L’offensive éclair des rebelles syriens, menés par le mouvement islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a pris la région par surprise. Rompant avec le cessez-le-feu instauré en 2020, la prise d’Alep et de plusieurs régions du nord-ouest du pays replonge le régime de Bachar al-Assad dans la guerre civile. Une guerre civile qu’il pourrait bien perdre, ne pouvant cette fois pas compter sur des alliés aussi solides qu’en 2015 et 2016.
Ainsi, Moscou et Téhéran ont généralement tourné leur attention vers d’autres théâtres de conflit ces dernières années et ces derniers mois. L’Iran subit les récentes pertes structurelles du Hezbollah et la colère de Tel-Aviv après l’attaque au missile balistique de début octobre.
L’organisation est aujourd’hui beaucoup plus limitée en termes d’armement, de main-d’œuvre, de leadership et de capacités de commandement et de contrôle qu’elle ne l’était il y a quelques mois. La Russie a investi l’essentiel de ses forces dans son « opération spéciale » en Ukraine, en termes humains et matériels, et accumule les pertes sur le front, malgré des avancées régulières.
Entrée de la Russie en Méditerranée
Les experts ne sont pas certains aujourd’hui que Moscou soit capable de soutenir Damas comme elle l’a fait en 2015. En revanche, preuve s’il en était besoin de la solide imbrication des puissances géopolitiques modernes, les difficultés rencontrées par la Syrie pourraient avoir des répercussions directes sur la Russie.
Après la victoire du régime syrien sur les séparatistes il y a près de dix ans, permise en partie grâce aux moyens russes mis en place par Vladimir Poutine sur le terrain, Bachar al-Assad a récompensé son allié avec deux bases cruciales en 2017, rappelle The War Zone. : Base aérienne de Khmeimim à Lattaquié et la titanesque installation navale du port de Tartous. Moscou a signé un « bail de 49 ans » pour chacun d’eux.
Le don est de taille : les deux bases, les pieds dans les eaux chaudes de la Méditerranée, donnent à la Russie les moyens de ses ambitions sur le flanc sud de l’Otan, et la possibilité de projeter sa puissance au Moyen-Orient et en Afrique.
Ainsi, le port naval russe de Tartous a servi de base matérielle à l’invasion russe de l’Ukraine, à partir de février 2022. La base aérienne de Khmeimim a soutenu les activités russes en Afrique du Nord et a hébergé des avions de frappe stratégique et de renseignement.
Des bases à quelques kilomètres des insurgés
Ces deux bases, que Moscou ne peut se permettre de perdre, ne se trouvent désormais qu’à quelques kilomètres des troupes rebelles syriennes. Les rapports varient, souligne The War Zone, mais certains situent l’insurrection à moins de 32 km de Khmeimim, et la situation, comme l’a prouvé l’offensive surprise sur Alep, évolue très rapidement. Tartous se trouve à environ 30 milles au sud de la côte syrienne, dans une relative sécurité. Cependant, des rumeurs circulent selon lesquelles la marine russe aurait évacué ses navires des installations.
Par ailleurs, il apparaît clairement que les contingents russes livreraient une rude bataille si les deux bases, Khmeimim en premier lieu, étaient prises pour cible. Notamment : l’insuffisance des équipements militaires présents sur place. Selon The War Zone, des chasseurs et des hélicoptères d’attaque russes sont toujours présents sur la base mais ils ne sont pas déployés au même titre qu’avant. Plusieurs systèmes anti-aériens y sont également installés, dont potentiellement encore une batterie S-400 qui peut menacer les avions en Méditerranée. À cela s’ajoutent des systèmes sensibles de collecte de renseignements et de guerre électronique.
La qualité de la main-d’œuvre est également remise en question, même dans les cercles russes pro-guerre de Telegram. Le média d’investigation The Insider rapporte que plusieurs chaînes critiquent le système moscovite consistant à envoyer en Syrie des généraux qui ont échoué en Ukraine. La chaîne populaire Rybar écrit : «Le terrain syrien est depuis longtemps un endroit où la réputation des généraux qui se sont révélés incompétents dans le domaine des opérations militaires spéciales est blanchie.»
En octobre 2023, rapporte Meduza, l’experte en affaires internationales Nikia Smagin a écrit que “l’affaiblissement de l’influence de la Russie [en Syrie] semble inévitable » après la dissolution officielle du groupe Wagner. Malgré cela, la Direction principale du renseignement ukrainien (HUR) a rapporté mardi que la Russie envoyait effectivement des forces mercenaires en Syrie. Mais les rebelles sont proches et le - presse.