Soupçonnée de détournement de fonds publics, Marine Le Pen risque une peine de cinq ans de prison, assortie d’une amende de 300 000 euros et d’une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, c’est-à-dire immédiate. Cette dernière demande demandée par les deux procureurs a suscité de nombreux commentaires. La question se pose de l’ingérence du pouvoir judiciaire sur le pouvoir législatif. Comment interpréter une telle demande ?
Appliquer la loi
Magali Lafourcade s’oppose à la thèse de Marine Le Pen qui vise à transformer l’affaire en procès politique. Pour elle, ce n’est pas la personnalité politique qui est en cause, mais des faits contraires à la loi : « Même si elle compte 11 millions d’électeurs et qu’elle est une élue de premier ordre, elle est soumise à la loi comme les autres. C’est l’un des principes démocratiques fondamentaux.”. Selon Magali Lafourcade, le parquet vise Marine Le Pen car il la considère comme l’instigatrice d’un système organisé. Si certains s’étonnent qu’une décision d’inéligibilité puisse empêcher Marine Le Pen de se présenter en 2027, Magali Lafourcade rappelle le principe de la présomption d’innocence comme principe central de l’institution judiciaire.
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Rendre inéligible une personnalité politique : une réquisition plus politique que judiciaire ?
Revenir sur la loi Sapin 2 de 2006, qui se voulait une loi de moralisation de la vie publique, est l’occasion pour le magistrat de mettre en avant les plus grandes possibilités de délinquance en col blanc : « À l’époque, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) expliquait qu’il existait en France un problème d’inégalité dans l’application de la loi entre la délinquance ordinaire, sévèrement réprimée, et la délinquance en col blanc, qui pouvait bénéficier de de nombreuses possibilités de recours, par des moyens de pression, qui pourraient plus facilement échapper à la justice, avec des peines qui n’ont plus de sens lorsqu’elles sont prononcées 15 ans après les faits. ». L’idée de rendre inéligibles les élus reconnus coupables de détournement de fonds avait fait le consensus des Français, rappelle-t-il.
Informé du précédent de l’affaire Fillon, Hervé Lehman ne souhaite pas que ce qui s’est passé en 2017 se reproduise en 2027. Autrement dit, il craint une violation de la trêve électorale et que « Les élections présidentielles sont faussées par un accélérateur de justice ». La mesure d’exécution provisoire représenterait un coup de pouce qui éviterait la nécessité d’un appel. Malgré les accusations portées contre Marine Le Pen, “priver un tiers des Français de leur candidat est un vrai problème”crédit [1/5e de l’électorat si l’on rapporte les voix du RN obtenues aux législatives 2024 au nombre d’inscrits sur les listes électorales, NDLR].
Défense du principe de séparation des pouvoirs
Magali Lafourcade observe dans la séquence actuelle une remise en cause du principe de séparation des pouvoirs : « Il est très inquiétant de constater que l’indépendance de la justice est mise à mal dans les médias et dans certains propos politiques » au point que certains médias continuent de laisser entendre que c’est la personnalité politique qui est visée et non les raisons de l’accusation.
Mais l’action des magistrats qui ont pris position contre le RN lors des élections présidentielles ne comporte-t-elle pas le risque d’avoir des juges partiaux ? “Rien ne dit que les juges qui composent le tribunal correctionnel ont fait partie de ce mouvement”répond Magali Lafourcade. Il précise que le bureau de la CNCDH s’est positionné dans ce sens dans la mesure où le RN a «ceux qui, dans l’opposition, menacent les principes démocratiques et, surtout, violent les droits et libertés».
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