Quelques réponses aux questions qui me sont posées ces jours-ci… (majorités, différents scénarios de cohabitation, pouvoirs des ministres lors de la formation d’un nouveau Gouvernement)

1/ Le Président de la République est-il libre de nommer qui il veut comme Premier Ministre ? Peut-il bloquer la nomination de tel ou tel ministre ?

2/ En attendant l’installation de leurs successeurs, quels sont les pouvoirs des membres du Gouvernement (notamment en cas d’émeutes suite au second tour des élections)

3/ Sauf que le nouveau Gouvernement pourrait ne pas avoir l’investiture d’une majorité à l’Assemblée Nationale ? Si une majorité purement relative (autour du RN ou du FP ou des centres) se forme, le nouveau Gouvernement peut-il être bloqué par le Parlement dès ses premiers pas ?

4/ Oui, mais même avec une majorité relative pour l’AN, n’aurait-il pas intérêt pour un nouveau Premier ministre de faire une telle déclaration de politique générale par un vote ?

5/ Comment fonctionne la motion de censure ?

6/ Ainsi, si un Gouvernement est nommé mais qu’il ne dispose que d’une majorité relative à l’AN, on retrouve la même situation qu’avant la dissolution (mais peut-être avec une autre majorité relative), à ​​savoir une difficulté à faire adopter des textes juridiques et un risque de une motion de censure ?

7/ Voir aussi


1/ Le Président de la République est-il libre de nommer qui il veut comme Premier Ministre ? Peut-il bloquer la nomination de tel ou tel ministre ?

Répondez OUI MAIS.

  • L’article 8 de la Constitution indique clairement quee Président de la République :
    • nomme le Premier ministre.
    • nomme les autres membres du Gouvernement sur proposition du Premier Ministre.
  • en pratique (depuis 1986), un accord de cohabitation a toujours été conclu pour la nomination des ministres, du moins en ce qui concerne ce qu’on appelle le « domaine réservé » (affaires étrangères, défense) mais la frontière de ce domaine réservé donne lieu à débat
  • on pourrait imaginer un scénario (évoquant un peu la situation qui a longtemps été celle de la Belgique, dans un autre cadre institutionnel il est vrai) où aucun Premier ministre ne parviendrait à former un Gouvernement qui aurait le contreseing, au stade des désignations, de du Président de la République et la confiance de la majorité relative de l’Assemblée nationale. On pourrait même imaginer que cela déboucherait sur un bras de fer (qui n’est pas sans rappeler celui où le président Mac Mahon dut finalement démissionner pour n’avoir pas accepté de se soumettre, mais dans un cadre institutionnel, celui du début de la Troisième République, bien différent). Cela dit, ceux qui bloqueraient ainsi durablement le pays perdraient sans doute beaucoup de crédit auprès de nos concitoyens.

2/ En attendant l’installation de leurs successeurs, quels sont les pouvoirs des membres du Gouvernement (notamment en cas d’émeutes suite au second tour des élections)

  • A/
    D’ici le second tour des élections législatives, et jusqu’à la démission du Premier ministre Attal, le Gouvernement est au complet.
  • B/
    Dans la période qui s’étendra de la démission de l’actuel Premier Ministre jusqu’à la formation d’un nouveau Gouvernement, la règle traditionnelle s’applique selon laquelle
    une personne démissionnaire gère les affaires urgentes et courantes ;
    • si quelques s’interroger sur le pouvoirs des ministres lors de l’installation de leurs successeurs, même en contestant qu’ils aient encore le moindre pouvoir, il faut rappeler que dans ce domaine le juge est flexible : nous avons un pouvoir, certes limité aux affaires urgentes et communl’heure de l’arrivée de son successeur. Le juge est allé jusqu’à reconnaître la compétence des autorités administratives au-delà de leur date de mandat, ou à défaut de prise de fonction, au-delà d’une date de retraite ou autre, lorsque les circonstances l’exigeaient. Cela s’est notamment concrétisé à travers une jurisprudence très ancienne et constante sur le « fonctionnaire de fait » (voir par exemple CE, 16 mai 2001, Commissaire de police c/M. Ihsen; N° 231717 ; cette théorie fut d’abord appliquée aux actes posés par les maires dans l’exercice de leurs fonctions d’officiers de l’état civil : son illustration la plus célèbre est sans doute l’affaire dite du mariage de Montrouge, dans laquelle la Cour de cassation déclara par un arrêt du 17 août 1883 que les mariages célébrés en bonne et due forme par un conseiller municipal qui n’avait pas le rang pour le faire étaient néanmoins valables.
    • certainementle juge beaucoup endurci position sur les affaires urgentes et actuelles Depuis Un peu plus dix ans, concernant essentiellement de la communautés territoriale (CE, 23 décembre 2011, n°348647 ; CE, 28 janvier 2013, Union Mixte Flandre Morinie, req. n° 358302 ; CE, 28 janvier 2013, req. n° 358302, CE, 29 janvier 2013, n° 242196). Mais dans ces jugements, il a limité les notions d’affaires courantes plus que la notion d’urgence (ce qui serait une opération en termes de maintien de l’ordre), d’une part, et le juge a toujours tenu compte de la durée dudit intérim. calibrer la notion d’urgence et d’actualité (voir par exemple, et par analogie, ici)…
      Exemples frappants de clarté : CAA Lyon, 29 novembre 2016, n° 1. 15LY00905 ; CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, n°. 14BX03439 ; CAA Marseille, 22 mars 2018, n°. 16MA04756 ; CE, 18 janvier 2013, n°360808 ; CAA Paris, 5 août 2004, Commune de Gagny, n° 01PA00072 ; CAA Marseille, 26 novembre 2014, n° 13MA01136…
    • cela dit, il est vrai que pendant la période où un Premier ministre est nommé et les membres du Gouvernement non encore remplacés, alors que le Premier ministre est formé, on pourrait par exemple avoir une décision du ministre de l’Intérieur du gouvernement Attal prendre une mesure… qui serait contrée, abrogée et remplacée, par un Premier ministre déjà nommé mais n’ayant pas encore formé son gouvernement, par exemple, ce qui serait quand même curieux. Mais pas impossible.
    • enfin, dans le pire des cas, si par hasard notre pays tombait dans une crise sécuritaire très grave, ce qui semble certes, et heureusement improbable, rappelons que :
      • les membres du Gouvernementcertainement démissionné, aurait toujours compétent pour prendre des décisions qui visent de manière proportionnée à répondre à la situation de crise, et qui, à ce titre, relèveraient de la théorie dite des « circonstances exceptionnelles » (développée et amplifiée depuis les arrêts Mesdames Dol et Laurent Alors Héries). Sources : CE, 28 février 1919, n°61593 ; CE, 28 juin 1918, n°63412.
      • au pire, n’oublions pas que le Président de la République dispose de pouvoirs importants via Article 16 de la Constitution, mais nous atteignons ici des niveaux de menace qu’il ne semble pas raisonnable d’imaginer.
  • CONTRE/
    Une fois le nouveau gouvernement formé, la question ne se poserait plus.

