Michel Barnier, qui invitera tour à tour les présidents de groupe la semaine prochaine à Matignon, recevra Marine Le Pen pour la première fois depuis sa nomination. Mais cette rencontre avec le Premier ministre suffira-t-elle à empêcher le Rassemblement national de déclencher la censure ? “La décision de censure n’a pas été prise”, mais “le gouvernement prend le chemin”, a en tout cas estimé Jordan Bardella, lundi soir sur BFMTV.
« Les Français ont des préoccupations quotidiennes, la sécurité, le contrôle de l’immigration, le pouvoir d’achat, l’activité économique. Si sur ces grands dossiers le Premier ministre (…) n’est pas capable de fixer un cap (…) alors quel est l’intérêt de ce gouvernement ? », a également déclaré le président du RN.
Marine Le Pen’s “favor”
Il suffirait que les 126 députés lépénistes soutiennent une motion déposée par la gauche pour faire tomber le Premier ministre. Un scénario qui paraissait encore baroque il y a quelques semaines. Cet été, face à une Assemblée nationale fragmentée et sans majorité, Emmanuel Macron a assuré que Marine Le Pen et ses partisans ne censureraient pas a priori Michel Barnier, faveur qu’elle avait acceptée.
L’empressement avec lequel le nouveau locataire de Matignon avait limogé son ministre de l’Économie, Antoine Armand, qui avait exclu le Rassemblement national de « l’arc républicain », prenant la peine d’appeler Marine Le Pen pour l’assurer de sa considération, était particulièrement apprécié.
Marine Le Pen : « Ceux qui sont confiants ne devraient pas l’être autant »
“Barnier est moins énervant que ses prédécesseurs”, se réjouissaient encore début octobre les cadres du parti de la Flamme, décelant du “respect” à leur égard, un pas de plus, selon eux, vers la reconnaissance de l’ex-Front national.
Depuis, les débats lors de l’examen du budget ont refroidi les enthousiasmes. “On nous a dit : ‘Nous allons construire ensemble’ (…) Je ne sais pas avec qui (Michel Barnier) a parlé, mais en tout cas pas avec moi”, grogne Marine Le Pen la semaine dernière.
Le recours « probable » au 49.3 annoncé ce week-end par Michel Barnier, qui permettrait au gouvernement de faire adopter sa version du texte sans retenir les amendements, dont ceux du RN encore votés dans l’hémicycle, a d’autant plus agacé les députés. bonnes troupes. « Vont-ils réimposer leurs 6 milliards de taxes sur l’électricité ? Vont-ils réduire la facture de carburant ? C’est ce qui m’intéresse”, a prévenu Marine Le Pen. Quitte à menacer : « Ceux qui ont confiance ne devraient pas l’être », notant au passage que « si M. Barnier pense bénéficier d’un avantage positif dans l’électorat du Rassemblement national, il commet une très grave erreur de interprétation.
Selon un baromètre Ifop pour Ouest-France publié mardi, 73 % des électeurs RN « désapprouvent l’action du Premier ministre », autant de proportion se disant « opposés » au projet de budget Barnier, selon une étude du même institut pour South Radio.
Conséquence : « Il y a un chemin qui a été fait dans ma tête », jure désormais Marine Le Pen, Jordan Bardella réfutant tout lien avec les ennuis judiciaires de ce dernier dans le procès des assistants parlementaires.
Jean-Philippe Tanguy pour censure avant Noël
Plusieurs de ses proches, menés par le député Jean-Philippe Tanguy, réclament la censure avant Noël. « Nos réserves se sont portées sur nos électorats gagnants, c’est-à-dire les retraités et les chefs d’entreprise. Or, ils nous demandent de censurer», affirme un parlementaire RN, balayant les réserves de ses collègues qui s’inquiètent d’une déstabilisation de l’économie.
Reste un risque politique. « On n’est pas là pour s’amuser », rappelle un député RN du sud, qui ne souhaite pas assumer la responsabilité d’une crise institutionnelle. Comme l’Assemblée ne peut être à nouveau dissoute avant l’été, toute censure préalable apparaît pour beaucoup futile, voire contre-productive. « De quel autre Premier ministre s’agirait-il ? Pour faire quoi de différent ? », demande celui pour qui « Barnier est le moins pire ».
L’hypothèse est néanmoins prise au sérieux au sein du gouvernement. Sa porte-parole, Maud Bregeon, a appelé les socialistes “à ne pas être dans une logique de censure automatique”, qui permettrait “mathématiquement” au RN de ne plus avoir le pouvoir de faire et de défaire les rois.
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