Dans la modeste maison du survivant Toshiyuki Mimaki, 81 ans, située à une heure de route du centre-ville d’Hiroshima, tout rappelle l’horreur de la bombe.
Un tableau inquiétant aux accents orangés intitulé Un enfant regardant des débris tomber en 1945 orne l’un des murs.
Un autre tableau dépeint le réconfort offert par sa propre famille dans les instants qui ont suivi l’horreur du 6 août 1945, lorsque la première bombe atomique de l’histoire a été larguée.
Ce matin-là, j’étais dehors et j’ai vu une lumière dans le ciel. Je pensais que c’était un éclair. Je ne pensais pas que c’était quelque chose de grave. Je n’avais que trois ans. Dans l’après-midi, de nombreuses personnes sont passées devant notre maison. Ils étaient fatigués et blessés. Ma mère a donné aux victimes une boîte de pêches. Après, elle m’a dit que c’était une attaque et qu’il n’y avait plus de ville d’Hiroshima.
explique calmement Toshiyuki Mimaki.
Entre 60 000 et 80 000 personnes sont mortes sur le coup lorsqu’un bombardier américain a largué une bombe nucléaire équivalente à la puissance de 15 000 tonnes de TNT sur Hiroshima le matin du 6 août 1945.
Le bilan des morts s’est élevé entre 103 000 et 220 000 après le lancement de la bombe au plutonium sur Nagasaki trois jours plus tard.
Toshiyuki Mimaki était enfant à Hiroshima le jour de l’explosion de la bombe.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
Lorsqu’il regarde les informations, M. Mimaki est attristé de voir ce qui se passe à Gaza et en Ukraine.
Je suis assez pessimiste. J’ai aussi l’impression que le monde devient de plus en plus violent. De plus, des chefs d’État comme Vladimir Poutine utilisent les missiles nucléaires comme une menace, comme un outil politique. Ce n’est pas normal. Nous ne pouvons pas oublier la guerre et ce que nous avons vécu
il a dit
Quelques instants après que l’association des survivants Nihon Hidankyo a reçu le prix Nobel de la paix en octobre, Toshiyuki Mimaki a comparé le sort des enfants bombardés dans la bande de Gaza à ce que les Japonais ont vécu en 1945.
L’ambassadeur d’Israël au Japon a fermement condamné les propos du chef de la section d’Hiroshima de l’association des survivants.
Sur le gigantesque site du Mémorial de la Paix d’Hiroshima, Hiroko Nishimura conduit un groupe de touristes vers les lieux les plus importants, dont le Dôme Genbaku, le seul bâtiment encore debout à proximité du lieu où la bombe atomique a fait exploser la ville.
Ouvrir en mode plein écran
Le Dôme Genbaku, le seul bâtiment encore debout à proximité du site où la bombe atomique a fait exploser la ville.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
Elle est guide pour l’association Nihon Hidankyo depuis 24 ans. Elle est la fille d’un survivant irradié.
C’est sa jeune fille, alors intriguée par les noms inscrits sur le mémorial de la bombe atomique, qui la pousse à entreprendre ce voyage de mémoire.
Lorsqu’elle m’a demandé si son grand-père figurait parmi les noms des victimes inscrits sur le mémorial, j’ai réalisé l’étendue de mon ignorance. Mon père, irradié à 15 ans, est resté silencieux, comme s’il ne pouvait pas parler de cette journée. Son silence est devenu un poids que je porte
dit-elle.
Hiroko Nishimura estime que la menace nucléaire et la guerre affectent tout le monde aujourd’hui et que la mémoire est une responsabilité collective.
Malheureusement, j’ai l’impression que le monde n’avance pas vers la paix. Notre seule arme est la voix des témoins. Nous pouvons profiter du fait que nous avons remporté le prix Nobel de la paix pour recruter et transmettre notre message de paix au monde.
elle a dit
Ouvrir en mode plein écran
Hiroko Nishimura est guide pour l’association Nihon Hidankyo.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
M. Mimaki ne sait pas s’il pourra se rendre à Oslo le 10 décembre pour la remise officielle du prix Nobel de la paix à Nihon Hidankyo.
Depuis l’âge de dix ans, il développe des problèmes de santé récurrents qu’il attribue aux séquelles de l’exposition à la bombe atomique.
Il souffrait de fièvres à répétition et aujourd’hui il a de l’eau dans les poumons.
J’avais honte d’en parler. Je n’ai dit à personne que cela pouvait être dû à la bombe atomique. Je n’en ai pas parlé pendant longtemps
dit-il.
Il a encore du mal à croire que le prix revienne à Nihon Hidankyo après toutes ces années.
L’organisation a été créée en 1956 pour envoyer un message de paix et faire campagne contre les armes nucléaires à la suite de la tragédie du bateau japonais Daigo Fukuryū Maru, irradié lors d’un essai nucléaire américain de la bombe H en 1954.