Le téléphone sonne et tout le monde sur la place se fige. « Ne me dites pas que le réseau est de retour ? Crépitements au bout du fil. Puis silence. « Fausse alerte. Cela ne fonctionne toujours pas. A Coursegoules, ce sketch ne surprend plus personne et «ne déçoit même plus». Depuis le 17 octobre 2024, le village de 526 habitants est sans réseau mobile. Les fortes intempéries (qui avaient motivé la préfecture à déclencher une alerte rouge) ont eu raison de l’antenne relais, perchée sur une colline voisine. « Quelque chose a dû se casser. Mais pourquoi au bout d’un mois rien n’est résolu
prêt? “, » demandent ensemble les habitants, immergés dans une zone blanche. Sans téléphone fixe, il leur est impossible de téléphoner.
“Même le 112 ne passe pas”
“Sur l’écran, c’est écrit “Appels d’urgence uniquement”mais même ça ne marche pas. » Une colère sourde vibre dans la voix de Marc Bertini. Si «l’inaction des opérateurs» ayant jusqu’ici inspiré plus de lassitude que de révolte, le premier adjoint insiste sur le fait qu’un cap a été franchi. “On aurait pu avoir un mort”il grogne, « Cette semaine, André a eu un problème cardiaque en plein combat. Impossible d’appeler les secours, même le 112 ne passe pas. » Le chasseur ne doit sa survie qu’à la vivacité de ses collègues, qui se sont précipités chercher les pompiers de la caserne d’incendie et de secours, située en bas du village.
“Tu ne devrais pas avoir besoin d’aide”résume Danièle Cartolano, occupée en cuisine où elle lui prépare le déjeuner “petite maman”le doyen. Née en 1929, Angèle Bonifacci ne se soucie pas de cette panne de réseau. Le téléphone portable, ” ce n’est pas [son] chose”. “C’est quand même très pratique de me contacter en cas de chute.”grogne sa fille.
Si les anciens du village n’ont pas tous la chance d’avoir à leurs côtés une Danièle bienveillante, ils peuvent néanmoins compter sur l’esprit de solidarité qui cimente le milieu rural. Pour compenser la disparition des télécommunications, nous nous rendons visite plus souvent et nous ne manquons pour rien au monde le marché de rue du jeudi matin.
“ Le manque à gagner sera énorme. »
Vous ne remplissez pas forcément votre panier : quelques fruits ou légumes constituent un alibi suffisant pour « ne restez pas isolé et venez aux nouvelles ». Une information qui a vite été confondue par des rumeurs contradictoires. Personne ne sait vraiment quand le réseau reviendra, rétablissant pleinement le quotidien du 21e siècle.
« Nous vivons comme il y a 20 ans, sans téléphone portable. Tout nous rappelle à quel point nous sommes devenus dépendants de cette technologie »» songe Jean-Marc Testanier. Après avoir pesé un sac de courses, le commerçant dégaine son terminal de paiement électronique. “Avec le peu de connexion qu’il y a, espérons que ça marche, sinon il faudra payer en liquide”il préfère prévenir. Le premier adjoint grimace : “Sauf que les gens n’ont plus de billets et que le premier distributeur est à Vence (…) Le 23 novembre c’est le marché de Noël, le manque à gagner sera énorme.”
« Noël, ne m’en parle pas »rigole Xavier Roux avec un rire jaune. L’épicier attend toujours sa livraison de chocolats, commandés en prévision des fêtes de fin d’année. « Avec le GPS qui ne fonctionne plus sur la route et l’impossibilité de me joindre, les livreurs font demi-tour »regrette le commerçant, les mains fourrées dans les poches de son grand tablier.
« Sans pouvoir prendre rendez-vous, la livraison est devenue plus compliquée »confirme Morgane Mero. La facteur reste néanmoins enthousiaste, déterminée à être à la hauteur de la mission confiée par le Père Noël : « Il y a déjà les premières commandes de cadeaux. Même si ma tournée est plus longue, je fais des allers-retours pour m’assurer que tout le monde a été livré. Nous nous connaissons tous au village. Nous n’allons pas nous voir. baisse.”
Utiliser le wifi à la crêperie ou à la mairie
“Crêpes.” » Dans la crêperie de Coursegoules, aussi loin soit-elle de la Bretagne, le code wifi ne pouvait pas s’appeler autrement. Facile à retenir, pratique quand il faut se connecter plusieurs fois par jour pour « avoir des nouvelles du monde extérieur ». Depuis un mois qu’il n’y a plus de réseau mobile, impossible de se passer du wifi», concède Laurence Gourdon. Mais comme certaines n’en ont pas, la gérante met à disposition son réseau local sans fil.
« La mairie a ouvert une salle pour les collégiens qui ont besoin d’internet »
En s’y connectant, les habitués peuvent appeler, envoyer des SMS et bien sûr aller sur internet. L’opération peut être effectuée automatiquement mais il existe également un paramètre dans le téléphone pour garantir son fonctionnement. Malgré tout, le réseau wifi perd en efficacité lorsque trop d’appareils y sont connectés.
« En attendant que les responsables de la téléphonie décident de venir au village, précise le maire Dominique Trabaud, la mairie a ouvert une salle pour les collégiens qui ont besoin d’Internet pour leurs devoirs, pendant les heures de cours. ouverture de la mairie, et à la bibliothèque du village, également pendant ses horaires d’ouverture. »
Réseau rétabli au « lundi 18 novembre au plus tard »
Endommagée par les intempéries le 17 octobre 2024, l’antenne relais qui dessert Coursegoules devrait être réparée « lundi 18 novembre 2024 au plus tard », selon SFR, gestionnaire d’infrastructure pour le compte de l’ensemble des opérateurs de téléphonie mobile. “Nos équipes sont intervenues dès que les conditions l’ont permis et ont constaté la perte du matériel technique nécessaire au bon fonctionnement de l’antenne”, explique le groupe de télécoms. Avant de déplorer que « le fabricant des pièces concernées n’ait pas été en mesure de produire les pièces détachées dans les délais habituels. Ceux-ci sont en cours de livraison”, assure-t-il enfin, avant d’inviter “les abonnés concernés à contacter leur service client afin d’obtenir un geste commercial”.