Car comme l’a rappelé une nouvelle fois son président Volodymyr Zelenskyj après les attaques meurtrières de missiles qui ont frappé lundi des quartiers résidentiels de la ville d’Odessa. “La seule façon de mettre définitivement fin à ce terrorisme est d’éliminer la capacité de la Russie à lancer ses attaques. Nous aurions pu sauver des vies si nous avions eu la capacité de détruire les systèmes de lancement et les chaînes d’approvisionnement. […] et les usines de guerre russes“, a-t-il écrit sur X.
« Trop tard »
Mais le feu vert de Biden va-t-il changer la donne ? Pour Michel Liégeois, professeur de relations internationales à l’UCLouvain, il est trop tard pour que l’autorisation ait un réel impact sur le conflit. Au moins, “à court terme. Si la décision avait été prise il y a un an, le fait de pouvoir bombarder et détruire des cibles stratégiques, comme le pont de Crimée, aurait pu avoir un effet. Maintenant, il est trop tard.“
D’autant que les Américains sont actuellement les seuls Occidentaux à autoriser cette nouvelle autorisation de leurs armes : l’Italie a déjà annoncé qu’elle ne l’autoriserait pas et l’Allemagne doit rester prudente. A moins que vous souhaitiez précipiter les négociations. “Du côté allemand, nous sommes à un stade où ils veulent négocier», explique Tanguy de Wilde d’Estmael, également professeur de relations internationales à l’UCLouvain. “Ils pourraient dire à Poutine de cesser d’attaquer des cibles civiles. Sinon, ils autoriseraient les missiles Taurus. Cela peut être un point de négociation.“
Réaction au soutien de la Corée du Nord
Plus que décisive pour la victoire ukrainienne, l’autorisation des attaques ukrainiennes en Russie avec des armes américaines”ça rétablit juste l’équilibre“, ricorda Michel Liégeois. “Dès le premier jour du conflit, la Russie a bombardé l’ensemble du territoire ukrainien. Les Ukrainiens n’ont pas pu réagir. La seule arme dont ils disposaient étaient des drones. Il fonctionne contre des sites très vulnérables mais reste très limité par rapport à ces missiles transportant des charges utiles de plusieurs centaines de kilos.“
Si ce feu vert sonne comme une sorte de retour à l’équilibre dans un domaine, il dépasse totalement les lignes rouges tracées par la Russie. Alors, le changement de stratégie de Biden est-il dangereux ? Pour Michel Liégeois, «C’est une forme d’escalade. Mais c’est aussi clairement une réponse à l’arrivée des soldats nord-coréens.“Ce soutien de la Corée du Nord, dont la contribution en hommes est estimée à plus de 10 000”,c’est un élément d’escalade qui exige une réponse politique. C’est encore la première fois dans le conflit que des unités entières d’une troisième armée viennent se battre.“
Mais parler de danger réel, c’est relativiser. “Nous avons déjà entendu Poutine brandir à plusieurs reprises la menace nucléaire si l’Occident s’impliquait trop dans le conflit. Sans vraiment expliquer ce que signifiait « trop ».“
Des négociations de paix ?
Après 1 000 jours de combats, la question de la suite est forcément légitime. Que va-t-il se passer et combien de jours pouvons-nous ajouter à ces milliers ?
Pour Tanguy de Wilde d’Estmael le premier élément à prendre en considération est l’approche de l’hiver. “Dans la région, l’hiver gèle assez bien les endroits. L’autorisation américaine de frapper le sol russe pourrait légèrement changer la donne, mais les véritables contre-attaques ont généralement lieu durant l’été.« Ne faut-il pas alors s’attendre à de fortes avancées territoriales des deux côtés pour favoriser un climat propice aux négociations de paix ?Peut-êtreexplique. Mais d’abord, un cessez-le-feu est nécessaire pour aider à orienter les négociations.“
Mais les deux pays sont-ils prêts à négocier ? Pour Tanguy de Wilde d’Estmael, c’est peut-être la seule solution dans un conflit où personne ne semble pouvoir prendre le dessus. “Nous sommes à un stade où l’Ukraine ne peut pas perdre et où la Russie ne peut pas gagner. Ou vice-versa“, confirme-t-il. Il n’est donc pas surprenant de voir Volodymyr Zelenskyj moins fermé à l’idée de discuter.»Il a déclaré que 2025 serait une bonne année pour les négociations», souligne-t-il. « Bien sûr, c’est encore loin, mais dans sa déclaration, nous pensons que la victoire totale, qui signifierait la libération de l’ensemble du territoire, ne serait plus l’objectif principal.“
Pro-Russie
Quant à la Russie, il est sans doute encore un peu tôt pour accepter des discussions. “Leurs ambitions ont été revues à la baisse», précise Michel Liégeois. Il ne s’agit plus de soumettre l’ensemble de l’Ukraine et son régime »,est la conquête de l’oblast du Donbass“priorité.”Car ce sera ce qui sera demandé en priorité à la table des négociations“continue.”Et que pour être en position de force, il faut créer un fait accompli avec l’occupation totale par les forces russes de ces territoires revendiqués.“
Même si la Russie empiète progressivement sur le territoire de cette région de l’est de l’Ukraine, elle est encore loin d’atteindre cet objectif. Cela n’empêche pas Michel Liégeois de l’estimer”l’avantage est plutôt avec la Russie» si les parties négociaient. Et ce, malgré le petit bout de territoire russe contrôlé par l’armée ukrainienne dans la région de Koursk.
Autre grande inconnue dans ces potentielles négociations de paix : la position des États-Unis et de son futur président Donald Trump. Car au-delà de la promesse de résoudre le conflit en 24 heures, il faudra voir”s’il est prêt à récompenser l’agression armée et à revoir les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine“ou si tu veux”exercer une pression maximale sur Moscou pour rendre la Russie plus raisonnable” conclude Michel Liégeois.