L’inflation et les corrélations au cœur de l’allocation d’actifs – .

La mise à jour mensuelle des obligations de GAMA se concentre sur le point central du marché obligataire et sur la manière de positionner concrètement un portefeuille obligataire mondial.

© Keystone

Ce mois-ci, nous soulignons l’importance des visions à long terme sur l’inflation et son lien avec les corrélations entre les marchés obligataires et les marchés boursiers.

L’inflation reste au centre des débats et constitue une variable clé non seulement pour les marchés financiers mais aussi pour les autorités monétaires et fiscales. En effet, la question du pouvoir d’achat est arrivée au cœur des débats politiques. Les résultats des élections en France ce week-end, avec la montée des partis aux deux extrémités du spectre politique, en sont la dernière illustration. Du point de vue d’un gérant de portefeuille obligataire, la question du scénario d’inflation est également centrale. L’inflation à long terme est un déterminant clé des niveaux de taux d’équilibre, qu’il s’agisse des taux directeurs des banques centrales ou des taux d’équilibre à plus long terme. Enfin, l’inflation est également le facteur déterminant qui influence le niveau de corrélations entre actions et obligations et donc une variable importante en termes de construction de portefeuille. Nous constatons empiriquement que les valorisations des obligations sont inversement proportionnelles au niveau d’inflation, c’est-à-dire que les rendements d’équilibre (ou les prix d’équilibre) augmenteront (et les prix baisseront) avec la hausse de l’inflation structurelle et inversement. La relation entre l’inflation et la valorisation boursière est plus complexe. En effet, on obtient la valorisation maximale du marché boursier lorsque l’inflation est stable à un niveau compris entre 2% et 3%, et elle tend à se dégrader si l’inflation baisse vers 0% (risque de déflation) ou augmente au-delà de 3% (risque de dérapage inflationniste). Ainsi, la corrélation entre obligations et actions aura tendance à augmenter proportionnellement à l’inflation, avec une corrélation proche de zéro lorsque l’inflation est comprise entre 2% et 3%. Le graphique 1 illustre la relation effective depuis 1960 entre l’inflation et les niveaux de rendement d’une part (taux 10 ans américain) et d’autre part le niveau de valorisation du S&P 500 (cycle-adjusted price-to-earnings ratio ou CAPE en anglais).

Graphique 1 : Relation entre l’inflation et la valorisation des obligations et des actions.

Sources : données de Robert Shiller depuis 1960 avec calculs GAMA

Le graphique délimite trois types de régimes de corrélation entre actions et obligations : des corrélations négatives lorsque l’inflation est inférieure à 2 %, une corrélation proche de zéro lorsque l’inflation oscille entre 2 % et 3 %, et une corrélation de plus en plus positive au-dessus de 3 %.

Le graphique 2 illustre parfaitement l’importance de l’inflation comme déterminant de la corrélation entre le S&P 500 et les taux américains à 10 ans. Ainsi, dans les années 1970 et 1980, décennies marquées par des niveaux d’inflation élevés, la corrélation entre actions et obligations était clairement positive, les deux types d’actifs ayant tendance à baisser pendant les années de hausse de l’inflation (années 1970) et tendaient à la hausse pendant les années 1980. A l’inverse, les corrélations étaient négatives entre actions et obligations alors que l’inflation passait sous les 2%. Les années de cette décennie ont vu des changements drastiques des régimes de corrélation puisque les années Covid ont commencé comme des années de régime de corrélation négative puis le choc post-Covid a poussé le niveau d’inflation vers le haut, nous faisant entrer dans un régime de corrélation très positif. En effet, si les banquiers centraux ont d’abord vu la crise du Covid comme un choc d’offre, donc a priori de nature transitoire, ils ont rapidement constaté qu’elle s’accompagnait également d’un choc de demande suite aux interventions budgétaires et monétaires sans précédent. Les obligations, au lieu d’offrir une diversification bienvenue, ont été au cœur de la correction des marchés financiers en 2022. Actuellement, la corrélation actions-obligations se situe à des niveaux intermédiaires, toujours positifs, cohérents avec un niveau d’inflation de 3,5 %.

Graphique 2 : Relation entre l’inflation et les corrélations entre les actions (S&P 500) et les obligations (taux à 10 ans, échelle inversée).

Source : Bloomberg, calculs GAMA

La question centrale qui nous intéresse est donc de savoir vers quel niveau d’inflation nous naviguerons dans les années à venir et comment un investisseur global doit répartir son allocation entre actifs à revenu fixe (par exemple, obligations) ou actifs à revenu variable (par exemple, actions). Nous restons convaincus qu’il est aujourd’hui extrêmement difficile de répondre de manière tranchée à cette question et qu’il est nécessaire d’évaluer les différents facteurs clés en termes d’évolution des prix. En effet, comme nous l’avons souligné dans nos précédents commentaires mensuels, le niveau d’inflation dépendra en grande partie des choix politiques, notamment en termes de politiques macroéconomiques. Se pose la question centrale de la gestion des déficits de nos économies développées et de la marge de manœuvre dont disposeront les banques centrales pour les monétiser totalement ou partiellement. Il existe deux camps parmi les économistes sur cette question de l’inflation. Ceux qui croient que l’inflation va structurellement augmenter en invoquant par exemple les « 3 D » : déglobalisation, décarbonation et démographie, à savoir une tendance à la réduction des échanges sur fond de protectionnisme et de délocalisation de l’appareil de production, une tendance à l’augmentation des coûts d’approvisionnement et de transition énergétique, et enfin l’impact du vieillissement sur les salaires avec une pression à la hausse sur les coûts. Le camp opposé rétorquera que l’excès de dette dans le système est le résultat d’une surcapacité de production mondiale et que les prix sont condamnés à rester sous pression avec l’augmentation de l’efficacité de l’appareil de production (par exemple la robotisation). Le risque ultime d’un endettement excessif est celui d’entrer dans une spirale récession-dépression-déflation. De même, ils rétorqueront aussi que la déglobalisation de la production de biens intermédiaires ne freine en rien la mondialisation des services à l’ère de la digitalisation de l’économie et de l’impact de l’intelligence artificielle. Enfin, il est loin d’être évident que l’évolution des tendances démographiques soit inflationniste avec les pressions migratoires et le développement de l’intelligence artificielle.

