«Essayons le RN pour voir», «c’est une dictature»… Enquête sur le grand écart électoral aux élections européennes dans ces deux communes de la Côte d’Azur

«Essayons le RN pour voir», «c’est une dictature»… Enquête sur le grand écart électoral aux élections européennes dans ces deux communes de la Côte d’Azur
«Essayons le RN pour voir», «c’est une dictature»… Enquête sur le grand écart électoral aux élections européennes dans ces deux communes de la Côte d’Azur

Aux élections européennes, le Rassemblement national (RN) a remporté la majorité des départements français. Les Alpes-Maritimes en tête. Le candidat d’extrême droite Jordan Bardella a obtenu 37,88 % des voix. Loin, très loin devant la candidate du camp présidentiel Valérie Hayer (12,99%) et la tête de liste PS et Place publique Raphaël Glucksmann (9,49%), arrivant de peu devant la liste Reconquête ! (9,14%).

Dans la vallée de la Roya, même constat. Les scores de l’extrême droite battent des records par rapport aux élections européennes de 2019. Reportage à Tende des électeurs qui ont voté pour le poulain de Marine Le Pen (41,34%), la candidate placée en tête lors de l’élection présidentielle de 2022.

La Bardella « préférée »

C’est mardi. Il est 11h30. Des groupes de touristes descendent du train et se dispersent dans les rues de la cité médiévale. Certains s’arrêtent et investissent la terrasse du Sports bar pour déguster un café au soleil. Au milieu des inconnus, les Tendasques se saluent d’un signe de tête.

A l’une des tables, trois femmes âgées sirotent un spritz en guise d’apéritif. Ils discutent. Ils rient. Les trois amis ont voté pour Jordan Bardella. “C’est mon préféré et j’en assume la responsabilité., avoue l’un d’eux avant de demander l’anonymat pour l’article. Nous l’appellerons Jacky.

Jacky est à la retraite, “pas riche” mais qui parvient à joindre les deux bouts. C’est une ancienne électrice de gauche, dit-elle. “Mais pas la gauche d’aujourd’hui, la vraie, celle de Mitterrand.». Elle a vécu Mai 68. Les mouvements de grève, le militantisme, les joints fumaient en cachette aussi. “C’était quelque chosesourit Jacky. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus la motivation qu’on avait à l’époque !

Qui aurait cru que 50 ans après le plus grand mouvement social du XXe siècle, les soixante-huit défendraient l’extrême droite ? “À partir de François Hollande, c’est devenu un peu la catastrophe.», livre Jacky. Lorsque Macron s’est présenté en 2017 avec un programme pour « remettre la France sur les rails », elle y a cru et y a vu de l’espoir. « La première fois, je me suis dit qu’il était jeune, qu’il fallait lui donner sa chanceelle dit. J’ai voté pour lui, mais j’ai vite déchanté.»

“L’égo” du jeune président, son «manque d’écoute”, la répression des gilets jaunes et la position de la France sur la guerre en Ukraine la rebutent. L’immigration devient un problème. “A Tende, nous avons beaucoup de migrants »assurent ensemble les trois amis, sans donner de chiffres. « La plupart partentJacky concède. Il y en a 3 ou 4 qui ont obtenu le statut de réfugié et sont restés ici. La majorité d’entre eux ont raison, mais j’ai déjà été menacé car nous n’avions pas de viande halal au Secours Populaire. Si tu as vraiment faim, tu manges ce qu’on te donne, n’est-ce pas ?

Assise à sa droite, Annie (le prénom a été modifié) décale : «De toute façon, nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est rester chez eux et changer la politique de leur pays !

Un vote de sanction

Les retraités l’admettent : le vote d’extrême droite pour les européennes est un vote de sanction. Et ils comptent le confirmer pour les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet, précipitées par la dissolution de l’Assemblée nationale. “On n’a jamais essayé les RN, essayons-les pour voir de quoi ils sont capables”argumente Jacky. Je préfère cela à encore trois ans de Macron ou à voir Mélenchon au gouvernement !

« Pourquoi faudrait-il avoir peur du RN ? demande Annie. Ce n’est pas le Front National ! Marine Le Pen a pris ses distances avec son père.» Exprès, peut-être ? Jacky s’arrête, réfléchit et dit : «Si c’est une tactique politique, elle a eu raison de le faire !

« De toute façon, les politiques nous font la promesse de nous faire élire et d’oublier le pays », grince un habitant du village, qui a voté pour la liste Reconquête ! “sans conviction”.

