pourquoi Hollywood ne veut-il pas sortir The Apprentice ? – .

L’apprenti par Ali Abbasi s’en prend à Donald Trump et à l’Empire américain, ce qui semble (beaucoup) effrayer Hollywood.

Le Festival de Cannes est terminé et évidemment, nous avons fait le point et décerné notre palmarès pour ce Cannes 2024. Sauf que depuis, une petite anomalie se produit sur l’un des projets du concours officiel : L’apprentidu brillant réalisateur iranien Ali Abbasi.

Après avoir été repéré à Cannes (aussi) avec ses films Frontière Et Les nuits de Machhadle cinéaste est revenu sur la Croisette avec L’apprenti. Racontant l’ascension de Donald Trump en tant qu’entrepreneur dans les années 1970, avec Sebastian Stan et Jeremy Strong au casting, le film est clairement dans l’air du temps. Et pourtant, à ce jour, L’apprenti n’a toujours pas de distributeur aux États-Unis. Pour quoi ? Hollywood a-t-il peur des conséquences ? La pression de Trump est-elle trop forte ? Éléments explicatifs.

Je préviens mes proches, ça va prendre du temps

L’apprenti : Achète-moi si tu peux

Tout d’abord, il faut replacer les choses dans leur contexte. Bien sûr, le film attaque Donald Trump bien sûr, mais comme Ali Abbasi l’a dit clairement : le film va bien au-delà d’un simple biopic de l’ancien président des Etats-Unis. Dans les colonnes de Variété avant la diffusion de son projet à Cannes, le cinéaste a décrit L’apprenti Ainsi :

« Nous voulions faire une version punk rock d’un film historique, ce qui signifiait qu’il fallait garder une certaine énergie, un certain esprit, sans trop se soucier des détails et de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas. […] L’Amérique est un pays… mais c’est aussi un empire. J’étais plus préoccupé par la partie empire. »

Concrètement, le film met donc principalement en lumière les dérives du pays via le parcours de Trump (et pas simplement les dérives de Trump). Malgré cette démarche, depuis sa diffusion à Cannes, le film a subi une forme de rejet de la part des distributeurs.

Le couple Trump

Le film a certes un distributeur dans le monde entier… notamment en France avec Metropolitan, mais il est étonnamment bloqué aux Etats-Unis, pays où le film est censé avoir le plus grand impact. Selon La rondelle, tous les principaux services de streaming ont dépassé leur tour pour diffuser le film. Netflix, Amazon, Disney+ et Apple, aucun d’entre eux ne semble vouloir s’attaquer au film, alors même qu’il est réalisé par un cinéaste à la réputation grandissante et aborde un sujet intrigant qui fera forcément parler.

Du côté des majors hollywoodiennes, c’est la même histoire, qu’il s’agisse des grands studios ou de leurs divisions dites plus « spécialisées ». Selon Variétéau revoir alors, Searchlight (Fox) Sony Pictures Classics, Focus (Universal), A24, HBO (Warner) et Lionsgate. Même Neon, bien qu’il distribue Frontière d’Ali Abbasi, n’aurait pas fait d’offre au moment de la publication de cet article.

« Will, dis-moi, penses-tu que ma carrière est davantage dans le domaine du théâtre ou de la politique ? »

Ne soyez pas dupe

Mais alors, pourquoi les distributeurs ne voudraient-ils pas d’un film sur un candidat en pleine année électorale ? Sans trop de surprises, il existe une multitude de raisons pour le rejet de L’apprenti par les distributeurs et ils n’annoncent rien de valeur.

Premièrement, le film est dans une forme d’impasse. Dan Snyder, un investisseur dans L’apprenti, est absolument furieux contre le film. En effet, selon des sources proches de Variété, en investissant dans le projet via la société Kinematics, le milliardaire, grand partisan et admirateur de Donald Trump, pensait que L’apprenti j’allais peindre un tableau flatteur. Face à l’extrait qu’il a pu découvrir, il aurait déchanté. Depuis, il souhaiterait retravailler le projet pour supprimer certaines scènes du film, dont une spécifique (évoquée plus loin dans cet article). Et comme Snyder a, a priori, son mot à dire dans les négociations commerciales du film, c’est un peu la galère.

“Je ne contracte pas ce film”

Le soutien de Trump dans les pattes pour faire un film sur le gentleman, c’est toute une contrainte. Mais ce n’est pas le plus important. Car oui, Donald Trump envisagerait de porter plainte contre le film d’Abbasi. Selon Variété, les producteurs du film ont reçu une mise en demeure de l’équipe de campagne du candidat à l’élection présidentielle de 2024. Voici ce qu’a dit à propos du film Stephen Cheung, porte-parole de Trump, dans un communiqué :

« Ces conneries sont de la pure fiction qui sensationnalise des mensonges longtemps démystifiés. […] Cefilm » est une pure calomnie malveillante, ne devrait pas voir le jour et ne mérite même pas une place dans la section Direct-to-DVD de la section des bonnes affaires d’un magasin de films discount qui sera bientôt fermé. Sa place est dans une poubelle en feu. »

