Exigée par les opérateurs de jeux en ligne depuis de nombreuses années, l’ouverture des casinos sur Internet est agitée comme un chiffon rouge par les opérateurs de casinos physiques qui craignent « des conséquences catastrophiques » sur le secteur, dont souffriraient également les communes qui hébergent des casinos. Notamment dans les Alpes-Maritimes et le Var qui comptent 20 casinos.
Un tiers des casinos français pourraient fermer
« Cela fait une dizaine d’années qu’on parle de l’arrivée des casinos en ligne, confirme Clément Martin Saint-Léon, le directeur général des jeux du groupe Barrière, qui compte 5 casinos dans les Alpes-Maritimes et le Var. Si la légalisation devait être mise en place, on estime que 30 % de nos clients ne se déplaceraient plus pour jouer. Les grands casinos pourraient survivre mais cela signifierait la mort d’un tiers, soit entre 60 et 70 % des établissements.insiste le représentant du groupe Barrière qui est également secrétaire général des Casinos de France.
Selon l’Autorité nationale des jeux (ANJ), cela entraînerait la perte de 15 000 emplois directs au total, sans compter les emplois indirects liés au divertissement.
Impact sur l’attractivité des territoires
« Ces emplois indirects sont estimés à 45 000, précise Edwin Pierre, directeur général du casino Joa La Siesta d’Antibes. Cest la partie méconnue de notre métier et une spécificité française pour les 202 casinos français, nous avons des obligations : assurer la restauration et l’animation au sens large dans notre établissement mais aussi en extérieur. Pour notre casino Siesta, 1,3 million d’euros par an sont consacrés à cette partie. Demain, si notre chiffre d’affaires baisse, cela aura des conséquences en termes d’animation et d’attractivité touristique des régions.»
Pertes fiscales pour les villes et l’État
L’impact d’une telle mesure est également une diminution des recettes pour l’État et les collectivités locales. Aujourd’hui, les casinos terrestres représentent 1,5 milliard de recettes fiscales, dont 500 millions sont reversés aux collectivités où sont implantés les casinos, dans le cadre d’une délégation de service public. Avec une baisse du chiffre d’affaires qui pourrait se situer entre 25% à 30%, la part qui est versée aux communes, ainsi qu’à l’Etat, sera donc moindre. Selon Clément Martin Saint-Léon, elle pourrait perdre 450 millions d’euros de recettes fiscales. « Ce que l’État pourrait gagner en fiscalité d’une part avec les casinos en ligne, il pourrait le perdre sur les casinos terrestres. Donc, à mon avis, c’est complètement contre-productif.
Quelle alternative ?
Cependant, les professionnels du secteur ne résistent pas totalement au changement. « C’est le sens de l’histoire que d’avancer vers la numérisation, mais pas au détriment d’autre chose. » prévient Edwin Pierre du groupe Joa. « On peut développer le secteur, mais en mesurant chacun des impacts. Si ce choix devait être fait demain, il faudrait laisser ce rôle aux casinos terrestres. Pour nous, c’est la seule alternative possible. adds Clément Martin Saint-Léon.
C’est le projet Jade qui est dans les cartons des opérateurs de casinos français depuis plusieurs années : il refléterait son offre de jeux en ligne auprès d’un établissement physique français. « Aujourd’hui, nous sommes les mieux placés pour faire respecter les règles du jeu, plaide Edwin Pierre. Parce que nous opérons dans nos casinos depuis plus de 100 ans. Vous devez nous laisser le contrôle là-dessus. A nous alors de nous réinventer et de faire preuve de créativité pour continuer à attirer nos clients dans nos établissements. Mais les deux peuvent coexister si nous gardons les mains ensemble.
Pas forcément du goût des syndicats de concessionnaires qui craignent encore, à terme, une érosion du nombre d’emplois liés aux jeux. Un secteur déjà fragilisé par l’arrivée massive des machines à sous dans les casinos français.