“C’est le retour de la géopolitique”, estime mercredi Sébastien Poncelet, analyste spécialisé dans les céréales chez Argus Media France.
«Le marché du blé s’est détendu après laélection de Trump », qui avait promis de résoudre le conflit en Ukraine dans les 24 heures, et « a trouvé des facteurs d’appui depuis vendredi, avec l’escalade des tensions en mer Noire », note-t-il.
C’est essentiellement la Bourse de Chicago qui donne le ton depuis les résultats de l’élection américaine.
Les pertes de la semaine dernière ont été pratiquement effacées par le rebond de ces derniers jours : sur Euronext, le blé tendre est passé de moins de 210 euros la tonne il y a une semaine à 218 euros fermeture mardi soir. Et à Chicago, les céréales panifiables ont clôturé en hausse à 5,5 dollars le boisseau (environ 25 kilogrammes).
Pour Dewey Strickler, analyste chez Ag Watch Market Advisors, “le blé est en hausse parce que l’administration Biden a autorisé l’utilisation par l’Ukraine de missiles à longue portée en Russie, ce qui a agité le marché”.
L’armée ukrainienne a tiré mardi, pour la première fois, des missiles à longue portée ATACMS (Army Tactical Missile System) sur le territoire russe, après la feu vert de Washington à l’usage de ces armes.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a promis mardi une réponse « appropriée » à ces tirs, dénonçant l’implication des États-Unis dans ces frappes et y voyant une « nouvelle phase » du conflit.
Cette canicule fait craindre une rupture de l’approvisionnement en céréales en mer Noire et contribue donc à la hausse des prix du blé, selon M. Strickler.
“Depuis le début de la semaine, (le marché) a intégré davantage la géopolitique et les fondamentaux de l’offre et de la demande et moins l’incertitude de la politique commerciale”, avec la perspective d’une augmentation des droits de douane liée à l’élection de Donald Trump, note Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.
Le soja dans le rouge
Pour lui, cette “prime de risque géopolitique” sur le marché du blé “semble compenser très efficacement (…) l’état des récoltes de blé d’hiver américain”, qui s’est nettement améliorée après les pluies enregistrées dans le Midwest depuis le début du mois.
Selon les chiffres du Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) publiés lundi, 49 % du blé américain est en « bon » ou « excellent » étatcontre 48% l’année dernière à la même époque.
Sur les marchés mondiaux, « les prix connaîtront probablement de fortes fluctuations », en fonction des volumes de céréales produits en Russie et en Ukraine, estime Jason Roose de US Commodities.
Selon le dernier rapport de l’USDA, La production russe de blé devrait atteindre 81,5 millions de tonnes en 2024-2024 et ses exportations estimées à 48 millions de tonnes, un niveau élevé malgré une baisse attendue de la récolte de plusieurs millions de tonnes.
L’USDA estime la récolte ukrainienne à environ 23 millions de tonnes, mais le ministère ukrainien de l’Agriculture est plus optimiste : il estime désormais sa future récolte de blé à 25 millions de tonnes, notamment en raison d’une augmentation des superficies emblavées. .
Dans un marché du blé qui reste « équilibré », avec une offre suffisante, la grande inconnue sera le volume de la récolte en Australie : “Nous avons des estimations allant de 24 à 34 millions de tonnes”, avec des rendements très hétérogènes selon les régions, certains ayant subi trop de pluie ou de gel, note Sébastien Poncelet.
Moins sensibles que ceux du blé à cette volatilité accrue, les prix du maïs ont été soutenus par des ventes toujours importantes en provenance des Etats-Unis.
En revanche, le soja était sur une tendance à la baisse, conséquence d’une “Un temps plutôt doux en Amérique du Sud”, ce qui augmente les chances de bonnes récoltes et pèse donc sur les prix, souligne Dewey Strickler.
La récolte brésilienne s’annonce cette année encore comme un record, l’association brésilienne Abiove tablant sur près de 168 millions de tonnes et l’USDA sur 169 Mt.