Entre mer Caspienne et montagnes du Caucase, l’Azerbaïdjan restait peu connu sur la scène internationale. C’est grâce à sa principale richesse, les énergies fossiles, qu’elle s’est développée dans les années 1990 et 2000. Soutenue par son voisin russe, l’ex-république soviétique accueille dans sa capitale, Bakou, la grande messe climatique, la 29e Conférence des parties (COP29) jusqu’à ce vendredi.
A l’ouverture de ces négociations, l’autocrate Ilham Aliev, au pouvoir depuis 2003, a utilisé une formule frappante, reprise dans les médias. Le pétrole et le gaz, comme les autres ressources naturelles, sont des « dons de Dieu », répétait cet ancien directeur de la Compagnie pétrolière nationale d’Azerbaïdjan, qui avait déjà prononcé ces mots en avril. Or, du fait des activités humaines, leur combustion produit des émissions de gaz à effet de serre, qui réchauffent le climat. Nous sommes loin de « la sortie progressive des énergies fossiles » et de la neutralité carbone à atteindre d’ici 2050, avancées dans l’accord de Dubaï.
L’argent du pétrole « vital » pour financer le régime Aliyev
Il faut dire que cette nation située entre l’Asie et l’Europe fait partie des dix premiers États pétroliers et gaziers au monde. En 2021, 90 % des revenus d’exportation provenaient du secteur pétrolier et gazier et finançaient environ 60 % du budget de l’État, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Comment un pays aussi dépendant envisage-t-il sa transition ? « Il est difficile d’avoir une vision sur cette question », a déclaré François Gemenne, spécialiste de géopolitique environnementale et qui était à Bakou la semaine dernière en tant qu’observateur de la COP. Les déclarations du président Aliyev envoient des signaux de confusion. »
D’autant que Mukhtar Babaev, président de la COP29 et ministre de l’Environnement, avait déjà annoncé cet été que son pays continuerait d’augmenter sa production de gaz pour répondre à la demande internationale, parallèlement à des investissements dans les énergies renouvelables. « On voit bien qu’un pays producteur a du mal à envisager de s’éloigner des énergies fossiles, malgré des puits qui se tarissent », constate Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Projet et auteur de Pétrole, le déclin est proche. La manne pétrolière est tout simplement vitale pour financer le régime en place. »
Une classification des énergies fossiles qui laisse « sceptique »
En comparant le pays avec les Émirats arabes unis (EAU), où s’est déroulée la COP28 en 2023, François Gemenne constate un manque de clarté dans la discussion sur la transition azerbaïdjanaise. “A Dubaï, le discours était : nous avons utilisé du pétrole lors de la première phase de notre développement, nous inaugurons une deuxième phase qui sera principalement basée sur l’énergie solaire”, explique le chercheur. Les Émirats envisagent de continuer à extraire du pétrole pour la fabrication de vêtements ou de plastique, tout en réduisant cette part et en comptant sur le fait que leur pétrole émet moins de gaz à effet de serre lors de l’extraction qu’en Alaska ou en Russie.
“On voyait bien le plan, même si on pouvait le critiquer”, poursuit-il. Mais dans le cas de l’Azerbaïdjan, c’est beaucoup moins clair. » Sa transition repose largement sur le gaz naturel. « Des pays comme le Qatar misent aussi sur le gaz comme une sorte d’énergie intermédiaire entre le pétrole, les énergies renouvelables et le nucléaire », analyse-t-il. Mais je suis sceptique quant à cette classification des énergies fossiles. Certes, le charbon est pire que le pétrole, lui-même pire que le gaz. Mais retirer le gaz du panier des combustibles fossiles est dangereux. »
Un objectif ambitieux sur les énergies renouvelables
En 2023, l’Azerbaïdjan a révisé sa contribution volontaire, un engagement pris dans le cadre de l’Accord de Paris de planifier les questions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Et le pays a repoussé à 2050 son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 %, par rapport au niveau de 1990.
Elle s’est fixé l’objectif ambitieux dans son plan d’adaptation de porter, d’ici 2027, la part des énergies renouvelables à 33 % de son approvisionnement énergétique total… Quand celui-ci stagnait à 1,5 %. , y compris l’hydroélectricité, en 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie. Le reste du mix énergétique est issu d’énergies fossiles, avec par exemple 90 % de l’électricité produite par le gaz naturel.
«Quand on regarde la réalité de l’installation des énergies renouvelables, on ne voit pas vraiment qu’il se passe quelque chose», commente le chercheur belge. La COP sera-t-elle une sorte de choc pour les forces économiques azerbaïdjanaises ? Peut-être, mais ce n’est pas ce que j’ai vu. »
Vulnérable au changement climatique
Dans son rapport sur le profil énergétique du pays, l’AIE explique qu’il sera « difficile » d’atteindre l’objectif de contribution volontaire pour 2030 si le pays « ne s’attaque pas à l’augmentation de la demande énergétique ». carburants de transport [qui n’est pas limitée par les prix ou les taxes] et l’augmentation de la consommation de gaz naturel [qui est subventionné dans tous les secteurs] « . Bien que des mesures d’atténuation aient été prises pour les secteurs de l’énergie, du résidentiel, du commerce, des transports, de l’agriculture et des déchets, elles ne sont pas juridiquement contraignantes, note l’Agence.
Cependant, l’Azerbaïdjan est vulnérable au changement climatique et menacé par la diminution des précipitations, l’augmentation des sécheresses ou l’intensification de phénomènes tels que les inondations. Mais la réduction de ses émissions est conditionnée au financement de cette adaptation, l’un des enjeux cruciaux de la COP29. Les pays en développement répètent qu’ils ont besoin d’un soutien financier.
Notre dossier sur la COP29
Pour Matthieu Auzanneau, « le principal enjeu n’est pas celui des buralistes, mais celui des fumeurs. Il serait plus intéressant que les pays importateurs de pétrole et de gaz annoncent une organisation prévoyant une baisse systématique de leur demande, ce n’est pas le cas.» Mais le temps presse, comme l’ont prévenu les scientifiques du GIEC dans la synthèse du sixième rapport d’évaluation, la fenêtre d’opportunité pour limiter le réchauffement à +1,5°C se referme.