Avec une victoire nette (même si elle n’est pas massive), Donald Trump est désormais le « président élu » des États-Unis qui prendra la tête de la première puissance mondiale le 20 janvier 2025 pour les quatre prochaines années. Près de 80 % des Français ont une image négative de Donald Trump – j’en fais partie – ce qui explique sans doute que notre société ait peu anticipé ce scénario pourtant probable voire souhaitable.
Les réflexions ont été assez pauvres sur les conséquences de cette élection, au-delà du risque que Donald Trump déclenche une guerre civile s’il en contestait les résultats, et il est plus que jamais nécessaire de réfléchir désormais aux conséquences de cette élection américaine.
Netanyahu réconforté, les Palestiniens abandonnés
Quant au Moyen-Orient, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas attendu pour se réjouir du « retour historique » au pouvoir de son meilleur allié, alors qu’il craignait bien sûr Kamala Harris et « son souci pour le peuple palestinien ». Netanyahu a également tout fait pour mettre en difficulté l’administration Biden, dont Harris était vice-président, face à la guerre impitoyable qu’il mène sur 7 fronts et dont il ne fait aucun doute que le futur ex-président américain peut être crédité. obtenir un cessez-le-feu dans la région.
Netanyahu se sent désormais libre de terroriser toute la région sous prétexte d’avoir fait l’objet d’un attentat terroriste le 7 octobre 2023, dont il est pourtant en partie responsable de n’avoir pu l’éviter. L’illustration même en est le siège du camp de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza, attaqué pour la troisième fois en un an par l’armée israélienne et où Netanyahu a imposé que même l’aide humanitaire ne puisse y parvenir. .
Les États-Unis avaient menacé – très tardivement – de réduire leurs approvisionnements en armes si Netanyahu ne levait pas ce siège « inhumain » d’ici 30 jours, la réponse est désormais connue, « plus tard quand tout sera fini », ou en français « rien à craindre ». Putain.”
Netanyahu peut certainement envoyer l’administration Biden dans une chute libre, car elle est désormais incapable de prendre une décision qui serait défaite quelques semaines plus tard, 10 à ce stade. Malheureusement, il faut reconnaître que la présidence Biden, sur ces conflits, aura brillé par son indécision et qu’il est désormais trop tard pour agir.
Pour Jabaliya, ce n’était évidemment pas avec un délai de 30 jours qu’il fallait menacer Netanyahu mais bien avec 3 jours pour qu’une telle injonction paraisse crédible. Au moins 70 000 Palestiniens sont toujours piégés dans ce camp et meurent à la fois sous les bombardements et dans les privations. Encore un crime de guerre comme ce carnage commis contre Gaza, où l’ONU compte 70% de femmes et d’enfants parmi les victimes recensées des bombardements israéliens, probablement de dangereux terroristes en devenir du Hamas…
Limogeage du ministre israélien de la Défense
Netanyahu se sent d’autant plus libre d’agir et de mentir qu’il vient de limoger son ministre de la Défense, Yoav Gallant : il a osé affirmer la nécessité de mettre fin à cette guerre en arguant depuis cet été qu’il était temps de mettre un terme à cette opération qui ne a quelque chose de militaire, et qu’il était encore possible de sauver dans un accord les quelques otages israéliens encore en vie (sans doute moins d’une trentaine aujourd’hui).
Le ministre israélien de la Défense était d’autant plus déterminé qu’il était considéré comme très fiable par son homologue américain et qu’il n’avait rien à voir avec le projet de cessez-le-feu que tous les belligérants avaient accepté à mi-mandat. -Septembre – Hamas et Hezbollah inclus – mais que Netanyahu a délibérément fait tomber en lançant son opération « Flèche du Nord » contre le Liban.
Les Israéliens ont d’ailleurs appris que Netanyahu avait menti (encore une fois) à sa propre société en laissant fuiter de fausses informations sur un prétendu refus du Hamas d’arrêter les combats alors qu’il n’était pas question pour lui d’arrêter cette guerre, au risque de perdre le pouvoir et d’être interrogé. : sur l’origine de ce désastre (comment l’attentat terroriste du 7 octobre a-t-il été rendu possible ?), la conduite des opérations (pourquoi endommager des collatéraux aussi importants ?) et surtout quel objectif poursuit-il réellement dans cette guerre.
Plus de limites pour Netanyahu et l’extrême droite en Israël
En fait, Netanyahu est désormais seul avec l’extrême droite aux commandes d’une société que la guerre a traumatisée, et il imagine probablement qu’il peut désormais construire un « grand Israël » au détriment définitif des Palestiniens.
Netanyahu a ordonné à l’armée israélienne de finir de raser le nord de Gaza, transformant ainsi la zone en un le no man’s land qui ne sera pas difficile à coloniser par la suite puisqu’il n’en restera plus rien. Et ce n’est pas Donald Trump qui va l’arrêter.
Quant à la Cisjordanie, vers laquelle Netanyahu avait détourné les forces nécessaires à la surveillance de Gaza afin de renforcer sa colonisation, il n’est pas non plus difficile de deviner quel sort l’attend désormais.
“Gaza deviendra un no man’s land qui ne sera pas difficile à coloniser par la suite puisqu’il n’en restera plus rien”
Les Palestiniens n’auront d’autre choix que de quitter ces territoires s’ils veulent vivre en paix plutôt que de survivre au milieu des ruines. Avec l’arrivée de Donald Trump, ils perdent tout espoir de vivre paisiblement aux côtés des Israéliens et sont à leur tour condamnés à un certain exode, ainsi qu’à probablement une vengeance sans fin contre les enfants d’Israël.
