Après avoir traversé de longs couloirs blancs élégamment décorés de projections de lumière bleutée, la salle des serveurs du supercalculateur Leonardo de Bologne (Italie), classé 4e plus puissant au monde, surprend par le quasi silence qui y règne. Un calme qui contraste avec le bruit assourdissant habituel de la climatisation utilisée pour refroidir les datacenters. Basés sur des ventilateurs et des refroidisseurs, les systèmes de refroidissement par air sont aujourd’hui la norme dans environ 98 % des infrastructures. Leonardo bénéficie d’un système de refroidissement liquide direct.
Sur une plaque froide de démonstration, on peut voir des cartes graphiques (GPU) et des unités centrales (CPU) Nvidia, directement connectées aux tuyaux de refroidissement. « L’eau glycolée froide entre en contact avec les microprocesseurs qui la chauffent. Il repasse ensuite dans un échangeur de chaleur qui refroidit le liquide et les équipements du système.précise Nicolas Roger, directeur technique d’Equinix pour la France. Un circuit d’eau en boucle fermée, plus économe en énergie que le refroidissement par air.
Investissements chez Schneider Electric et Vertiv
Aujourd’hui rare, le refroidissement liquide pourrait se généraliser dans les années à venir. Car face au développement des besoins en IA, en cloud densifié et en calcul haute performance (HPC), les solutions actuelles ne sont pas les plus adaptées. “Avec les systèmes de refroidissement par air, nous pouvons refroidir jusqu’à 25 kW par rack [sorte d’armoire dans laquelle sont stockées les équipements informatiques, ndlr.] Au-delà et jusqu’à 50 kW, nous utilisons des portes réfrigérées qui s’ajoutent au plus près des serveurs», présente Fabrice Coquio, président de Digital Realty, l’un des plus grands opérateurs de datacenters de colocation au monde. Cependant, selon plusieurs acteurs du secteur, les clients exigent de plus en plus des densités allant de 50 à 120 kW par baie.
Modéliser les prévisions météorologiques, optimiser les flux de transports, détecter les cancers, mais aussi développer et déployer des robots conversationnels comme ChatGPT…. «De nouvelles applications se développant à grande échelle font appel au refroidissement liquide, seul capable de refroidir des densités électriques supérieures à 50 kW.», souligne François Salomon, directeur de l’activité réfrigération et climatisation chez Schneider Electric.
Intégrer le froid liquide dans le système existant
Ce dernier estime que la place de l’IA et des supercalculateurs dans les centres de données va augmenter de 7 % à 20 % dans les quatre prochaines années, faisant passer la capacité de ces infrastructures de 54 à 90 gigawatts (GW). Signe de cette évolution, Schneider Electric lancera l’année prochaine sa première gamme de refroidissement liquide direct. Son principal concurrent, l’équipementier américain Vertiv, a de son côté racheté il y a un an la start-up anglaise CoolTerra, spécialiste du refroidissement liquide. Et recrute à tout prix pour sa R&D. Car si les techniques de refroidissement liquide ne sont pas nouvelles, la course est lancée pour les rendre plus efficaces.
Cela inclut l’optimisation de la consommation de liquide de refroidissement. Leonardo, par exemple, consomme encore 6 mégawatts (MW), l’équivalent d’une ville de 6 000 habitants. L’autre défi est de voir comment intégrer cette technologie dans les datacenters existants. L’évolution vers le refroidissement par eau nécessite l’installation d’échangeurs de chaleur, mais aussi le remplacement de serveurs pour laisser passer la tuyauterie. Plus largement, l’augmentation sans fin de la densité électrique pose à terme la question de l’obsolescence des installations actuelles.
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