L’exclusion des travailleurs québécois âgés de 60 à 64 ans du crédit d’impôt pour prolongation de carrière, annoncée jeudi dans la mise à jour économique du ministre des Finances, inquiète le milieu des affaires.
Frédéric Lacroix-Couture
La Presse Canadienne
Selon le Conseil du patronat du Québec (CPQ), en augmentant l’admissibilité à 65 ans et plus, il y aura « certainement un impact sur l’attraction ou la rétention de travailleurs expérimentés sur le marché du travail ».
« Nous avons certaines inquiétudes quant à l’impact que cela risque d’avoir, car nous savons que nous sommes toujours confrontés à une pénurie de main-d’œuvre et que nous continuerons de l’être dans les années à venir. […] Il s’agit d’une mesure qui a rendu le travail plus attractif financièrement et fiscalement. Est-ce que cela va décourager certaines personnes ? », a commenté la vice-présidente à la recherche et économiste en chef du CPQ, Norma Kozhaya, en entrevue.
Ce crédit d’impôt pourrait représenter une économie d’impôt de 1 540 $ par année pour ces travailleurs.
Selon la déclaration du ministre Éric Girard, la mise en place de ce crédit a permis au Québec de « rattraper son retard en matière de participation au marché du travail de ces personnes », éliminant ainsi virtuellement l’écart historique avec l’Ontario.
Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) rappellent que le secteur manufacturier subit toujours les impacts de la pénurie de main-d’œuvre, avec 13 000 postes actuellement vacants.
Avec 27% de travailleurs âgés de plus de 55 ans, soit une proportion supérieure à la moyenne, le secteur manufacturier sera confronté à un mur dans les années à venir. En ce sens, la révision du crédit d’impôt pour travailleurs expérimentés ne contribuera probablement pas à réduire la pression sur le marché du travail.
Extrait d’un communiqué des Manufacturiers et Exportateurs du Québec
Le président de l’Association québécoise pour la défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) se demande également si la révision de cette mesure fiscale renversera l’objectif initial recherché.
«À mon avis, l’impact sur les seniors ne sera pas majeur, mais il le sera au regard de l’objectif que nous visions d’augmenter le nombre de personnes disponibles pour continuer à travailler», a déclaré Pierre Lynch, en entrevue.
Selon un sondage réalisé auprès des membres de l’AQDR, bon nombre de travailleurs âgés de 60 à 64 ans qui demeurent sur le marché du travail le font parce qu’ils ne peuvent pas compter sur un régime de retraite et doivent plutôt se tourner vers les prestations gouvernementales, a-t-il souligné.
M. Lynch souhaiterait également voir davantage de mesures pour aider les aînés les plus vulnérables.
L’aide à l’industrie forestière est saluée
Le milieu économique salue toutefois les sommes supplémentaires pour soutenir le secteur forestier.
Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) se réjouit particulièrement de la création d’un programme de prêts de 100 millions pour soutenir les entreprises touchées, entre autres, par le conflit du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis.
Dans un communiqué, le CIFQ souligne « la détermination du gouvernement à trouver une réponse rapide et agile qui permettra d’apporter des liquidités aux entreprises en attente de remboursement des impôts trop payés au cours des premières années du conflit ».
Au total, le gouvernement Legault promet d’investir 252 millions supplémentaires sur cinq ans, ce qui devrait permettre, selon lui, des initiatives d’une valeur de 540 millions au cours des sept prochaines années.
MEQ estime qu’il s’agit d’un « pas dans la bonne direction pour ce secteur essentiel pour plusieurs régions du Québec ».
La CSN juge toutefois que le programme de prêts « arrive tardivement pour un secteur qui a subi des fermetures d’entreprises ces derniers mois ». Mais l’organisation syndicale qualifie de « positive » la mesure d’investissement pour la reforestation « pour faire face aux catastrophes environnementales croissantes ».
Autres réactions
Plusieurs organisations ont commenté la mise à jour économique. Voici quelques-unes de leurs réactions.
Cette mise à jour présente des investissements stratégiques supplémentaires qui aideront les secteurs économiques dans le besoin. De plus, le gouvernement a décidé de ne pas emprunter la voie de la facilité qui consiste à augmenter les impôts des petites entreprises, ce qui est rassurant.
François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI
La mise à jour présentée aujourd’hui par la ministre Girard comprend peu d’annonces susceptibles d’avoir un impact significatif à court terme sur le milieu des affaires. La bonne nouvelle, c’est que le ministre prévoit désormais une croissance de l’économie québécoise meilleure que celle anticipée en mars dernier. Cela reflète un atterrissage en douceur de l’économie après une période de forte inflation et de taux d’intérêt très élevés.
Michel Leblanc, président-directeur général de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
La mise à jour économique fait référence à plusieurs reprises à l’importance de la productivité et on sait à quel point elle est une priorité pour le gouvernement Legault. Aucune nouvelle mesure n’a toutefois été annoncée aujourd’hui, malgré le déficit budgétaire record de 11 milliards de dollars et l’arrivée d’une administration Trump aux États-Unis.
Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec
En reportant les investissements urgents dans les infrastructures comme la rénovation des hôpitaux et des écoles, en gelant le recrutement dans la santé et les services sociaux, dans la fonction publique et en sabrant dans les programmes de francisation des immigrants, ce qui est scandaleux, ce même gouvernement est en train de créer une autre crise, même si nous savons tous que cela ne peut conduire qu’à une réduction des services à la population.
Magali Picard, présidente de la FTQ
Quand on voit le retour des coupes budgétaires, on voit bien que le cycle de l’austérité a recommencé. Après avoir réduit ses revenus avec des baisses d’impôts, le gouvernement Legault crée un déficit de toutes pièces pour les années à venir. S’il reste 10 milliards pour le troisième lien et des milliards pour une Northvolt à la dérive, les coupes budgétaires sont tout ce que le gouvernement réserve à nos services publics.
Caroline Senneville, présidente de la CSN
Diverses mesures s’alignent sur les priorités du secteur municipal. Ils démontrent une volonté d’agir concrètement pour soutenir les communautés, renforcer leur résilience et stimuler leur développement. Il est toutefois crucial de poursuivre les efforts visant à lutter contre le sans-abrisme. Considérant la situation d’urgence vécue dans toutes les régions du Québec, les sommes prévues ne correspondent pas aux besoins criants.
Martin Damphousse, président de l’UMQ et maire de Varennes
Le gouvernement n’a pas un problème de recettes, mais un problème de dépenses, et l’augmentation de l’impôt sur les plus-values le confirme. Cette mesure nuit à la croissance du Québec, elle nuit aux épargnants et revient à sacrifier notre prospérité future pour un afflux d’argent cette année.
Gabriel Giguère, analyste principal des politiques publiques à l’Institut économique de Montréal
Cette mise à jour confirme que le gouvernement choisit d’augmenter les dépenses au détriment des générations futures au lieu de proposer un véritable plan d’équilibre des finances publiques.
Nicolas Gagnon, directeur pour le Québec de la Fédération canadienne des contribuables