Les Namibiens se rendent aux urnes ce jeudi pour élire leur nouveau dirigeant. Le favori est le candidat du parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1990.
“Elle a l’air si sage, si douce et si gentille”explique un électeur potentiel à la chaîne britannique BBC. La jeune femme fait l’éloge du favori des prochaines élections générales namibiennes qui auront lieu jeudi, Netumbo Nandi-Ndaitwah (NNN). Ce dernier, âgé de 72 ans, représente le parti SWAPO, mouvement historique au pouvoir depuis 1990 et l’indépendance du pays. En cas de victoire, elle deviendrait la première femme présidente de Namibie et le quatrième chef d’État élu sur le continent africain. Fille d’un pasteur anglican, NNN est particulièrement connue pour ses positions conservatrices. C’est une fervente « partisan d’une législation stricte concernantavortement »note le politologue allemand Henning Melber auprès de l’AFP.
L’actuel vice-président de la Namibie a progressivement gravi les échelons au sein du parti. C’est à l’âge de 14 ans (en 1966) qu’elle rejoint le mouvement de résistance contre l’Afrique du Sud qui gouvernait alors le pays. La même année, elle et plusieurs membres du mouvement s’exilent pour échapper à l’oppression. Elle y revient en 1990 et entre en même temps à l’Assemblée nationale. En 2010, « NNN » assume ses premières fonctions gouvernementales, devenant ministre de l’Environnement et du Tourisme. Deux ans plus tard, elle est nommée ministre des Relations internationales et de la Coopération, poste qu’elle occupe pendant onze ans. Parallèlement, elle occupe le poste de vice-premier ministre à partir de 2015. En février dernier, la candidate a été nommée vice-présidente après le décès de l’actuel président.
« NNN » est souvent critiqué par ses opposants pour ses liens avec la Russie. Ils affirment que si elle gagne, elle mettra en œuvre une politique anti-occidentale. Elle tire ses attaches russes de son exil en Russie où elle a étudié dans une organisation de jeunesse du Parti communiste soviétique. « Elle a également étudié à Royaume-Uni mais ses liens avec Moscou semblent l’avoir beaucoup plus affectée »estime Henning Melber. « Elle a intériorisé une sorte de sentiment anti-occidental »ajoute-t-il.
« Un changement significatif »
Selon la chaîne britannique, la promesse d’une femme à la tête du pays a cependant séduit les électrices. Netumbo Nandi-Ndaitwah porte en effet l’espoir de ceux qui souhaitent un changement dans la société patriarcale. « La possibilité qu’elle devienne la première femme présidente du pays pourrait être le catalyseur d’un changement important de culture politique au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (un bloc de 16 pays principalement du sud, NDLR). Un territoire où les hommes dominent les échelons du pouvoir depuis l’effondrement du régime colonial etapartheid »Rich Mashimbye, chercheur à l’Institut pour la pensée et la conversation panafricaines (Ipatc) de l’Université de Johannesburg, a déclaré à l’agence de presse turque Anadolu.
“Je ne crois pas que la société namibienne soit prête à avoir une femme présidente”estime l’analyste indépendante Marisa Lourenço à l’AFP. Il reste « Difficile de juger si les électeurs sont prêts à voter pour une femme »notamment “dans les régions du nord (fief du parti, NDLR)”analyse Henning Melber. Sa nomination comme candidate, en 2023, a été plus que contestée par les membres de son parti, y compris devant les tribunaux. “Est-ce que cela signifie qu’ils (les membres de son parti) voteront pour eux ?” demande le politologue. Malgré tout, NNN croit en ses chances de remporter l’élection présidentielle.
Autre facteur inquiétant pour les experts : son 72e printemps. « Son âge et le fait qu’elle soit un pilier de la SWAPO »constituent un obstacle majeur, observe Marisa Lourenço, dans un pays où la majorité de la population (63%) est née après l’indépendance et souhaite changer d’air. « On dit que je suis trop vieux, qu’on a besoin de jeunes. Je ne nie pas mon âge.elle s’est défendue en 2022 lors d’un meeting. Lors de ses discours, la vice-présidente compare souvent la vieillesse à la sagesse.
“La vieille école”
Face à Netumbo, Nandi Ndaitwah se présente comme un concurrent de taille en la personne de Panduleni Itula (Patriotes indépendants pour le changement). Ce dernier souhaite profiter de la baisse de popularité du parti historique pour accéder à la présidence. Dans le pays, il est également considéré comme un « vent de changement » tandis que NNN représente la vieille école “essayé” plus “fiable”.
Cette rivalité pourrait être synonyme d’un second tour lors de l’élection. Une première puisque tous les présidents précédents ont été élus au premier tour. NNN peut cependant compter sur sa réputation de« incorruptible tant moralement que matériellement »comme l’a déclaré le diplomate namibien Tuliameni Kalomoh dans des commentaires cités par la BBC.
La Namibie a en effet été plongée dans plusieurs scandales financiers ces derniers temps, notamment au sein du parti historique. Le pays a même été inscrit sur la liste grise des « surveillance renforcée » par l’organisation anti-blanchiment GafiDes. Selon l’organisation, le pays souffre de « lacunes » dans sa politique anti-corruption.