Après la Seconde Guerre mondiale, la France a du mal à se relever. Sa situation économique, sociale et politique est la plus mauvaise. Alors que plusieurs milliers de soldats reviennent du front et se retrouvent au chômage, de nombreux Français et Françaises vivent aujourd’hui dans une extrême pauvreté. Sur le plan économique, la priorité est de relancer la production industrielle, avec une attention particulière au charbon. Si la reconstruction économique est un chantier majeur, cette période exceptionnelle favorise des réformes sociales de grande ampleur. Sans oublier le Parti communiste français (PCF), qui s’est imposé à la Libération comme le parti dominant de la gauche française.
En octobre 1944, Pierre Laroque, ministre du Travail de septembre 1944 à novembre 1945, est chargé de mettre en œuvre un plan de sécurité sociale. Un long travail l’attend.
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Les principes fondateurs de la sécurité sociale
Au XIXe siècle, il existait déjà des assurances qui permettaient aux travailleurs de bénéficier d’une pension ou d’une pension en cas d’invalidité. Ces fonds affinitaires sont gérés par différents groupes (syndicats, catholiques, employeurs, etc.) et proposent une adhésion, certes obligatoire, mais avec possibilité de choisir la sienne. Ces fonds jouent un rôle important dans la protection sociale bien qu’ils soient très critiqués, notamment en raison de leur fonctionnement paternaliste.
Le projet de la Sécurité Sociale consiste en l’unification de tous ces fonds. Elle a été conçue par Pierre Laroque comme une institution gérée paritairement (moitié travailleur, moitié employeur), bref un système de protection sociale fondé sur la solidarité, la répartition et la social-démocratie. Les ordonnances de 1945 ont introduit l’universalité de la couverture sociale puisque tous les travailleurs, salariés ou non, doivent pouvoir en bénéficier.
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Ambroise Croizat et les nouveaux problèmes de mémoire
Dans cette démarche, Ambroise Croizat, alors membre du PCF et de l’Assemblée consultative provisoire chargée du développement de cette sécurité sociale, est nommé ministre du Travail du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946 par Charles de Gaulle, président du gouvernement provisoire. . . de la République. C’est donc lui, avec Pierre Laroque, qui est chargé de l’exécution de ces arrêtés et de l’organisation de la sécurité sociale. Elle met en place les services techniques nécessaires et surtout organise les négociations avec les adversaires (dont les gérants et adhérents des mutuelles). Aujourd’hui la figure d’Ambroise Croizat fait l’objet de nombreuses réappropriations politiques. Parfois présenté comme le « père fondateur » de la Sécurité sociale, son rôle a été déterminant dans la mise en œuvre du projet et dans l’adaptation syndicale du système, sans en être l’unique promoteur.
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En savoir plus
Bruno Valat est historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut National Universitaire Champollion, Université de Toulouse.
Publications :
- Les marchés de la santé en France et en Europe au XXe sièclesous sa direction, Presses Universitaires du Midi, 2021
- Histoire de la sécurité sociale (1945-1967) : l’État, l’institution et les soins de santéÉconomique, 2001
Léone Rosell est professeur agrégé d’histoire, doctorant à l’Université de Bourgogne, ancien élève de l’ENS de Lyon. Il prépare une thèse intitulée « Ambroise Croizat (1901-1951), fils d’ouvrier, ministre du Travail et « père oublié » de la Sécurité sociale », sous la direction de Jean Vigreux et Julian Mischi, Université de Bourgogne Franche-Comté.
Références sonores
Archive et extrait du film :
- Microphone de trottoir, RTF, 5 octobre 1965
- Haut fonctionnaire Alexandre Parodi, RTF, 5 octobre 1965
- Jolfre Gregonora, métallurgiste, militant communiste et syndicaliste de Haute-Savoie, dans le film documentaire Le social de Gilles Perret, 2016
- Ministre du Travail Ambroise Croizat, RTF, 26 décembre 1945