Le Français Emmanuel Macron s’est joint aux appels à informations sur le romancier franco-algérien Boualem Sansal, porté disparu après son vol pour Alger samedi dernier.
Un critique virulent du régime algérienSelon certains médias français, Sansal aurait été arrêté par la police algérienne alors qu’il descendait de l’avion.
“Le président est très inquiet et suit la situation de près”, a déclaré un porte-parole de l’Elysée. « Il tient beaucoup à la liberté de ce grand écrivain et intellectuel. »
Plusieurs autres personnalités politiques françaises de premier plan, principalement de centre et de droite, ont exprimé leurs craintes à l’égard de Sansal, qui faisait régulièrement des apparitions dans les médias français pour critiquer à la fois le gouvernement algérien et la montée de l’islamisme.
Vendredi, il n’y avait eu aucune réaction officielle en Algérie aux inquiétudes françaises.
L’ancien Premier ministre Edouard Philippe s’est dit « profondément inquiet… [Sansal] incarne tout ce que nous chérissons. Il défend la raison, la liberté et l’humanisme contre les forces de la censure, de la corruption et de l’islamisme.
La dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen l’a qualifié de « combattant pour la liberté et d’opposant courageux à l’islamisme ».
La disparition de Sansal, 75 ans, a été signalée pour la première fois par des amis parisiens, qui ont constaté que son téléphone portable était tombé en panne et se sont fait dire qu’il n’était pas arrivé à son domicile de Boumerdès.
Parmi ses partisans se trouve l’écrivain Kamel Daoud, un autre critique franco-algérien du gouvernement d’Alger qui a reçu plus tôt ce mois-ci le prix du meilleur livre français pour un roman sur la sanglante guerre civile algérienne des années 1990.
Il a été annoncé cette semaine seulement que Daoud était poursuivi en Algérie pour avoir prétendument volé son histoire à un survivant de la guerre civile et pour avoir violé une « loi de réconciliation » de 2005 qui restreint les commentaires publics sur le conflit.
Saada Arbane a déclaré avoir eu plusieurs séances psychiatriques avec la future épouse de Daoud, Aicha Dahdouh. La BBC a contacté Daoud pour obtenir ses commentaires.
Dans un article publié vendredi à Paris, où il vit désormais, Daoud s’est dit inquiet pour son « ami » Sansal, dont il est sûr qu’il a été arrêté.
« Être écrivain en Algérie est une tâche onéreuse. Le régime n’apprécie pas du tout le métier et les islamistes sont en mode expansion…. En effet, le bras armé [of the Islamists] c’est le régime », a-t-il écrit.
Les difficultés auxquelles sont confrontés les deux auteurs ont alimenté les craintes d’une vendetta menée par le gouvernement algérien en réponse à un apparent changement de politique du président Macron vers l’amitié avec le Maroc, et s’éloignant de l’Algérie.
Antoine Gallimard, des éditions Gallimard de Daoud, a estimé que les poursuites contre l’écrivain étaient la preuve d’une “campagne de diffamation violente orchestrée par certains médias proches du régime (algérien)”.
Le mois dernier, Macron a effectué une visite d’État au Maroc, au cours de laquelle il a déclaré Soutien français aux revendications marocaines de souveraineté sur le territoire contesté du Sahara occidental. L’Algérie est le soutien historique du mouvement indépendantiste Polisario.
La décision de Macron a provoqué la colère de nombreux Algériens, qui considèrent l’attribution du Prix Goncourt à Daoud comme un geste politique plutôt que littéraire.
Les responsables de l’Elysée ont déclaré aux journalistes que Macron était frustré par ses tentatives répétées de construire des ponts vers l’Algérie, qui n’aboutissaient jamais à cause de l’obstruction algérienne.
Certains médias français ont émis l’hypothèse que Sansal avait été arrêté en relation avec une récente interview dans laquelle il semblait remettre en question la souveraineté historique de l’Algérie sur certaines parties de son territoire limitrophes du Maroc. Il a également affirmé que le Polisario avait été « inventé » par l’Algérie pour « déstabiliser le Maroc ».
Au fil des années, Daoud et Sansal se sont tous deux attirés les foudres des milieux officiels algériens, où ils sont régulièrement accusés de braderie à l’ancienne puissance coloniale.
Sansal a suivi une formation scientifique et a occupé un poste élevé au ministère algérien de l’Industrie avant d’être limogé après la publication de ses premiers romans. Il a été violemment attaqué pour avoir assisté à une foire du livre à Jérusalem en 2012.
Daoud, 54 ans, a débuté sa carrière en tant que journaliste couvrant les massacres de la guerre civile, au cours de laquelle jusqu’à 200 000 personnes ont été tuées.
Il devient chroniqueur dans un journal et obtient une renommée internationale en 2015 pour son premier roman L’enquête Meursaultqui était une reprise de L’Étranger d’Albert Camus.
Reportage supplémentaire d’Ahmed Rouaba.