Les députés français ont voté mercredi la censure du gouvernement en place depuis à peine trois mois, une première en France depuis 1962 qui aggrave l’incertitude politique et économique dans un pays pivot de l’Union européenne.
Après trois heures et demie de débats très houleux dans une salle comble, 331 députés ont finalement décidé de faire tomber l’exécutif, sur les 289 voix requises.
« En raison de la motion de censure, […] le Premier ministre doit soumettre la démission du gouvernement au président de la République », a déclaré la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, au Perche.
A peine revenu d’une visite d’Etat en Arabie Saoudite, M. Macron, au plus bas dans les sondages, doit maintenant nommer un nouveau Premier ministre. Son entourage a annoncé qu’il s’adresserait aux Français jeudi à 20h00 depuis Paris.
Pour parvenir à la censure, les parlementaires de gauche et d’extrême droite du Rassemblement national, ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur les questions budgétaires, alors que la France est très endettée.
Le parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a immédiatement réclamé la démission du chef de l’Etat. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a demandé « à Emmanuel Macron de partir », réclamant « des élections présidentielles anticipées ».
« Journée historique »
« Aujourd’hui est un jour historique. Pour la deuxième fois sous la Ve République et pour la première fois en 62 ans, un gouvernement est renversé », a-t-elle déclaré.
Élu en 2017 et réélu en 2022, M. Macron, dont le mandat court jusqu’en 2027, n’est pourtant pas concerné constitutionnellement par la censure du gouvernement du Premier ministre Micher Barnier.
La leader de l’extrême droite française Marine Le Pen a semblé plus mesurée que la gauche radicale dans sa première réaction, assurant qu’elle laisserait le futur chef du gouvernement « travailler » à « co-construire un budget acceptable par tous ». “Je ne demande pas la démission d’Emmanuel Macron”, a-t-elle encore dit.
Le Premier ministre Michel Barnier s’est exprimé avant le vote, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour fixer une date en cas de renversement de son gouvernement. La France dépense 60 milliards d’euros par an (89 milliards de dollars canadiens) pour payer les intérêts de sa dette, plus que pour sa défense ou son enseignement supérieur, a-t-il rappelé.
-« On peut dire ce qu’on veut, c’est la réalité. Croyez-moi : cette réalité ne disparaîtra pas par la magie d’une motion de censure », a-t-il prévenu.
Cette probable censure fait suite à des mois de crise, déclenchés par la dissolution de l’Assemblée nationale souhaitée par le chef de l’Etat après la défaite de son camp aux élections européennes face à l’extrême droite.
Les élections législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d’une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de la gauche, des macronistes et de la droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de majorité absolue. Après 50 jours de négociations, un gouvernement de droite et du centre a finalement été nommé début septembre. Mais sa fragilité semblait alors déjà très grande.
La chute de l’exécutif après seulement trois mois de mandat constitue ainsi un record de brièveté depuis le début en 1958 du V.e République.
Une dette massive
Deux motions de censure ont été déposées après que le Premier ministre a déclenché mardi l’article 49.3 de la Constitution, permettant d’adopter un texte sans vote sur le budget de la Sécurité sociale. Un seul suffisait.
Depuis l’Arabie Saoudite, où il était en visite d’Etat, le président français a de son côté affirmé qu’il ne pouvait « pas croire au vote de censure » du gouvernement. M. Macron devait rentrer à Paris mercredi soir.
Le chef de l’Etat français doit désormais nommer un nouveau Premier ministre, sur fond d’endettement croissant du pays. Le déficit public, attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien supérieur aux 4,4% prévus pour l’automne 2023, manquera son objectif de 5% en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.
La gauche, le centre et la droite semblent désunis pour s’entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.
Marine Le Pen, candidate trois fois malheureuse à l’élection présidentielle, dont deux fois face à M. Macron, a les yeux rivés sur la prochaine présidentielle prévue en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue. le 31 mars. Elle risque cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.