Pour la plupart des Américains, le débat de ce soir est aussi bienvenu qu’une visite chez le dentiste.
Même si la campagne est en cours depuis longtemps, ce sera pour de nombreux électeurs inattentifs la première occasion de prendre le pouls d’une course que très peu souhaitaient revivre.
Premières
Ce débat sera sans précédent à plusieurs égards. Premièrement, les candidats ont largué le comité qui avait pour mandat de l’organiser. Cela a permis l’exclusion du fêtard Robert F. Kennedy.r. Tant mieux, car la distraction qu’elle aurait induite n’aurait pu que nuire à l’objectif de clarification du choix entre ceux qui ont de réelles chances de gagner.
C’est aussi le premier débat organisé aussi tôt dans la campagne. Cela convient à Biden, qui a besoin de dissiper l’image de faiblesse que lui a collée son adversaire. Trump et les médias de droite ont si bien cultivé cette image que Biden dépassera facilement les attentes.
Un débat aussi précipité risque d’être oublié le jour du scrutin, mais il donnera le ton de la période de mobilisation clandestine des militants durant l’été.
Deux protagonistes sur la défensive
Ce débat sera le premier de l’ère moderne dans lequel les deux participants auront un bilan à défendre. Le défi est unique pour Biden car les questions liées à son administration sont fraîches dans l’esprit des électeurs, alors que nombre de celles liées au mandat de Trump sont tombées dans l’obscurité.
Ce sera également le premier débat mettant en vedette un criminel reconnu coupable. C’est délicat pour Biden. Il pourrait marquer des points auprès de ceux qui ne connaissent pas les démêlés de Trump avec la justice. En revanche, en mettre trop risquerait de donner du crédit au discours de Trump, qui se dit victime d’une justice instrumentalisée.
Le format du débat, où les candidats feront face à un studio vide et où les micros seront coupés en dehors du temps de parole, favorise Biden. En revanche, les animateurs de CNN ont accepté de ne pas jouer le rôle de correcteurs de faits, ce qui permettrait à Trump de plonger son audience dans l’univers parallèle de faits alternatifs.
Un premier débat TikTok
Ce sera également l’un des premiers débats présidentiels qui touchera son public principalement sous la forme de brefs clips vidéo destinés à influencer ceux qui obtiennent leurs nouvelles via TikTok ou Instagram.
Cela va donner lieu à des scènes prévisibles. La stratégie de Trump consiste à «inonder la zone de merde», selon les mots crus de son conseiller Steve Bannon. On aura droit à des séquences où ses salades de mots apparaîtront à ses partisans comme des coups de génie, surtout s’il parvient à générer suffisamment de confusion pour déséquilibrer Biden.
Biden, de son côté, tentera de faire sortir Trump de ses gonds pour ramener dans la mémoire de l’électorat son caractère chaotique et incontrôlé.
Le plus souvent, cette recherche du clip meurtrier se fera au détriment d’un débat substantiel et véritablement instructif.
Enfin, il faut rappeler que les débats présidentiels sont rarement décisifs. Même en cas de KO, il restera 18 semaines de campagne. En politique, une semaine est une éternité. C’est long, 18 éternités.
