres, la poésie naît de la rencontre entre le sentiment et la raison, entre la Mémoire et le Nombre, comme il le dit lui-même.

Au centre de son œuvre : la confrontation à la disparition. Celle de son frère suicidaire, évoqué dans son autobiographie romantique “Peut-être ou dimanche soir”, et celle de son épouse, la photographe Alix Cléo Roubaud. « Janvier 1983, rue Vieille du Temple : la chaleur s’éteint / la main chaude / avec des doigts anormaux » (« Something Black », 1986).

Face à la mort, la mémoire devient une adjuration et une versification, un bouclier contre l’oubli. « Il s’agit d’inscrire des sentiments dans un rythme, dans une forme réfléchie », explique ce spécialiste du sonnet, à qui il a consacré une thèse en 1990 sous la direction d’Yves Bonnefoy. Inventeur du « trident », forme poétique de trois vers encore plus compacte que le haïku (Mélilots : mélange de /melilots/mélange de mes lilas), il a aussi inventé « josefine », « mongine », formes particulières de permutations mathématiques.

Professeur de mathématiques

Ou encore « le baobab », poème saturé de syllabes contenant « haut » et « bas », destiné à être lu à trois voix. « La poésie s’adresse à la fois à l’œil et à l’oreille », confiait-il à Télérama.

Né le 5 décembre 1932 à Caliure (Rhône), Jacques Roubaud est petit-fils d’instituteur et fils de maîtres de la résistance. Son père était professeur de philosophie et sa mère, l’une des premières femmes inscrites à l’École Normale Supérieure en 1927, enseignait l’anglais. A ce titre, Roubaud a une passion pour l’Angleterre. Il lit principalement en anglais et traduit notamment Lewis Carroll.

Au début des années 1950, il commence à écrire « un mauvais surréalisme, mêlé à une poésie moins engagée ». Épuisé, il s’éloigne de la poésie entre 20 et 30 ans, pour devenir professeur de mathématiques à l’université de Rennes, puis pendant vingt ans à Paris-10 Nanterre.

OuLiPo

Lorsqu’il reprend la plume en 1960, il est aux antipodes de l’écriture automatique des surréalistes : les « mathématiques » deviennent pour lui « une sorte de réservoir possible de règles et de nouvelles formes poétiques ». Il compose des sonnets, inspirés des formes chères aux troubadours. En 1967 Raymond Queneau publie « ? », son premier recueil de poèmes avec Gallimard et l’amène à OuLiPo, « un groupe à la fois très sérieux et un peu fou ». Georges Perec les rejoignit bientôt.

 
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