Écrit par Frédéric Dotte
Le 5 novembre 2018, l’effondrement de trois immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille avait fait huit morts et des habitants ensevelis sous les décombres. Tandis que le procès qui s’ouvre ce 7 novembre, six ans après, s’apprête à établir les responsabilités. France 3 Provence-Alpes a retrouvé Habib, miraculeusement, il explique pourquoi ce matin-là… il est sorti.
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Huit morts. Terribles résultats du mauvais logement, de la négligence et du sort qui l’a jeté ici, ce jour-là. Le 5 novembre 2018 à 9h03, l’effondrement de l’immeuble situé au 65 rue d’Aubagne engloutit huit de ses habitants. Huit vies détruites en quelques secondes, et en miroir quelques vies miraculeuses que le destin a épargnées.
Pourquoi eux ? La question n’a pas fini de hanter Sophie, ex-locataire du 5e. L’étudiante est partie la veille au soir se réfugier chez ses parents pour échapper au «les murs qui ont bougé« .
J’arrivais à peine à ouvrir ma porte, j’avais peur de me retrouver coincée
Sophie Dorbeaux, rescapée de l’effondrement des immeubles de la rue d’AubagneEntretien avec l’AFP
Au 4ème étage, Pierre et Alexia ont préféré dormir chez un ami de l’autre côté de la rue, sauvés par leur douche qui commençait à fuir. Au même étage, Abdelghani s’est réveillé avec des fissures sur les murs de sa chambre et a quitté l’immeuble à 8h51 pour montrer les photos à son syndic. Quant à Rachid, il a eu la bonne idée de descendre quelques minutes dans ses deux étages pour acheter des cigarettes, fumer l’a sauvé.
En plein centre de la rue d’Aubagne, la vitrine ne paye pas de mine. Des sacs en plastique posés sur une simple étagère, quelques bouteilles de gaz. Deux affiches vous invitent à des animations le week-end en mémoire des victimes des effondrements. On manquerait un peu l’enseigne « Laverie automatique » réalisée avec un graphisme bleu clair et qui se fond dans les tags environnants. C’est là qu’on retrouve Habib, il donne régulièrement un coup de main.
“Vous êtes de la Mairie « L’homme devant la fenêtre ne porte pas les autorités dans son cœur. Le mauvais logement aurait dû lui coûter la vie. Tout le monde le sait dans le quartier : Habib est l’une des rares victimes miraculeuses des effondrements. Ironie de l’histoire, il travaille désormais sur la place du 5 novembre, rebaptisée en souvenir de la catastrophe à laquelle il a échappé.
À l’automne 2018, Habib vivait avec Rachid Rahmounilocataire au deuxième étage du 65 rue d’Aubagne. Par un extraordinaire hasard, il n’a pas dormi dans sa chambre la nuit précédant le drame. “Je suis allé chez mon cousin de l’autre côté de la ville« .
Après avoir déposé sa fille à l’école, dans le bus de 9h30 qui le ramène à Noailles, il retrouve l’ambiance »pas normal« . “Les passagers s’agitaient autour de leur téléphone, je me disais : c’est pour l’OM« . Des résultats de foot ? Alors Habib allume également son smartphone. “Et là jJe trouve des tonnes de messages manqués. Tout le monde voulait savoir si j’étais encore en vie» se souvient-il.
Tout le monde pensait que j’étais mort
Habib, hébergé dans l’immeuble du 65 rue d’Aubagne en 2018France 3 Provence-Alpes
Habib se souvient de quelques flashs de son arrivée dans la rue ce matin-là. L’averse tombait fort. “Des pompiers partout« . Et Rachid, “visage fermé« . “Rachid m’a tout de suite dit que nous étions tous les deux des miracles« . Un peu avant 9 heures du matin, son hôte était descendu prendre un café au bar en contrebas, et il y resta plus longtemps que prévu pour se protéger de la pluie. C’est alors que le bâtiment s’est effondré. effondré.
Il y a un bon Dieu, ce n’était pas notre jour
Habib, rescapé de l’effondrement de la rue d’AubagneFrance 3 Provence-Alpes
Également hébergé, Tahar Hedfi, et le shérif Zemar, 58 et 36 ans, Ils ont passé la nuit chez Rachid. Leur dernière nuit.
À l’hiver 2018, Habib quitte la France pour l’Algérie. » 5 ou 6 mois, pour purifier l’air« . Avant de retourner dans le quartier entre amis : « cCette rue, c’est un peu ma deuxième famille« . Mais Habib ne passe plus par l’emplacement des bâtiments, le terre-plein appelé « la dent creuse ». Cependant, il n’est qu’à quelques dizaines de mètres de là. Mais la charge émotionnelle reste trop lourde. “Je n’en peux plus. La “dent creuse”, j’la contourne par derrière« .
Je fais le tour par derrière, c’est trop dur
Habib, rescapé de l’effondrement de la rue d’Aubagne
Habib est resté dans le quartier, espérant que le drame n’ait pas été vain, dans ce quartier de Noailles, où 48 % des immeubles sont classés « indécents ou dégradés ». Je pensais qu’il y aurait une accélération des travaux, mais depuis six ans, ils le font lentement.» Le constat fait par le survivant est amer.
Dans son ample survêtement blanc, Habib est presque cynique en désignant les travaux de rénovation en cours sur le trottoir d’en face. « Écoutez, les ouvriers sont là en ce moment. Ils reviennent chaque année pendant une semaine à l’approche de l’anniversaire du drame. Pour montrer qu’ils agissent. Puis plus rien pendant un an. C’est désespéré ».
Dans sa laverie, il attend désormais son procès. Et des espoirs de convictions. A commencer par la Mairie, qu’il juge «responsable encore aujourd’hui de ne pas imposer les travaux« .