Il a été choisi par le jury dès le premier tour, récoltant six voix, contre deux pour Hélène Gaudy, une pour Gaël Faye, lauréat du Renaudot, et une pour Sandrine Collette, a annoncé le président de l’Académie Goncourt, l’écrivain Philippe Claudel. Ce lundi, le journaliste Kamel Daoud a reçu le prix Goncourt pour son roman « Houris ».
Exilé à Paris
L’écrivain franco-algérien de 54 ans est un chroniqueur critique de l’Algérie dont la liberté de ton a fini par le contraindre à quitter sa ville d’Oran pour Paris, à contrecœur.
« Houris » (éditions Gallimard), le roman lauréat du Goncourt, ne pouvait pas être exporté en Algérie, encore moins traduit en arabe.
Comme l’écrit l’auteur dans son roman, la loi algérienne interdit toute mention dans un livre des événements sanglants de la « décennie noire », la guerre civile entre le gouvernement et les islamistes entre 1992 et 2002.
En Algérie, « je suis attaqué parce que je ne suis ni communiste, ni décolonial, ni anti-français », a déclaré cet « exilé par la force des choses » au Point, le magazine français où il est chroniqueur.
Il prend la nationalité française. Dire même, en référence au poète Guillaume Apollinaire, né polonais et naturalisé en pleine Première Guerre mondiale : « J’ai le syndrome Apollinaire, je suis plus Français que Français ».
Il ne peut se débarrasser, auprès d’une grande partie de l’opinion et de l’intelligentsia algériennes, de l’étiquette de traître à son pays.
De nombreux Algériens, au contraire, admirent ses écrits, sa connaissance de l’histoire du pays et son entêtement à poser des questions qui fâchent.
« Un autre chemin de mémoire »
« L’Académie Goncourt couronne un livre où le lyrisme rivalise avec la tragédie, et qui donne voix aux souffrances liées à une période noire de l’Algérie, celle des femmes en particulier. Ce roman montre comment la littérature, dans sa grande liberté d’auscultation du réel, sa densité émotionnelle, trace à côté de l’histoire historique d’un peuple, un autre chemin de la mémoire », a salué Philippe Claudel.
En apprenant son prix, le Franco-Algérien Kamel Daoud a rendu hommage à la France, “un pays qui protège les écrivains” et “leur donne la liberté d’écrire”. “Je sais qu’on aime faire du “French bashing” mais pour moi, ce pays est un pays d’accueil pour les écrivains, pour l’écriture et tout ce qui vient d’ailleurs”, a-t-il déclaré. -a-t-il déclaré depuis le salon Goncourt à Paris. « On a toujours besoin de trois choses pour écrire : une table, une chaise et un pays. J’ai les trois”, a-t-il ajouté.
“Houris”, qui dans la foi musulmane désigne les jeunes filles promises au paradis, est un roman sombre sur le sort de l’Aube, une jeune femme muette depuis qu’un islamiste lui a tranché la gorge le 31 décembre 1999.
Choisissant une femme comme narrateur, Kamel Daoud situe l’intrigue d’abord à Oran, la ville où il fut journaliste pendant la « décennie noire », puis dans le désert algérien, d’où l’Aube part pour retourner dans son village.
Il s’agit du troisième roman de cet auteur, le premier publié chez Gallimard. Il avait déjà remporté le prix des lecteurs Landerneau en octobre.
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