La flambée des prix du cacao n’épargne (presque) personne

La flambée des prix du cacao n’épargne (presque) personne
La flambée des prix du cacao n’épargne (presque) personne

La chocolaterie s’étend sur à peine douze mètres carrés. C’est ici que Christian Michaud, fondateur du Chocolat Madouce’heure à Genève, fabrique des barres, pralines et autres gourmandises. Une production confidentielle d’à peine une tonne par an. Sa base de coûts est minime, mais ces derniers mois, les prix des matières premières, notamment ceux du cacao, se sont envolés.

La pression s’est accrue sur le marché des haricots et « les prix ont atteint des niveaux stratosphériques, c’est du jamais vu », souligne Alexandre Baradez, analyste chez IG Banque.

PantherMedia / Jiri Hera

« C’est quelques dizaines de centimes le kilo, ici et là. Rien de bien alarmant à ce stade», explique M. Michaud. Toutefois, la hausse pourrait s’accélérer dans les mois à venir.

Jusqu’ici moins exposés aux brusques hausses des prix du cacao, car habitués à diversifier les régions d’origine des fèves et à travailler sur le long terme avec les producteurs, les petits acteurs ne sont désormais plus épargnés. «Nous devrons augmenter considérablement nos prix d’environ 10% en juillet», déclare Stefan Künzli, directeur marketing chez Felchlin, un fournisseur schwyzois de produits semi-finis à base de cacao.

La pression s’est en effet accrue sur le marché des haricots et « les prix ont atteint des niveaux stratosphériques, c’est du jamais vu », souligne Alexandre Baradez, analyste chez IG Banque. Depuis janvier, le prix de la tonne de cacao a plus que triplé. Les prix ont ainsi bondi à plus de 12 000 dollars la tonne mi-avril, alors qu’ils oscillaient encore autour de 4 200 dollars début janvier. Après être tombé sous la barre des 7 000 $ mi-mai, le prix était de nouveau proche des 10 000 $ début juin.

En cause, une situation de pénurie, face à une demande qui reste à un niveau élevé. « Les récoltes sont particulièrement mauvaises depuis trois ans en Côte d’Ivoire et au Ghana, deux pays qui concentrent à eux seuls près des deux tiers de la production », constate Jean-Philippe Bertschy, analyste à la banque Vontobel. Les plantes sont ravagées par les températures élevées et les maladies.

“Ces deux facteurs sont aggravés par la monoculture et l’utilisation massive et à long terme de pesticides qui ont conduit à des résistances aux pathogènes”, souligne Silvie Lang, spécialiste des matières premières agricoles à l’ONG Public Eye. À cela s’ajoute l’exploitation illégale de l’or, qui détruit les plantations de cacao, érode les sols et encourage la déforestation.

Crocs acérés

La tension entre l’offre et la demande aiguise également l’appétit des spéculateurs : le cacao s’échange non seulement dans des sacs de jute, mais aussi sur les marchés à terme, sous forme de produits dérivés – des contrats appelés « futures » destinés aux spéculateurs qui n’ont pas l’intention de recevoir du cacao. une expédition de haricots, mais cherchent à gagner une prime sur la revente dudit contrat.

Difficile de quantifier précisément la part spéculative, souligne M. Bertschy, pour qui 10 à 20 % des actions pourraient être entre les mains d’investisseurs financiers. Cela nécessiterait une analyse fine, pays par pays, note Alexandre Baradez, estimant que les prix sont aujourd’hui possiblement surévalués de 20 à 30 %. Au total, les spéculateurs ont parié 8,7 milliards de dollars sur les contrats à terme du cacao à Londres et à New York, note le Financial Times, citant les données de positionnement de la Commodity Futures Trading Commission.

Les géants du secteur cherchent à garantir leur approvisionnement, « en achetant à tout prix, grâce à leur solidité financière », ironise un spécialiste du marché, s’exprimant sous couvert d’anonymat. Ils ont également tendance à diversifier leurs fournisseurs dans diverses régions. De quoi accroître encore les tensions sur le marché. « Notre approche repose sur un contact direct avec des producteurs situés dans des régions jusqu’ici moins prisées. Nous nous trouvons désormais en concurrence avec les géants du secteur sur ce créneau», souligne Stefan Künzli.

Parmi ces colosses figure le Zurichois Barry Callebaut. Le numéro un mondial, qui fournit notamment Nestlé et Mondelez (Milka, Toblerone) en cacao et produits chocolatés, confirme approvisionner en cacao « toutes les grandes régions productrices du monde ». Non seulement pour couvrir la demande, mais aussi pour diversifier l’offre en spécialités, précise un porte-parole. La multinationale ne donne aucune indication sur d’éventuelles hausses de prix futures, « compte tenu de son ampleur », notant seulement qu’elle est liée aux prix du marché.

Lindt & Sprüngli indique de son côté s’approvisionner dans sept pays, via son programme d’approvisionnement durable, et ce depuis une dizaine d’années maintenant. Aux deux principaux pays producteurs s’ajoutent la République dominicaine, l’Équateur, Madagascar, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Pérou. Quant à l’évolution des prix, l’entreprise de Küsnacht prévoit cette année une augmentation comprise entre 5 et 9%.

Dans ce marché tendu, jusqu’ici soucieux de maintenir le même niveau de prix, Christian Michaud n’aura cette fois plus le choix de les augmenter lui aussi.

rr

 
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