La santé de l’une des grandes dames de l’estuaire du Saint-Laurent suscite des inquiétudes. Arrivée trop maigre ce printemps, les chercheurs craignent le pire pour la baleine à bosse de 27 ans observée chaque année depuis 1999 dans le parc marin.
Les chercheurs ont constaté qu’à l’automne, elle quittait l’estuaire avec beaucoup moins de kilos que d’habitude.
« Ce qu’on a remarqué, c’est que l’an dernier, elle était déjà maigre, alors qu’elle aurait dû être toute grosse et ronde », révèle le chercheur Robert Michaud, directeur scientifique et président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).
Sur l’ignorer
Robert Michaud a rapporté qu’elle ne présentait aucun signe d’enchevêtrement ou de collision lorsqu’elle a été observée pour la dernière fois le 5 juin.
Bien que les chercheurs qui ont été en contact avec Tic Tac Toe ne soient pas entièrement certains des raisons de sa perte de poids importante, un « problème chronique » est l’hypothèse qui semble être la cause de son état.
Son âge vénérable de 27 ans pour les grandes baleines équivaut à quarante ou cinquante ans pour les humains. « Tic Tac Toe est jeune. Les individus peuvent vivre jusqu’à 50 ou 60 ans et, à cet âge, elle aurait pu continuer à produire des veaux pendant encore plusieurs années », révèle M. Michaud.
La nature suit son cours
De concert avec les autres intervenants qui agissent sur le fleuve, le GREMM a pris la décision de laisser « la nature suivre son cours ».
Robert Michaud affirme qu’aucune démarche ne sera entreprise pour l’approcher et prélever des échantillons afin de comprendre ce qui afflige Tic Tac Toe. « Même si on avait appris précisément, ça ne l’aurait pas aidée », croit-il, ajoutant que si elle avait été prise dans un filet, les choses auraient été différentes.
« Le problème avec ces animaux, c’est qu’on intervient trop dans leur vie, et si on intervenait moins, ils seraient peut-être en meilleure condition », juge le chercheur. « Il y a des choses qui peuvent mal tourner à tout moment dans leur vie », ajoute ce dernier, « et c’est leur vie ».
Un pionnier
L’histoire du Tic Tac Toe est en quelque sorte celle de la présence des baleines à bosse sur le territoire du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent.
En 1999, un seul individu est apparu de façon sporadique, bien qu’il soit présent plus loin dans le golfe du Saint-Laurent et que sa population ait augmenté au début des années 2000.
« Lorsque les populations augmentent, généralement leur répartition s’étend et les individus développent de nouvelles aires d’alimentation », explique Robert Michaud.
En 1997, Tic Tac Toe est venue avec sa mère et, grâce à son tempérament « explorateur », plusieurs autres individus l’ont rejoint au fil des années en plus de transmettre cette culture à leurs veaux. Leur nombre oscille aujourd’hui entre 30 et 60 individus, voire 80.
Les petits poissons comme le lançon et le capelan forment des bancs généreux dans l’estuaire qui constituent la principale source de nourriture des baleines à bosse. « Ils ont découvert la snack-bar. Quand tu as une bonne placeil faut le garder», souligne avec humour le chercheur.