L'apprenti, Sebastian Stan, Jeremy StrongL'apprenti, Sebastian Stan, Jeremy Strong
Montre-moi où ils sont Cheung

La vie est un Trump long (pas) tranquille

Cette mise en demeure aurait notamment été provoquée par une scène bien particulière au cœur du film : celle où L’ancien président américain viole Ivana Trump, sa première épouse. Une séquence brutale (parmi d’autres brèves séquences sexuelles ponctuant le film où Trump est notamment décrit comme impuissant) qui ne serait donc pas du goût du principal concerné (ni de ses avocats). Globalement, les représentants de Trump affirment que le film ne met pas en valeur la carrière de Trump et ment sur sa personne, son empire, ses méthodes…

Pour espérer régler la situation, Ali Abbasi a proposé de montrer le film à Trump avant de le sortir. Objectif ? Que Trump constate par lui-même que le film est loin de le dévaloriser constamment (c’est même parfois le contraire selon certaines critiques, qui les ont agacés lors de la présentation cannoise) :

« Tout le monde parle de ses poursuites contre beaucoup de gens – mais ils ne parlent pas de son taux de réussite, vous savez ? […] Je ne pense pas nécessairement que ce soit un film qu’il [Trump] ça ne plairait pas. Je ne pense pas nécessairement qu’il aimerait ça. Je pense qu’il serait surpris, tu sais ? Et comme je l’ai déjà dit, je proposerais qu’on aille le rencontrer où il veut et qu’on discute du contexte du film, qu’on assiste à une projection et qu’on en discute après, si quelqu’un dans la communauté est intéressé. L’équipe de campagne de Trump. »

Donald Trump tente de résoudre le problème avec ses associés

En tout cas, cette éventuelle poursuite fait a priori peur à Hollywood. Les studios sont sans doute inquiets de soutenir le film et d’en subir les conséquences si Trump est réélu président (l’élection a lieu dans quatre mois). En privé, l’équipe derrière le film d’Abbasi estime que leur difficulté à conclure un accord de distribution frôle la censure.

En effet, l’éventuel retour de Donald Trump et une éventuelle revanche de sa part effrayeraient une grande partie de l’industrie hollywoodienne. Un distributeur qui a organisé une projection du film a déclaré Variété :

« Seules quelques sociétés peuvent distribuer ce film. Toute entreprise qui affiche une pancarteà vendre » ou qui a l’intention de fusionner [ou] acheter sera réticent à le faire, car il est possible que les régulateurs [de Trump] être punitif s’il est élu. »

Alors, gamin, pour trouver ton chemin, tu vas te faire baiser là-bas

trompette de la mort

Autant de raisons qui expliquent sans doute un peu pourquoi le film est au coeur d’une telle tempête. Cela dit, au-delà de toutes considérations politiques, il est également important de noter que le film n’a pas reçu un accueil extraordinaire de la part de la critique cannoise. Le film affiche en effet une note assez moyenne de 62/100 sur Metacritic, sorte de baromètre critique aux Etats-Unis. Ces retours peu réjouissants auraient aussi pu jouer sur les doutes des différents studios pour le distribuer.

Une chose est sûre, le cas du film d’Ali Abbasi semble conforter l’importance croissante d’une forme de censure culturelle (aux Etats-Unis). Difficile de trouver un ouvrage d’une telle envergure et critique du gouvernement ayant eu tant de mal à trouver un distributeur. Il faudra sans doute revenir à un certain Fahrenheit 9/11 par Michael Moore, Palme d’Or 2004, extrêmement virulent envers Bush et son administration, pour se retrouver dans une situation un peu similaire.

A l’époque, Disney, société mère de Miramax, avait refusé de distribuer le film. Raison officielle : l’image de marque de Disney, craignant de diffuser un film trop politisé. Raison officieuse : la possible crainte du studio de perdre certains financements de l’État (notamment en Floride), alors gouverné par Jeb Bush, frère du président George W. Bush. Finalement, Lionsgate, IFC Films et Fellowship Adventure Group (société créée pour l’occasion par les dirigeants de Miramax) ont formé une joint-venture pour distribuer le projet.

Une alliance qui a permis de sortir le film seulement un mois après son sacre. Vingt ans plus tard, difficile d’imaginer un sort aussi heureux pour L’apprenti compte tenu de la situation beaucoup plus complexe. Reste à espérer que le film aura bel et bien le droit de sortir aux Etats-Unis. En tout cas, Ali Abbasi garde espoir que son film réveille un peu les spectateurs et les cinémas sur Twitter :

Nous avons une nouvelle proposition pour vous. Ce n’est pas une putain de suite ou un putain de remake. Il s’appelle The Apprentice et pour une raison quelconque, certaines personnes influentes dans votre pays ne veulent pas que vous le voyiez !!!

Pas sûr que tout cela apaise les tensions. À suivre…

 
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