Des milliards jetés à l’eau

Des milliards jetés à l’eau
Des milliards jetés à l’eau

Pas d’étude. Pas de budget. Pas de chronologie. Et surtout, pas besoin.


Publié à 1h34

Mis à jour à 5h00

Mais trop mauvais ! La Coalition Avenir Québec (CAQ) récidive dès les dernières élections en promettant un 3e lien autoroutier entre Québec et Lévis, sans même examiner une option infiniment moins coûteuse et qui ferait très bien l’affaire.

Tout n’est pas sérieux.

En voulant à tout prix plaire aux électeurs de quelques circonscriptions de la région de Québec, la CAQ mine encore davantage sa crédibilité aux yeux de l’ensemble de la population, qui n’est pas dupe.

Le plus triste, c’est que le gouvernement avait mandaté CDPQ Infra pour étudier la question de la mobilité dans la région de Québec, sous tous ses aspects.

La filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec a rencontré 172 intervenants et passé en revue plus de 1 000 études réalisées sur 50 ans. Elle a étudié les besoins de la région, en examinant la croissance démographique. Elle a passé en revue toutes les options pour parvenir à un plan global axé sur le service de tramway et de bus rapides (SRB).

Ce plan astucieux minimise les coûts tout en réduisant les impacts négatifs, comme l’abattage d’arbres. Découpé en plusieurs phases, il répond aux besoins les plus urgents, sans perdre de vue les défis du futur. C’est une chance que la CAQ accepte d’aller de l’avant avec la première phase.

En fait, la Caisse a fait exactement le genre d’analyse complète et rigoureuse qu’il faut faire avant de lancer un grand projet d’infrastructure.

Son approche sensée contraste avec l’amateurisme dont fait preuve la CAQ en s’engageant à construire un pont routier entre les deux rives, alors que l’étude de la Caisse détermine que cela n’est pas nécessaire.

Le trafic ne le justifie tout simplement pas. Le nouveau pont ne réduirait les temps de trajet que de cinq minutes. En fin de compte, la congestion serait déplacée ailleurs sur le réseau routier.

Qu’importe, la CAQ appuie sur le métal. Elle se précipite sans feuille de route.

Il y aura un pont, quel qu’en soit le prix. Le Premier ministre se limite à dire qu’il tentera de réaliser le projet « au moindre coût possible » sans fixer de limite budgétaire pour son 3e obligation dont la précédente incarnation était évaluée à 10 milliards de dollars.

Pas question de faire une nouvelle étude. «Je pense qu’il y en a eu assez», a déclaré François Legault.

Après avoir bricolé un fou indice « pont par million d’habitants » pour justifier la précédente version de 3e lien, la CAQ explique maintenant qu’il s’agit d’une question de « sécurité économique ».

En effet, il n’y a pas d’alternative pour les 10 500 camions qui empruntent quotidiennement le pont Pierre-Laporte, sauf à Trois-Rivières. Si le pont devait fermer subitement, ce serait « infernal et catastrophique », affirme la ministre des Transports Geneviève Guilbault… ajoutant du même coup que le pont est en bon état.

Si le problème est si grave, comment expliquer que la version précédente de 3e la liaison ne permettait pas le passage des camions, à cause de la pente trop forte du tunnel ?

Et si le transport des marchandises empêche la CAQ de dormir, pourquoi ne pas abaisser de quatre pieds le tablier du pont de Québec, qui est encore bon pour 75 ans ? Cela créerait une hauteur suffisante pour le passage des camions qui l’utilisaient à une autre époque.

Il est pour le moins surprenant que le premier ministre n’ait jamais entendu parler de cette option que le ministre fédéral de la circonscription de Québec, Jean-Yves Duclos, a judicieusement avancée.

C’est une solution aussi grande qu’un 18 roues.

Même si Ottawa vient d’acheter le pont de Québec, Québec reste responsable du tablier qui doit de toute façon être refait rapidement. En 2020, les travaux étaient estimés à 200 millions. Abaisser le tablier coûterait certes plus cher, mais la facture serait infiniment moindre que la construction d’un pont flambant neuf.

Et ne l’oublions pas, les obstacles à la construction d’un nouveau pont sont nombreux, notamment en raison de la profondeur du fleuve Saint-Laurent et de l’empiètement sur les terres agricoles et les milieux humides, comme le souligne l’encadré.

En fait, le 3e lien est un vaste projet d’étalement urbain, à l’heure où il faut trouver des moyens de réduire les gaz à effet de serre (GES).

C’est une dépense énorme, alors qu’il faudrait 20 milliards rien que pour moderniser notre réseau routier plein de trous.

Il s’agit d’un projet gigantesque qui siphonnera la main-d’œuvre qui nous manque pour réaliser les nombreux projets d’infrastructures comme ceux d’Hydro-Québec.

Dans un contexte où la province affiche un déficit record, le Québec doit choisir ses projets avec le plus grand soin.

Ne jetons pas des milliards par les fenêtres en construisant un nouveau pont. Mais de toute façon, qui croit vraiment à ce projet dessiné sur une serviette ?

 
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