(Kurakhove) Le long de la route de Kurakhove, dans l’est de l’Ukraine, s’alignent des maisons fantômes, des carcasses brisées par les bombes, tapissées de poivrons moisis sur la vigne et des parterres de fleurs jonchés de débris.
Florent VERGNES
Agence France-Presse
La région et ses villages sont aujourd’hui pris en sandwich par les forces russes qui avancent au nord, au sud et à l’est, obligeant la population à fuir encore et encore.
L’armée russe continue d’avancer dans cette zone qui contient un important gisement de lithium et est située au sud de Pokrovsk, ville industrielle et hub logistique majeur pour les forces ukrainiennes.
C’est dans cette région que la Russie a réalisé sa plus grande avancée depuis début octobre, selon une analyse de l’AFP réalisée lundi à partir des données de l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), un centre de recherche. Réflexion américaine.
“Sauve ta vie”
Dans la ville voisine d’Andriïvka, les étals des épiceries sont aussi clairsemés que les clients, la majorité des civils étant partis.
« Ce sont les derniers miches de pain, prenez-les », dit l’épicier à un client.
Malgré les bombes russes qui « volent tous les jours », Anatoliï reste pour tenir la dernière épicerie de la région et aider les personnes âgées et handicapées des villages alentours qui n’ont pas encore été évacuées : « Ceux qui n’ont nulle part où aller, ceux qui n’ont pas d’endroit où aller. pas d’argent, pas de parents.
Mais lorsque l’électricité sera coupée, alors l’épicier de 37 ans rejoindra sa femme et son jeune enfant, déjà partis, qui « en ont assez vu en trois ans de guerre », depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.
En effet, les routes de la région sont parcourues par des minibus marqués « évacuation », tandis que les messages appelant à la fuite se multiplient sur les téléphones : « Chers habitants de la région de Donetsk ! Sauvez votre vie et celle de vos proches ! Évacuer! », peut-on lire.
Fédir Gjyvine, 69 ans, n’envisage pas encore de partir. Il s’entoure de pots de légumes pour passer l’hiver et les stocke dans son petit abri où il se réfugie quotidiennement lors des frappes russes.
Et si le chauffage tombe en panne ? « Ensuite, nous descendrons chercher du charbon dans la mine », rétorque d’un ton de défi Fédir, qui, malgré son âge, aimerait « se battre pour son pays ».
Il concède toutefois qu’il partira si les forces russes s’approchent à nouveau, pour rejoindre sa fille qui habite 400 kilomètres plus à l’ouest. “Mais j’ai le temps”, assure-t-il.
Le temps presse vite, Moscou ayant déjà annoncé s’être emparée de la ville de Voznessenka, à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau d’Andriïvka.
“Nous voulons la paix”
En amont, l’un des réservoirs du lac artificiel de Kourakhové a été endommagé par des tirs russes selon le gouverneur régional, faisant craindre des inondations.
Mais si le fleuve a débordé par endroits, cela n’a pour l’instant touché aucune habitation, a constaté l’AFP.
Dans la commune de Datchné, tout proche du lac et de la ligne de front, les façades des maisons sont noircies de suie, l’horizon est zébré de fumée et les explosions de l’artillerie résonnent en continu.
Olga a quitté sa maison pour voir un nouveau cratère, laissé par un énième obus russe qui s’est à nouveau abattu sur son village.
Debout dans la rue déserte, elle attend la paix « dans 24 heures » promise par le président américain nouvellement élu Donald Trump, qui a évoqué un accord avec la Russie en cas de victoire à l’élection présidentielle.
“Nous voulons juste la paix”, déplore l’enseignant de 59 ans dont l’école n’est plus qu’un amas de ruines qui témoignent de la violence des attaques aériennes, “même s’il faut avoir affaire au diable”.
À quinze kilomètres à l’ouest se trouve la frontière entre la région de Donetsk et celle de Dnipropetrovsk, vers laquelle l’armée russe continue d’avancer.
Dans cette direction, les lignes de défense nouvellement construites sont visibles sur des kilomètres, chaque bosquet devenant une zone de défense, chaque champ creusant de nouvelles tranchées, où poussent des barbelés et des blocs de béton défensifs. De quoi susciter parmi les habitants la crainte d’une avancée russe encore plus profonde.