Lorraine de Foucher a remporté mercredi 4 novembre le 86e prix Albert Londres, la récompense la plus prestigieuse du journalisme francophone. La plume du Monde « aborde des sujets trop longtemps passés sous silence » comme les violences faites aux femmes, a salué le jury.
A 38 ans, la journaliste a été choisie pour ses reportages et enquêtes publiés dans le quotidien sur l’affaire des viols de Mazan, des femmes migrantes violées, des victimes de l’industrie du porno, des jeunes filles exploitées sexuellement à Perpignan et encore des tueurs à gages adolescents.
Le jury a rendu un vibrant hommage à ce pionnier : “elle aborde des sujets trop longtemps passés sous silence dans notre société” et « les traite avec curiosité, style et respect »avec l’écriture « haute couture ».
Tarifs audiovisuels et livres
Par ailleurs, le 40e prix de l’audiovisuel a été décerné à Antoine Védeilhé et Germain Baslé pour leur film « Philippines : les petits chercheurs d’or » (diffusé sur Arte), sur le travail des enfants dangereusement exploités.
Enfin, le 8e prix du livre a couronné Martin Untersinger pour « Espionner, mentir, détruire » (Ed. Grasset), une enquête sur les attaques dans le cyberespace.
Le prix du reportage audiovisuel a été créé en 1985 et celui du meilleur “livre d’enquête et de reportage” en 2017. Les gagnants reçoivent chacun 5 000 €.
Pour être éligibles au prix Albert Londres, les candidats doivent être francophones et âgés de moins de 41 ans. La carte de presse n’est pas nécessaire pour concourir à ce prix, ouvert à tout type de presse (économique, politique, sportive, culturelle, etc.). Les journalistes peuvent soumettre leur candidature à titre individuel : il n’est pas nécessaire d’être recommandé par un journal, une chaîne de télévision, une société de production ou un éditeur.
Composé d’anciens lauréats, le jury a décidé, à contrecœur, de ne pas décerner les prix 2024 à Beyrouth, il y a deux mois, en raison de la guerre ouverte au Liban entre Israël et le Hezbollah. La cérémonie s’est donc tenue mercredi à Paris.
Un « signal » envoyé
Albert Londres (1884-1932) est le père du grand reportage moderne. Le prix portant son nom fut décerné pour la première fois en 1933 et fut décerné à un certain Emile Condroyer pour ses reportages dans le quotidien Le Journal.
Quatre-vingt-onze ans plus tard, Lorraine de Foucher accueille un « signal » envoyé avec son prix. « La violence masculine est un nouveau domaine » pour le journalisme et “c’est assez fort” pour le reconnaître, “ça ennoblit la matière”a-t-elle déclaré, souhaitant devenir « incontestable ».
“On travaille avec des victimes très marquées, il y a la question du traumatisme, de la gestion de l’émotion”souligne le vainqueur, qui évoque un exercice ” particulier “.
Diplômée du Centre de formation des journalistes (CFJ) en 2011, Lorraine de Foucher a débuté au Monde en tant qu’indépendante en 2014, avant de devenir membre à part entière du département Société.
Elle avait très tôt participé à une cellule d’enquête au sujet des féminicides, qui avait notamment débouché sur la diffusion d’un documentaire choc sur France 2 en 2020 révélant une filière criminelle récurrente, dont elle était co-réalisatrice.
L’année dernière, le 85e Prix Albert Londres a récompensé le journaliste belge indépendant Wilson Fache pour ses reportages sur l’Afghanistan (Libération et L’Écho), gare routière de Tel-Aviv (Mouvement) et l’Ukraine (L’Écho). Hélène Lam Trong a été récompensée dans la catégorie audiovisuel et Nicolas Legendre pour les livres.