Par
Jean-Marc Aubert
Publié le
8 novembre 2024 à 11h43
; mis à jour le 8 novembre 2024 à 11h52
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L’heure de la retraite a sonné pour le policier national, Philippe SébagResponsable majeur de l’unité de police locale -Rulp- de Intelligence territoriale -l’ex-RG- au Sète police station. Le 1er février 2025, ce syndicaliste expérimenté au seinAlliance Police nationale, dont il est le secrétaire national, rendra son uniforme et son arme de service, au terme exactement de 37 ans et six mois d’une carrière très épanouie et exemplaire. Il ne comptait jamais ses heures, ni tous ses sacrifices au service de cette noble institution.
« Le grade de majors chargés des unités de police locale, mission de commandement, a été créé lors de la réforme des corps et des carrières en 2004 pour accompagner les lieutenants de police dans un contexte de déflation du corps des officiers », explique Philippe Sebag qui, quelques mois avant sa retraite et à la veille d’être décoré des insignes de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite – ce samedi 9 novembre 2024, à Servien-, tape du poing sur la table pour dénoncer des situations compliquées au sein de la police nationale.
Face à un constat inquiétant sur la situation de la police, il tire la sonnette d’alarme : « La police est à bout, exaspérée par la politique du nombre, autant que par la réforme de la justice. Les deux victimes de la réforme judiciaire, ce sont les policiers et les victimes», prévient Philippe Sebag, qui a accepté de répondre à quatre questions, officieusement sollicitées, puisque j’ai eu l’occasion de le rencontrer régulièrement à l’époque où j’étais reporter régional au Midi Libre. . Quels bons souvenirs ! Entretien.
Métropolitain : vous prenez votre retraite au grade de major Rulp 4ème échelon après plus de 37 ans de carrière bien remplie, car vous avez été, ou plutôt vous restez encore, un fer de lance du syndicat Alliance Police Nationale et vous avez mené de nombreux combats dans l’Hérault, depuis vous êtes toujours le Rulp de l’Intelligence Territoriale de Sète. Que retenez-vous de vos actions et quelle est votre analyse ?
Philippe Sébag : Cette fin de carrière me laisse un sentiment mitigé. Un immense amour pour ce métier et un profond respect pour toutes ces femmes et hommes courageux et dévoués au service de notre pays. Et en même temps, une immense déception et une certaine fatalité ou pessimisme dû à deux facteurs, la modification de la société avec sa déliquescence liée au trafic de drogue et les risques terroristes liés à un islam radical consubstantiel à une immigration incontrôlée. La dangerosité des voyous sans foi ni loi a conduit à une situation irrationnelle, où les policiers censés protéger la population se trouvent eux-mêmes en perpétuel danger. À cela s’ajoute évidemment l’impact politique de tous bords qui réduit la police à une variable d’ajustement pour répondre à l’opinion publique ou aux désirs électoraux. Comment en est-on arrivé là pour que les élus de la République puissent se sentir justifiés de fustiger les policiers et de les traiter d’assassins !
Un jour héros, le lendemain victimes de la peste. La République ne peut pas tolérer cela.
La police est là pour garantir la paix publique et assurer la défense de toute personne placée sous l’autorité judiciaire. Je constate aussi malheureusement un glissement vers une institution raidie, empêtrée dans la guerre des chiffres, dans sa comptabilité interne avec les réductions budgétaires qui vont avec et un lent mais inévitable passage d’une grande famille à une administration comme les autres et c’est dommage car cette institution a besoin de cohérence, de sens, de soutien et d’un sentiment d’affinité.
Vous êtes à la tête du Renseignement Territorial à Sète, une ville qui n’est pas épargnée par un trafic de drogue générant des fusillades, comme récemment sur l’Île de Thau. Est-ce une hausse inquiétante du trafic de drogue ?
Concernant la situation extrêmement compliquée liée au trafic de drogue, notre département n’est pas épargné et dans la ville de Sète, il s’est intensifié, malgré le formidable travail des forces de l’ordre. De petits trafics locaux, on est passé inexorablement comme dans d’autres départements et d’autres villes à des trafics d’une nouvelle dimension alimentés par des bandes organisées venues d’ailleurs, notamment de Marseille. La guerre territoriale s’intensifie et l’île de Thau est devenue attractive pour ces trafiquants de drogue. Il faut désormais mettre en place une organisation judiciaire spécifique dotée de moyens adaptés et le travail doit se faire conjointement entre la police et la justice, pour que la réponse pénale soit à la hauteur de l’engagement des policiers sur le terrain. S’il y a une prise de conscience de la part de notre actuel ministre de l’Intérieur, il faut vite passer des paroles aux actes.
