Une polémique est apparue ces derniers jours sur l’utilisation, en classe, des calendriers de l’Avent dans le cadre d’un travail pédagogique.
Les élus ont regretté que l’Éducation nationale rappelle à l’ordre les enseignants, estimant qu’il s’agissait d’une atteinte aux « traditions françaises ».
Le député LFI Antoine Léaument a ironisé sur le sujet, soulignant que ces calendriers sont d’origine allemande. C’est bien le cas : ils y ont vu le jour au début du XXe siècle.
Les enseignants ont été rappelés à l’ordre fin novembre, suite à l’utilisation des calendriers de l’Avent dans les écoles. Un inspecteur de l’Éducation nationale les a invités à respecter le principe de laïcité, estimant que « L’Avent est un processus religieux ». Une polémique s’ensuit, qui amène le ministère à prendre officiellement position. Il cherche ainsi à calmer le jeu et considère qu’un calendrier de l’Avent pourrait être « compatible avec les principes de laïcité » puisqu’il ne transportait pas « aucun contenu religieux ».
Avant cela, les élus étaient montés au créneau : un sénateur a regretté (nouvelle fenêtre) que nous abordons le « traditions et identité culturelle française »tandis que le président Renaissance du conseil départemental de l’Aisne a assuré que “la tradition de l’Avent” a fait « fait partie de la culture française ». Éric Ciotti, enfin, dénoncé « Des délires wokistes qui cherchent à effacer nos traditions ». Le député LFI Antoine Léaument s’est moqué de cette sortie de l’ancien ministre, soulignant (nouvelle fenêtre) – capture d’écran de Wikipédia à l’appui – que cette coutume était en réalité… allemande.
Une origine germanique indéniable
Disponibles sous des formes très variées de nos jours, les calendriers de l’Avent proposent parfois des bières, des cosmétiques ou encore des sextoys. Si les marques de tous bords les utilisent depuis plusieurs années, que sait-on de leur histoire et de leur origine ? Pour le savoir, TF1info a contacté l’historien suisse François Walter, co-auteur d’un livre intitulé Noël, une si longue histoire.
Le spécialiste confirme qu’il est né en Allemagne, comme “la plupart des rituels de Noël ont une origine germanique”. Il cite notamment le fameux sapin, une coutume luthérienne qui se généralisera par la suite. Des pratiques qui se révèlent « globalement assez récent »comme les fêtes de fin d’année en famille. Il serait donc trompeur d’imaginer que les célébrations qui accompagnent Noël constituent un héritage séculaire.
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Il est généralement admis que les premiers calendriers de l’Avent remontent au tout début du XXème siècle. A l’époque, c’était « des feuilles avec des boîtes sur lesquelles on a collé des autocollants »note François Walter. A l’aube du siècle dernier, “on a observé une grande mode pour les stickers à collectionner, qu’on retrouve dans les tablettes de chocolat ou dans les soupes”. Les enfants les appréciaient particulièrement, et ce n’est pas un hasard s’ils étaient honorés par les calendriers.
Ces dernières sont difficiles à rattacher à une religion précise, poursuit l’historien. Si leur émergence a été observée dans les milieux protestants, on constate que les imprimeurs du sud de l’Allemagne et de la Bavière notamment, “à l’avance” sur le plan technologique, ont travaillé sur leur diffusion. Si des personnalités religieuses ont été mises en avant dans les calendriers de l’Avent, l’expert suisse estime que celles-ci sont « plutôt laïc » et différencié de « calendriers liturgiques ».
En pratique, leur émergence constitue une évolution des pratiques déjà ancrées outre-Rhin pour célébrer l’Avent. Chez nos voisins, il était en effet courant que les familles décorent un «Couronne de l’Avent en sapin»sur lequel quatre bougies étaient plantées. Selon la coutume, il faut l’allumer tous les dimanches de l’Avent, jusqu’à l’arrivée de Noël. Une coutume parmi tant d’autres.
Des exportations suivies d’un virage commercial
Si les calendriers de l’Avent ont progressivement conquis d’autres pays, leur exportation a commencé dans des territoires qui affichaient une proximité culturelle et linguistique avec l’Allemagne. La Suisse et l’Autriche bien sûr, mais aussi l’Alsace qui était la porte d’entrée de ces produits vers la France. Une région qui « joue un rôle clé dans la diffusion des rituels de Noël »assure François Walter, “C’est déjà en Alsace que le sapin est arrivé, mais aussi que les décorations de Noël se sont répandues”.
« Vulgarisation et généralisation » Les calendriers de l’Avent en France sont apparus plutôt après la Seconde Guerre mondiale, estime l’historien. “Pendant l’entre-deux-guerres, pour des raisons économiques”ajoute-t-il, nous avons observé en France “un ralentissement des éléments des célébrations de Noël”. Fabriquer un arbre au début du 20ème siècle, “ça avait des connotations très germaniques”contrairement à la vision qui est la nôtre maintenant.
Outre-Rhin, Esther Gajek a beaucoup travaillé sur les pratiques culturelles et religieuses liées à Noël. Spécialiste du folklore allemand, elle n’a observé l’arrivée des chocolats dans les calendriers que vers 1925. Les sucreries ne sont devenues véritablement courantes qu’à partir de 1950. La chercheuse remet également en cause certaines idées reçues, selon lesquelles ces Calendriers feraient partie d’un héritage symbolique traditionnel d’une culture judéo-allemande. -Culture chrétienne. “Depuis l’origine, les calendriers de l’Avent sont des symboles de profanation de Noël”elle assure (nouvelle fenêtre)incarnant un « éloignement du sens chrétien ».
François Walter dresse un constat assez similaire : “Cela n’a pas vraiment de connotation religieuse, même si dans certains calendriers on retrouve une crèche”nous dit-il. Il met en valeur le caractère “hybride” du calendrier, « marqué très tôt par la commercialisation ». Il n’est pas surpris de voir aujourd’hui vendus des calendriers proposant une grande variété de produits, bien loin des petites vignettes que nos voisins germaniques popularisaient au début des années 1900.
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