3/ Sauf que le nouveau Gouvernement pourrait ne pas avoir l’investiture d’une majorité à l’Assemblée Nationale ? Si une majorité purement relative (autour du RN ou du FP ou des centres) se forme, le nouveau Gouvernement peut-il être bloqué par le Parlement dès ses premiers pas ?

NON sauf s’il y a une motion de censure.

Article 49, par. 1, de la Constitution est ainsi formulé :

Le Premier Ministre, après délibération en Conseil des Ministres, engage la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée Nationale pour son programme ou éventuellement pour une déclaration de politique générale.

Cela a longtemps servi de base à la traditionnelle investiture des nouveaux gouvernements devant l’Assemblée nationale (AN). Mais une telle investiture, indispensable dans un régime purement parlementaire, obligatoire par exemple sous les Troisième et Quatrième Républiques, n’est pas une étape nécessaire pour les nouveaux gouvernements sous notre Ve République.

DONC :

  • pas de blocage au sein de la candidature
  • et on pourrait même imaginer (mais ce ne serait pas politiquement malin) qu’un Président de la République nomme un Premier Ministre et co-désigne conjointement avec lui un Gouvernement… qui n’aurait en aucun cas la confiance de la majorité, même relative, de Parlement. Tout simplement, il ferait rapidement face à une motion de confiance.
Crédits : Constitution de 1958 ; montage à partir de trois photographies (droits : Conseil Constitutionnel)

4/ Oui, mais même avec une majorité relative pour l’AN, n’aurait-il pas intérêt pour un nouveau Premier ministre de faire une telle déclaration de politique générale par un vote ?

NON. PAS AVEC VOTE en cas de majorité relative, sauf si vous prenez un risque important.

Une déclaration de politique générale, sans vote, pourquoi pas. C’est ainsi que Mme Borne puis M. Attal (mais on peut citer des exemples plus anciens : M. Rocard en 1988, Mme Cresson en 1991, M. Bérégovoy en 1992) ont pu faire des déclarations de politique générale sans vote. Nous appliquons désormais sur ce point, depuis une réforme de 2008, learticle 50-1 de la Constitution (« ddevant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative […] faire, sur un sujet précis, une déclaration qui donne lieu à débat »), avec un régime de réponse, mais sans vote, des différents groupes politiques.

Mais si au lieu d’utiliser cet article, un nouveau Premier Ministre préfère utiliser le régime de l’article 49, al. 1, de la Constitution, cité plus haut, alors il y a un vote… et si le Premier Ministre n’a pas la majorité, il y a alors chute du Gouvernement (obligation de démissionner ; art. 50 de la Constitution).

5/ Comment fonctionne la motion de censure ?

Article 49, par. 2, de la Constitution dispose queL’Assemblée nationale peut remettre en cause la responsabilité du Gouvernement en votant une motion de censure :

  • proposé par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale (un même député incapable de « être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même séance ordinaire et de plus d’une au cours d’une même séance extraordinaire “)
  • avec un vote qui ” ne peut intervenir que quarante-huit heures après son dépôt »
  • avec une motion de censure qui donne lieu à un vote » ooù sont enregistrés seuls les votes en faveur de la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée

Avec démission obligatoire du Gouvernement (article 50 de la Constitution) lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure.

Crédits photo : David Mark (sur Pixabay) ; cadrage modifié.

6/ Ainsi, si un Gouvernement est nommé mais qu’il ne dispose que d’une majorité relative à l’AN, on retrouve la même situation qu’avant la dissolution (mais peut-être avec une autre majorité relative), à ​​savoir une difficulté à faire adopter des textes juridiques et un risque de une motion de censure ?

OUI EN DROIT, NON EN FAIT.

En effet, depuis deux ans, nous disposons d’une majorité relative à l’Assemblée Nationale MAIS avec la possibilité de faire des compromis avec le Sénat dans les commissions mixtes…

D’où les scénarios (ou scénarios pour ceux qui voudraient latiniser) suivant :

Voir aussi en pdf : pouvoirs de cohabitation 2024

7/ Voir aussi

 
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