« Pour réduire les émissions, nous devons réduire le trafic »

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Aéroport de Nice Côte d’Azur, le 18 août 2023. FRANCOIS GLOIRES/SIPA

Entretien L’afflux record de voyageurs annoncé ce lundi par les compagnies aériennes interpelle Nicolas Raffin, porte-parole de l’organisme Transport & Environnement. Il souligne que pour se décarboner, le secteur aérien ne peut pas se contenter de développer des avions dits « verts » mais devra réduire le nombre de vols.

Commentaires recueillis par Maxime Dhuin

Publié le 3 juin 2024 à 17h35

Temps de lecture : 2 min.

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Près de cinq milliards de passagers et un chiffre d’affaires proche de 1 000 milliards de dollars. Le transport aérien devrait battre des records en 2024, s’est félicitée l’Association internationale du transport aérien (Iata) lors de son assemblée générale à Dubaï ce lundi 3 juin.

L’organisation qui regroupe 320 compagnies aériennes promet également un « zéro émission nette » de CO2 pour le secteur aérien d’ici 2050, en s’appuyant sur les nouvelles technologies, notamment les carburants d’origine non fossile.

Pour Nicolas Raffin, porte-parole de l’organisation Transport & Environnement, ces solutions sont pertinentes et nécessaires, mais elles ne suffiront pas à réduire l’empreinte carbone des compagnies aériennes qui doivent se résoudre à réduire leur nombre de vols.

Cette augmentation record du trafic aérien est-elle une surprise ?

Nicolas Raffin Pas vraiment, c’est un phénomène que l’on observe depuis la fin des restrictions Covid avec une forte reprise du trafic aérien au niveau mondial et européen. Les chiffres annoncés par l’Iata ne sortent pas de nulle part, ils s’inscrivent dans une tendance.

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De notre point de vue, un nombre record de passagers en 2024 serait symptomatique de la mauvaise direction prise par le transport aérien, qui devrait viser à réduire les émissions de CO.2.

Cette réduction des émissions ne peut se faire sans réduire les vols ?

Les moteurs d’avions ont fait d’énormes progrès en matière de consommation de carburant depuis trente ou quarante ans et des carburants moins polluants sont en développement, mais ces évolutions seront annulées par le nombre d’avions en circulation. Plus vous volez, plus vous émettez.

Une partie de l’augmentation du nombre de passagers pourrait et devrait être évitée. L’idée n’est pas de culpabiliser ou de pénaliser les personnes qui partent en vacances une fois par an, mais plutôt des déplacements professionnels qui pourraient être réduits très rapidement en organisant certaines conférences ou visioconférences.

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Certaines entreprises tardent à mettre en place ces outils, d’autres sont déjà très engagées et imposent par exemple à leurs salariés de prendre le train pour les déplacements intranationaux.

Quelles mesures mettre en place pour réduire le trafic aérien ?

Il faut se poser la question du prix des billets d’avion qui reste, pour certaines destinations, bien plus compétitif que le train. Mais derrière ces prix bas, se cache un coût social et environnemental très élevé. Le fait qu’un des modes de transport les plus polluants soit si peu coûteux nous semble anormal.

La première étape vers la taxation de cette pollution atmosphérique est la fin des quotas dits « gratuits ». À partir de 2026, les émissions du secteur aérien commenceront à être payées selon le principe du « pollueur-payeur ». Mais l’Union européenne (UE) doit aller plus loin puisque ces taxes ne concernent que les vols intra-européens et donc pas les vols long-courriers qui partent ou atterrissent en Europe.

Il faut aussi créer une taxe sur le kérosène, comme il existe une taxe sur l’essence. L’idée est que ces hausses de prix touchent principalement les billets les plus chers, généralement choisis par ceux qui voyagent plusieurs fois par mois.

L’objectif du « plan vert » est-il illusoire ?

Je n’utilise pas ce terme car aucun transport n’est « vert » en soi, il génère toujours des émissions. Il semble pourtant essentiel de développer des carburants aussi proches que possible de zéro émission. Je pense notamment aux carburants de synthèse [créés à partir d’eau et d’air, NDLR].

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Les États et l’UE doivent pousser au développement de ces « e-carburants » afin que l’Europe ne soit pas à la traîne, voire devance ce marché. Il faut éviter la situation dans laquelle nous nous trouvons pour les voitures électriques, avec des constructeurs européens qui ont investi trop tard et qui font face à une forte concurrence des Chinois.

Mais ces e-carburants ne dispenseront pas les entreprises de réduire leur trafic puisque leur fabrication nécessite une quantité d’électricité très importante. Selon nos études, si la France voulait propulser tous ces bateaux et avions avec des carburants de synthèse, il lui faudrait construire dix ou douze réacteurs nucléaires ou doubler le parc éolien. C’est irréaliste, surtout quand on sait que d’autres secteurs compteront sur l’électrification pour se décarboner.

Pour réduire les émissions, la technologie ne suffira pas. Nous devons également réduire le trafic aérien et c’est malheureusement la grande inconscience des entreprises et des organisations comme l’Iata.

Commentaires recueillis par Maxime Dhuin

 
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