Abandonner quelques vulgarités au travail est de plus en plus courant et accepté, selon une étude britannique. Voici ce que cela signifie.
Une page qui se ferme toute seule sur votre ordinateur et c’est le gros mot qui commence par ap qui sort instinctivement. Un supérieur hiérarchique qui vous rappelle qu’il attend un dossier que vous avez complètement oublié et c’est le mot en M qui met en avant votre inconscience. Un projet bien avancé qui n’a pas été sauvé et, là, c’est carrément un florilège d’expressions fleuries, où les mots en p et en m peuvent même se combiner.
En 2023, dans une étude réalisée par LinkedIn au Royaume-Uni et relayée par le journal L’Indépendant30 % des salariés interrogés avouent jurer régulièrement. “Une autre étude a révélé que le travailleur britannique moyen entend onze gros mots par jour”écrit encore le média, également cité par Ardoise. Toujours selon la même Source, les jeunes générations avouent plus volontiers se livrer à ces dérapages verbaux.
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Une culture de travail de plus en plus informelle
Comment une telle vulgarité a-t-elle pu s’installer ? Les deux titres rappellent qu’un tel langage n’a pas toujours été la norme, mais que le monde du travail n’est pas le seul responsable. « Jurer est beaucoup moins tabou dans les conversations quotidiennes qu’avant. Il est donc inévitable que ces attitudes plus souples à l’égard de la langue se soient infiltrées incognito au bureau, aidées par une culture de travail de plus en plus informelle et une pandémie qui a brouillé la frontière entre le travail et la vie familiale.pose Ardoisereprenant l’analyse d’Alex Gapud, anthropologue culturel dans un cabinet de conseil en engagement des salariés.
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L’Indépendant lie notamment cette normalisation des jurons à certains secteurs, comme la finance ou encore la cuisine. Pour le journal, il existe même un lien entre la culture de la performance et celle des grossièretés sur le lieu de travail. « Nous avons tendance à jouer les rôles que nous pensons devoir jouer, ajoute l’anthropologue. Vous pouvez avoir un leader qui a envie de jurer parce qu’il a une idée ou une norme de ce qu’est un comportement « alpha ». » Dans certains cas, commencer à jurer soi-même serait simplement une façon de se faire accepter.
Attention à l’atmosphère toxique
Toléré et commun, oui. Libérant et bon pour la santé, certainement. Mais trivial, non. Même si un gros mot n’a pas toujours beaucoup de sens pour celui qui le prononce, ce n’est pas nécessairement le cas pour celui qui le reçoit. « Les jurons excessifs ou agressifs peuvent être nocifs. Dans des situations tendues, ils peuvent aggraver le conflit ou créer un environnement hostile. » prévient Alex Alvarez, responsable scientifique en ressources humaines, qui invite plutôt à créer un contexte inclusif.
Nuances juridiques
Du point de vue juridique, il semble également que c’est le sens donné aux mots qui sépare le serment accepté de l’insulte impardonnable. En 2010, la cour d’appel de Dijon a par exemple jugé qu’il était légitime de licencier un salarié qui avait traité un collègue de « petit connard », rapporte Legal Curiosities, qui examine les décisions de justice sur les réseaux sociaux. D’autre part, L’Indépendant relaye une autre décision française, qui considérait que répondre « je m’en fiche » devait être accepté par l’employeur. Franceinfo indique également que des circonstances atténuantes, par exemple avoir vécu une journée difficile, peuvent dans certains cas être concédées.
Bref, si vous ressentez le besoin de crier comme le capitaine Haddock, il vaut mieux que votre impolitesse soit dirigée contre vous-même ou contre personne, plutôt que contre un collègue. Vous pouvez également le réserver pour vos journées de télétravail si vous en disposez. Seul à la maison, en veillant à ce que la vidéo soit bien éteinte, personne ne vous reprochera votre manque d’élégance.