En tant que syndicaliste acharné, comment avez-vous vécu la réalité des commissariats de l’Hérault, où les directeurs se succédaient. Quelles sont les difficultés que vous avez surmontées avec vos collègues syndiqués pour faire bouger les choses, améliorer le quotidien des policiers, dénoncer les conditions de travail, le manque de personnel, les suicides ?
Toute ma vie de policier et de syndicaliste a été consacrée à la défense de l’institution policière et de celle des policiers. J’ai siégé dans toutes les instances et j’ai soutenu de nombreuses réformes et changements. Je me suis donné sans compter et j’ai évidemment rencontré de nombreux directeurs, préfets, ministres et présidents de la République. La lutte a été et reste acharnée pour faire évoluer les conditions de travail des policiers.
Cependant, cela ne devrait pas être le cas et les policiers devraient être traités de la meilleure façon possible sans avoir à le demander. Malgré de réelles évolutions de catégories, je le dis avec fermeté, les policiers ne sont pas assez payés, pas assez reconnus, pas assez protégés et pas assez d’aide sociale. Quant à l’évolution des dirigeants, elle s’est accompagnée des injonctions gouvernementales paradoxales qui ont conduit ces grands flics d’antan à devenir peu à peu des argentiers, des comptables et des statisticiens, en s’éloignant peu à peu du terrain et des hommes. Cependant, j’ai croisé la route de personnes de bonne volonté et à la veille de ma retraite je souhaite seulement évoquer le souvenir de celles-ci. Le manque d’effectifs, la surcharge de travail et du quotidien des policiers, la difficulté du lien nécessaire entre police et justice, la perte d’appui hiérarchique et la perte de sens à son métier, à ses missions, ont conduit nombre d’entre eux mes collègues d’être épuisés, fatigués, épuisés, blessés ou malades, certains allant jusqu’au suicide. J’ai participé à de nombreux projets sur ces sujets et pourtant nous sommes toujours en retard, malgré plusieurs propositions syndicales jamais entendues. Je le regrette car personne ne mérite de souffrir au travail et ces policiers dévoués à leur pays méritent considération et remerciements.
Avez-vous vraiment senti que les réalisateurs étaient à l’écoute, que vos avertissements n’étaient pas vains et quelles sont vos satisfactions au moment de tirer un trait sur votre impressionnante carrière ?
Être écouté est une chose, être entendu en est une autre : dans mon parcours syndical, j’ai rencontré des responsables hiérarchiques et ministériels qui écoutent et parfois des solutions ont été trouvées. Le dernier projet sur lequel j’ai beaucoup travaillé est celui de la protection sociale et complémentaire santé et prévoyance, je considère que c’est un réel progrès pour mes collègues. Je continue de travailler sur la question du logement, qui constitue une vraie difficulté pour mes collègues, notamment dans les grandes villes. Le sujet de la retraite m’a également beaucoup occupé et je continuerai à m’efforcer de préserver la spécificité du métier de policier avec sa dangerosité, son usure et donc des droits spécifiques (NDLR : Philippe Sebag siège à la Fédération CFE-CGC des services publics ayant des mandats dans les fonds de pension).
Je prends ma retraite avec le sens du devoir accompli, mais je poursuivrai à l’avenir mon action syndicale au service de mes collègues, un jour policier, toujours policier, un jour syndicaliste, toujours syndicaliste.
Décoré en Servian
A trois mois de sa retraite, mais pas de l’Hérault où il restera en contact avec ses collègues, ce sera un grand moment dans la vie de ce policier et syndicaliste hors pair : Philippe Sebag recevra ce samedi 9 novembre à Servian, LE insigne de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite des mains de Pascal Lalle, ancien directeur central de la police nationale, actuel inspecteur général de l’administration -IGA- au ministère de l’Intérieur, en présence du maire de Servian, Christophe Thomas. Une magnifique décoration pour couronner ses plus de trente-sept années passées au service de la police.
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