Marc Bloch entrera au Panthéon. L’historien résistant, torturé et fusillé par la Gestapo, a sa place dans la maison des grands hommes. Pour « sa lucidité cinglante et son courage physique », a justifié Emmanuel Macron. Mais aussi pour son travail pénétrant, L’étrange défaite . Symboliquement, alors qu’une France au bord de la faillite s’approche du tumulte de la censure, c’est aussi cette analyse acide de la médiocrité des élites françaises avant la débâcle qui s’empare du Temple républicain. Résonance abyssale…
Un demi-siècle de déficits, une dette hors de contrôle, une représentation nationale incapable de sacrifices, un désordre financier un début de crise politique et d’impuissance militaire quand la guerre saigne l’Europe… Difficile de ne pas voir dans ce nouveau désastre une « incapacité » de commandement » décrit quatre-vingts ans plus tôt par Marc Bloch. Voire « une faillite intellectuelle et administrative ». Même « machinerie de fête » avec « son parfum moisi de petit café ». Le même exécutif enfermé derrière « un mur d’ignorance et d’erreurs ». Même l’intelligentsia des grandes écoles est prisonnière de « la routine, de la bureaucratie et de l’arrogance collective ». Les mêmes syndicats se sont concentrés sur le « peu d’argent » et les locataires de l’État-providence sur les « profits du présent ». Même défaitisme et renoncements…
Le Président est conscient de cette autopsie de la nation, lui qui a fait de l’œuvre du héros « un livre de chevet ». Sous-estimant sans doute son cruel écho, il croit, à travers une seule cérémonie, capter son esprit – « faire de grandes choses contre l’étrange défaite ». Dans une France meurtrie par la dissolution, elle risque au contraire de souligner son échec à réveiller une volonté française « émoussée par le conservatisme, endormie par le conformisme, adoucie par ses élites ». Entrez ici, parabole de l’affaissement français !