Cette flotte est un exemple parmi d’autres de la capacité de la Russie à échapper aux sanctions européennes, imposées après le début de l’invasion totale de l’Ukraine. Dans une résolution adoptée ce jeudi, le Parlement européen appelle à des mesures plus ciblées contre ces navires lors de la prochaine série de sanctions de l’Union européenne (UE). Par exemple, que tous les navires naviguant dans les eaux européennes sans assurance connue soient systématiquement sanctionnés. Ou que toutes les importations de combustibles fossiles russes, y compris le GNL, soient interdites au sein des États membres.
Pourquoi l’élection de Donald Trump est embarrassante pour Vladimir Poutine
Pas à pas
Cette flotte « fantôme » est un nouvel exemple qui montre qu’il existe des failles dans le système de sanctions européen. “C’est inévitable car on ne peut pas tout prévoir à l’avance. C’est un peu le jeu du chat et de la souris. Bien entendu, le pays sous sanctions tentera toujours d’exploiter les failles, de les contourner d’une manière ou d’une autre.explique Frédéric Dopagne, professeur de droit international à l’UCLouvain. Les sanctions économiques ne sont pas parfaitement efficaces, ni immédiatement. L’Union européenne tente, avec l’introduction de différentes séries de sanctions, de compléter et de perfectionner sa réglementation en comblant les lacunes. C’est un processus.“
Un processus trop lent ? Même si la plupart des sanctions ont été adoptées il y a près de trois ans, l’économie russe fait preuve de résilience : même le FMI table sur une croissance d’environ 3,2% en 2024.Les Russes sont clairement capables de générer chaque année des centaines de milliards de dollars pour financer leur complexe militaro-industriel.confirme le Professeur. Nous savons qu’ils ont réussi à remettre sur les rails toute l’économie, qui est désormais une économie de guerre.“
L’incertitude règne en Ukraine après la victoire de Trump : “L’armistice arrivera mais nous verrons d’abord des combats acharnés”
Clivages internationaux
Selon Frédéric Dopagne, l’effort de guerre est «heureusement financé« des exportations d’hydrocarbures, principalement vers la Chine, l’Inde et d’autres pays du Sud ».Je pense que c’est ce qui sauve l’économie russe, malgré les très larges sanctions du G7.“
mouetteIl existe actuellement des fractures au sein de la communauté internationale. Soit nous sommes dans un domaine, soit dans un autre.
L’impact des sanctions européennes sera donc limité tant que les autres grandes puissances continueront d’importer du pétrole et du gaz russes. “L’Union européenne n’est pas en mesure, à elle seule, d’engager une action diplomatique auprès de ces pays pour tenter de les convaincre d’arrêter. Il n’y a rien à faire, nous avons des limites intrinsèques au niveau géopolitique. Il existe actuellement des fractures au sein de la communauté internationale. Soit nous sommes dans un domaine, soit dans un autre.“
Volonté politique
Que peut mettre en œuvre l’UE, outre les sanctions ? Dans sa résolution, le Parlement européen appelle par exemple les pays du G7 à mieux faire respecter le plafond imposé au pétrole russe transporté par voie maritime.
Frédéric Dopagne avance de son côté l’idée d’interdire l’importation de produits pétroliers raffinés dans un pays tiers. “Apparemment, les produits pétroliers bruts russes étaient raffinés en Turquie. La Russie continue donc d’exporter indirectement du pétrole vers l’Europe. Maintenant, pour l’interdire, c’est une question de volonté politique. Toute mesure restrictive est décidée à l’unanimité au sein de l’Union européenne. Cependant, nous savons que Viktor Orbán [le Premier ministre hongrois, NdlR] à chaque fois il fait son cinéma avant l’adoption d’une nouvelle série de sanctions. Et puis, nous avons aussi besoin de ressources matérielles et humaines pour mettre en œuvre et contrôler les sanctions. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain, cela prend du temps. Nous progressons petit à petit.“
Mais pourquoi persister à appliquer des sanctions contre la Russie si cela n’entrave pas son ambition d’annexer l’Ukraine ? “L’autre objectif des sanctions est symbolique. Il y a une volonté de montrer un soutien important vers Kiev.“
Frédéric Dopagne se montre optimiste : «Cependant, toutes ces sanctions sont d’une ampleur sans précédent. En fin de compte, le fait que la Russie tente par tous les moyens de contourner les sanctions montre qu’elle n’est pas totalement indifférente. Il y a donc certes une efficacité, mais peut-être pas à la hauteur de ce qu’attend l’Union européenne.“