La seule contrainte que Donald Trump imposera à Benjamin Netanyahu sera d’avoir « fini le travail » concernant la guerre avant son investiture fin janvier, puisque la marque de Donald Trump est de considérer que la guerre est une « mauvaise affaire » et que il faut donc l’achever au plus vite, tant pis pour les conséquences…
L’Iran est-il plus menacé ?
Si Biden avait pu imposer fin octobre à Netanyahu une réponse plus que limitée contre l’Iran, voilà que le Premier ministre israélien se voit pousser des ailes pour aller dévaster le « régime des Mollahs ».
Mais pour cela, il lui faudrait agir avant l’investiture de Donald Trump car le nouveau président américain aura du mal à accepter qu’une nouvelle guerre puisse éclater après son accession présidentielle. Et il est peu probable, malgré sa neutralisation dans cette période de transition, que Biden autorise désormais le Premier ministre israélien à lancer une attaque impressionnante contre l’Iran, ce qu’il ne peut faire qu’avec les moyens américains.
« Mauvais moment » pour la résistance ukrainienne
Depuis l’échec de la contre-offensive ukrainienne en octobre 2023, le président ukrainien Volodymyr Zelensky se doutait qu’il n’avait plus les moyens d’expulser totalement les forces russes d’Ukraine et qu’il serait, à un moment ou à un autre, contraint de négocier. Mais il espérait avoir les cartes en main pour tenir tête au maître du Kremlin.
Donald Trump, considérant une fois de plus que la guerre est un Mauvaise affaire et qu’il n’entend pas affronter Vladimir Poutine – qu’il estime, voire admire – qui imposerait la fin de la guerre, bien plus rapidement que ce que le président ukrainien aurait pu craindre.
Un accord de « paix » déjà esquissé entre Trump et Poutine
Donald Trump annonce également qu’il s’entretiendra prochainement avec Poutine, mais en réalité cela est déjà fait depuis longtemps, car il a continué à s’entretenir avec lui, comme l’a révélé le journaliste Bob Woodward aux États-Unis.
Le accord est probablement déjà établie et concédera à Poutine le bénéfice de ses conquêtes militaires illégales et particulièrement brutales : il officialisera l’annexion de la Crimée et d’une grande partie de ce qui se trouve derrière les 1 100 km2 de ligne de front. L’armée russe s’est en effet emparée de 18 % du territoire ukrainien au prix de dégâts gigantesques et de pertes considérables qu’elle n’aurait plus pu subir.
Après deux ans et demi d’une guerre particulièrement destructrice et face à une remarquable résistance ukrainienne, l’armée russe est très endommagée et a besoin de temps, probablement plusieurs années, pour se reconstruire et redevenir un outil crédible de menace et de conquête pour Poutine.
Une fin rapide de cet épisode de guerre serait à l’avantage de Poutine (qui pourra revendiquer la victoire dans son opération militaire spéciale) et de Trump (qui aura mis fin à un carnage digne de la guerre des tranchées du 14-18) . . Ce sera une forme de soulagement pour beaucoup, mais cela n’apportera malheureusement pas une paix durable et alimentera au contraire une menace croissante contre l’Ukraine, comme pour l’ensemble de l’Europe de l’Est. Les pays scandinaves, baltes et la Pologne ont bien compris la dangerosité de la situation qui les met en première ligne face à la Russie de Poutine.
La fin de l’accord pour la protection américaine contre l’impuissance européenne ?
Mais Trump pourra imposer « son accord » d’autant plus facilement que l’Europe – l’Union européenne en premier lieu – ne s’est pas mobilisée pour devenir enfin un acteur crédible de sa propre sécurité. Aujourd’hui, seuls les États-Unis ont encore la capacité d’apporter un soutien militaire massif et efficace à l’Ukraine.
Enfin, Trump incarne aussi la fin d’un autre « deal », celui des États-Unis qui protégeaient militairement l’Europe en échange d’une contribution réduite, fragmentée et surtout d’une incapacité à peser dans les relations internationales, comme une forme de renoncement, étant un non-payeur. -acteur dans les conflits. L’Union européenne l’a brillamment démontré tant en Ukraine qu’au Moyen-Orient.
La question est désormais moins de savoir si les Européens veulent rester « un troupeau d’herbivores dans un monde de carnivores » comme l’a aimablement formulé le président Macron, mais d’interroger la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur notre capacité collective à enfin construire une Europe de la défense et une défense de l’Europe.
On commence seulement à mesurer les conséquences de l’élection de Donald Trump, et on ne voit que les dégâts à venir : Netanyahu n’a plus de limites dans sa guerre qui ne respecte plus aucune règle. Les Palestiniens souffriront plus que jamais des conséquences de l’attentat terroriste du Hamas du 7 octobre, véritable poison pour l’avenir de la région. L’Ukraine a perdu l’occasion de lutter plus longtemps contre la Russie de Poutine et sera contrainte à une paix qui ne sera pas loin de la capitulation.
Et nous, Européens, devrons nous résoudre à supporter des acteurs peu recommandables et incontrôlables qui nous imposent leur réalité alternative, ou au contraire nous obligent à nous mobiliser enfin pour « ne pas souffrir ».