Il est intéressant de noter que les gestionnaires d’actifs internationaux considèrent le risque d’inflation comme leur plus grand risque majeur dans l’enquête très observée de Bank of America, et ce depuis avril 2021. Il est cependant clair que les opérateurs sur les marchés obligataires anticipent une inflation très stable sur moyenne sur les 10 prochaines années avec un point mort d’inflation compris entre 2% et 2,5% sur les 18 derniers mois (voir graphique 3).

Graphique 3 : inflation à la consommation (bleu foncé), enquête de la Fed sur l’inflation attendue et attentes d’inflation implicites des marchés obligataires (bleu clair).

Sources : Bloomberg, GAMA

En d’autres termes, le marché obligataire ne semble pas craindre un dérapage inflationniste et semble davantage préoccupé par une éventuelle erreur de politique monétaire. Si cela devait se confirmer dans les chiffres, on peut aisément imaginer d’une part une normalisation des taux vers les taux d’équilibre de long terme (légèrement en dessous du niveau d’inflation) et d’autre part des niveaux de corrélations entre actions et obligations qui reviennent vers zéro, offrant là encore un gros avantage en termes d’effet de diversification.
Si l’on compare les primes de risque des actions et des obligations, on constate qu’après 5 ans de sous-performance, les obligations de qualité en USD – obligations du Trésor ou d’entreprises – offrent des rendements similaires aux actions, mais avec une volatilité plus élevée. nettement plus faible. Le graphique 4 compare le rendement moyen du S&P 500 sur 10 ans, en prenant pour hypothèse une croissance des bénéfices de 7 % par an par rapport aux niveaux actuels, avec les rendements du Trésor américain ou des entreprises à 10 ans en USD.

Figure 4 : Rendements des actifs en USD et volatilités implicites des actions et des obligations.

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Source : Bloomberg, calculs GAMA, rendements des liquidités, de la trésorerie (10 ans) et des entreprises par rapport à une estimation des rendements des actions du S&P 500 en utilisant une hypothèse de 7 % des bénéfices sur 10 ans par rapport aux bénéfices actuels.

Figure 5 : Ratios de Sharpe (rendement excédentaire par unité de risque) des actions, des obligations et d’un portefeuille équilibré 50/50.

Source : Bloomberg, calculs GAMA prenant des hypothèses de risque (volatilité implicite sur actions et obligations) ainsi que différentes hypothèses en termes de corrélations actions et obligations (entre +0,5 et -0,5).

Ce qui est remarquable sur la base de ces estimations, c’est de constater que les obligations redeviennent attractives par rapport aux actions et ce pour la première fois depuis 2007 environ. D’autre part, un portefeuille équilibré 50/50 offre désormais l’un des rendements attendus ajustés au risque les plus attractifs depuis 10 ans. A noter que les volatilités implicites utilisées sont historiquement basses pour les actions (VIX à 12%) et élevées pour les obligations (MOVE à 100 bps ou environ 7% équivalent pour un 10 ans américain).

POSITIONNEMENT D’UN PORTEFEUILLE OBLIGATAIRE MONDIAL

Dans ce contexte, comment positionner un portefeuille obligataire ? Nous restons globalement constructifs à l’égard des obligations de qualité investissement. Les obligations indexées sur l’inflation offrent une protection et donc une diversification intéressante en cas de changement de scénario vers une hausse plus structurelle de l’inflation (ce n’est pas notre scénario principal actuellement). Un investisseur peut ainsi être assuré de recevoir 2% au-dessus de l’inflation en USD. Nous continuons de privilégier un portefeuille plutôt défensif en termes de risque de crédit, en privilégiant les obligations de qualité sur les segments intermédiaires et en évitant les maturités très longues, vulnérables à une pentification des courbes de taux. Nous maintenons une approche prudente sur les segments de crédit les plus risqués, en particulier le haut rendement, qui nous semble offrir une protection insuffisante en termes de rémunération. Nous privilégions la diversification vers les obligations dites hybrides d’émetteurs financiers et non financiers de qualité, même si nous avons réduit cette allocation au cours du deuxième trimestre. Enfin, la diversification vers les obligations d’entreprises émergentes permet de s’exposer à des émetteurs de qualité avec des primes attractives.

D’une manière générale, les obligations ont retrouvé les caractéristiques attendues de cette classe d’actifs. Après avoir été des détracteurs de performance au cours des cinq dernières années, elles pourraient à nouveau offrir leurs deux plus grandes qualités : une source de rendement attractive et stable ainsi qu’une valeur de diversification. Les « bond vigilantes » que l’on pourrait traduire par « gardiens du temple obligataire » suivront de très près l’évolution de l’inflation dans les années à venir et les décisions politiques clés des autorités monétaires et fiscales et n’hésiteront pas à marquer leur mécontentement en cas de glissement à la hausse de l’inflation.

 
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