« Parce qu’il y a encore des gens qui y croient ?, lance d’un ton sarcastique un autre client du bar qui boude les urnes. Comme lui, 45,18% des inscrits se sont abstenus de Tende par désintérêt ou désillusion. La montée de l’extrême droite ne les fera pas changer d’avis. « Le vote devrait être rendu obligatoireestime un retraité qui a voté blanc, comme onze autres personnes. Les gens meurent pour avoir ce droit. Mais les votes blancs doivent être comptés dans les votes. Avec ça, on arrêterait de voter par défaut.»

Le village de Saorge. Cliché J.-FO.

Saorge : le dernier bastion de la gauche en 06

Dans les Alpes-Maritimes, le village de Saorge fait exception. C’est l’une des trois communes du département (avec Lieuche et Thiéry) à ne pas avoir cédé à la vague bleu marine. Mais surtout, le seul à avoir brandi le drapeau rouge. Aux élections européennes de 2024, comme en 2019, les électeurs ont privilégié les candidats de gauche, d’extrême gauche et les écologistes. Manon Aubry, candidate de La France Insoumise, a recueilli 21,27 % des suffrages exprimés, suivie de près par le socialiste Raphaël Glucksmann (18,55 %). Et un peu plus loin par les Verts (10,86%). Rien de surprenant pour cet ancien fief communiste… ou presque. Le Rassemblement national a doublé son score par rapport aux élections européennes de 2019. Il passe de la sixième à la troisième place du classement. Jordan Bardella bondit de 7,32% à 15,38%. Du jamais vu dans ce petit village perché dans la vallée de la Roya.

Saorge est un bastion de la gauche. Son monastère, résidence d’artistes. Ici, les réfugiés ne sont pas stigmatisés, mais célébrés à travers des événements culturels et culinaires. Festival gastronomique des réfugiés fusionnant cuisine géorgienne et saorgienne, festival des « Passeurs.ses d’humanité », siège de l’association citoyenne de la Roya… Ici, nous défendons «le pays des droits de l’homme » en affichant ses convictions sur les portes des caves. Alors, forcément, les résultats du RN sont surprenants et glaçants.

«On n’a jamais vu l’extrême droite aussi haut à Saorgemurmure une jeune mamie qui a voté pour les écologistes. C’est grave, horrible. Les gens ne réalisent pas. Ils pensent qu’il faut leur donner une chance, mais ils ne sont pas conscients qu’il s’agit d’une dictature. Ils ne réalisent pas qu’ils n’ont pas les moyens de mettre en œuvre leur programme.»

“Éperdu” Par la montée des extrêmes, son amie, qui souhaite elle aussi garder l’anonymat, rappelle les connotations antisémites, voire fascistes, du Front national. “On savait que Jean-Marie Le Pen ne passerait pas, mais il y a un vrai risque »elle croit.

« Les gens oublient »

Un peu plus loin, sur la route qui mène à l’hôtel de ville, un retraité d’un certain âge fait des parallèles avec le régime de Vichy. “Les gens oublient parce qu’ils ont changé leur image, mais c’est du marchandage, estime le Saorgien, qui a soutenu la liste de Valérie Hayer. Les politiciens parlent pour se faire élire.

Un ancien policier municipal, de vingt ans son cadet, abonde dans le même sens. “Aujourd’hui, plus personne ne leur fait confiance. On se félicite d’avoir 51,49% de participation, alors qu’un Français sur deux n’est pas allé voter. C’est le monde à l’envers.”

Pour lui, l’abstention et «mécontentement général » faire le jeu du RN. “Avant, il n’y avait que 20 personnes qui votaient pour euxdit l’ancien flic. Aujourd’hui, ils sont 40, même s’il n’y a pas d’insécurité ici. Macron a fait trop de réformes agressives et il en paie le prix aujourd’hui. Mais qu’allons-nous laisser à nos enfants ?

Lui et tous les autres voteront pour les élections législatives des 30 et 7 juillet, mais « pas pour Bardella ». “C’est important, juge l’ancien policier municipal qui «a été éduqué comme ça ». Mais je peux comprendre les gens qui n’y vont plus. Qu’ils le fassent ou non, c’est un désastre.

Cocorico

La légende dit que « Saorge a toujours été rouge ». Mais depuis quand, exactement ? En 1870, Saorge et Fontan se séparent. Le village perché devient le bastion des cheminots, des syndicats… et des communistes.

En 1947, le communiste Louis Degiorgi est élu maire. Un poste qu’il a occupé pendant 35 ans. Après son départ en 1983, seuls trois maires de gauche lui succèdent. La dernière et actuelle s’appelle Brigitte Bresc. Un élu de gauche diversifié à tendance écologiste, une espèce rare à l’est des Alpes-Maritimes.

 
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