KENZO TRIBOUILLARD / AFP
L’Euro 2024, que disputeront Antoine Griezmann et Kylian Mbappé en Allemagne à partir du 14 juin, doit plus qu’on ne l’imagine à la construction européenne.
FOOTBALL – Si football et politique font rarement bon ménage, force est de constater qu’ils sont indissociables, notamment en Europe. La preuve en est en ce mois de juin puisque d’ici quelques jours, l’Euro de football suit dans l’actualité le résultat des élections européennes. Un hasard du calendrier qui fait bien les choses. Car tout au long de l’histoire, la Coupe d’Europe des Nations et l’Union européenne ont toujours entretenu des liens étroits.
Fondateur des médias Géopolitique du FC sur les réseaux sociaux, le journaliste et auteur Kévin Veyssière connaît cette question comme sa poche. Il a également réalisé un livre réédité pour l’Euro : Géopolitique des clubs de football, 22 histoires insolites pour comprendre le monde (éd. Max Milo). A quelques heures du début de l’Euro 2024, nous lui avons demandé de décrypter les enjeux géopolitiques et européens de la compétition qui débute ce vendredi 14 juin en Allemagne.
HuffPost. Dans votre livre, vous avancez l’idée que l’Euro de football est un pilier de la construction européenne. Pour quoi ?
Kévin Veyssière. C’est un prolongement de la construction européenne, notamment sur le plan politique et diplomatique. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la volonté des pays européens, notamment occidentaux, était de mettre en place des solutions pour s’unir pour éviter de répéter les erreurs du passé.
Dans ces initiatives, qui intervenaient alors dans le contexte de la guerre froide, il y avait celle d’unir l’Europe par le sport. Une idée déjà présente avant la guerre mais qui refait surface grâce à une volonté politique plus affirmée. Ce sont les premières pierres de l’UEFA, créée en 1954. Cette volonté est également soutenue par la politique sportive interne. Car au sein de la Fifa, les pays sud-américains prennent de plus en plus d’importance. Dans le corps, mais aussi sur le terrain avec la finale de la Coupe du monde Brésil-Uruguay 1950.
A cette époque, on voit aussi que le football, et plus largement le sport, peuvent dépasser les clivages politiques. Ainsi, en 1954, vous aviez 30 fédérations présentes aux débuts de l’UEFA. Et parmi elles, les fédérations de l’Est, comme l’URSS.
Et dans quelle mesure ce rapprochement par le football peut-il conduire à un rapprochement géopolitique ?
Il faut rester prudent car l’UEFA et l’Union européenne sont deux organisations décorrélées. Être membre de l’UEFA ne signifie pas que vous rejoignez le processus de candidature à l’UE. Mais l’exemple le plus parlant est celui de la Croatie. Entre sa déclaration d’indépendance en 1991 et la signature des accords de fin de guerre en 1995, il existait déjà un parti pris qui faisait du football un représentant national important, avec la création d’une équipe croate officieuse, avant même son intégration à la FIFA et à l’UEFA. en 1994.
Mais c’est surtout son parcours sportif à l’Euro 1996 (les débuts de ce qu’on a ensuite vécu avec la Croatie lors de la Coupe du monde 1998 en France) qui va lui apporter une autre image et offrir une perception plus positive que celle qu’on avait avec les guerres. en Yougoslavie. Les processus ne sont certes pas corrélés mais l’exemple reste parlant puisque la Croatie a rejoint l’UE des années plus tard (en 2013, NDLR).
La présence de l’Ukraine à la zone euro peut-elle avoir une influence sur son processus d’adhésion à l’UE ?
Je ne le pense pas, mais la présence de l’Ukraine a quand même un impact car elle intègre le contexte du conflit russo-ukrainien en Europe. Ou du moins à ses portes. C’est aussi une manière de montrer que l’Ukraine est toujours présente, notamment à travers son équipe de football, malgré la volonté russe d’anéantir la nation ukrainienne et de conquérir son territoire. Et c’est aussi une manière de donner une autre image du pays que celle de la guerre.
On sait que pour le dernier Euro, avant la guerre, l’Ukraine a profité du concours pour afficher la carte de son territoire, avec la Crimée, sur son maillot. Etant donné que l’Euro est une tribune importante, la Fédération pourrait pousser pour remettre ce maillot en avant ou les joueurs pourraient porter un message.
Y a-t-il eu des moments dans l’histoire de l’euro où le sport a précédé la politique européenne ?
Il s’agit plutôt de clins d’œil. Celui qui me vient à l’esprit est l’Euro 1992. Cette année-là, le Traité de Maastricht instaurait l’Union européenne et des référendums eurent lieu dans différents pays. Notamment au Danemark, où la population dira non au traité.
Dans le même temps, le Danemark se qualifie pour l’Euro puis remporte la compétition. Et comme je le dis à la fin du chapitre dédié, les médias danois titraient alors « Le Danemark dit oui à l’euro « . Un an plus tard, même si ce n’est pas directement lié, les Danois ont dit oui au deuxième référendum sur le traité de Maastricht.
La question intéressante pour l’Euro 2024 est le cas de la Géorgie, où se déroulent des manifestations politiques avec des joueurs de la sélection qui prennent position pour les manifestants pro-européens, ou du moins opposés à la loi pro-russe sur l’influence étrangère et la répression contre les population.
Voir aussi sur Le HuffPost :
La lecture de ce contenu peut entraîner le dépôt de cookies par l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte tenu des choix que vous avez exprimés concernant le dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies « Contenu tiers » en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Lire la vidéo
