Divergences au sein de la majorité au conseil municipal, entretien avec Dominique Voynet qui s’en prend au PS, tensions au niveau national entre différents membres du NFP… Drôle de moment pour annoncer sa candidature, non ?
J’ai tendance à penser que le public s’interroge sur beaucoup de choses mais pas sur le début politique. Ils sont un peu obligés avec les oppositions qui en parlent constamment. Je ne me suis pas inscrit, mais maintenant c’est fait et je le confirme.
Cette annonce est-elle une manière de couper l’herbe sous le pied d’un autre candidat potentiel qui voudrait incarner la gauche à Besançon ?
Ce n’est pas si sec que ça, il fallait répondre clairement aux demandes. En 2018, j’avais annoncé très tôt que notre projet s’inscrivait dans une démarche écologique à long terme. Selon nous, la crise climatique est étroitement liée à la crise sociale et à la crise économique. Il y a des changements à opérer, notre modèle de société s’essouffle. Il est urgent de le changer. A Besançon, notre force est de le faire avec des actions concrètes, des perspectives et des solutions pour l’avenir. Le pire serait de présenter des politiques à des habitants qui pensent qu’elles sont crédibles en assurant que la ville est en mauvaise posture, que rien n’avance. Il faut encore y travailler pour y répondre et cela nécessite une vraie pause. Je suis cette logique et je le ferai toujours.
Cela veut-il dire qu’une partie du PS, selon vous, a abandonné cette idée ?
Il est difficile de parler au nom d’un parti politique mais on voit bien que le PS connaît de profondes remises en question sur son modèle, à l’image de la société. On attend aussi leur congrès pour voir leur ligne politique, au niveau national. En face de moi, j’ai différents représentants. Dans mon équipe j’ai des socialistes qui ne sont pas tous sur le même modèle, comme le nôtre.
On parle beaucoup de tensions avec Nicolas Bodin mais vous avez aussi un 1est député (Abdel Ghezali) et élus PS à d’autres postes clés…
Abdel Ghezali est un homme politique loyal et travaille de manière constructive. Ces deux caractéristiques sont essentielles. Parfois on n’est pas d’accord, on peut même discuter ! Mais son objectif, comme le mien, est de toujours rester dans l’intérêt général. Je n’ai jamais dit que nous aurions une équipe qui penserait de la même manière, une société est composée de nombreuses façons de penser et de chemins de vie différents. Voyons sur quoi nous pouvons converger et comment y parvenir avec un programme commun. Les crises et les guerres successives ont poussé notre majorité à réajuster constamment le programme. Cependant, les grandes lignes restent de gauche : la dimension sociale, l’éducation, l’aménagement de l’espace public d’avenir, une culture plus ouverte aux quartiers prioritaires, des écoles mieux accompagnées.
Et l’économie avec des zones d’activités économiques par exemple ?
J’ai toujours dit à Nicolas Bodin qu’il fallait partager l’idée qu’à un moment donné, on n’aurait plus de terrain disponible et qu’il fallait se préparer à une manière de dire non et sur quel(s) critère(s). Il ne faut pas attendre pour reporter le sujet dans 5 ans ou 10 ans, c’est aujourd’hui. Je voulais anticiper une situation inévitable et nous n’étions pas d’accord là-dessus. Aujourd’hui, l’arrivée future du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) permet d’établir une planification discutée collectivement et non plus seulement à travers la pensée des uns ou des autres.
Un premier mandat pour construire cette idée, un second pour consolider les bases, donc. Que faire quand on est totalement ou presque dépendant de l’argent que l’Etat veut redistribuer à la collectivité ?
Nous sommes déjà en train de recalculer la planification de nos investissements par rapport aux économies annoncées. Derrière, on aura aussi des questions sur le fonctionnement de la Ville. Revoir la priorité des projets ne signifie pas en abandonner d’autres, ils seront simplement lissés au fil du temps.
Cela veut dire qu’en cas de réélection, la transformation de la Ville de Besançon s’intensifierait ?
Par exemple, lorsque nous avons décidé de consacrer 10 millions d’euros par an à la transformation des écoles, l’évolution des coûts liés à l’inflation et au prix des matériaux ont poussé notre équipe à adoucir cette transformation, cela ne veut pas dire que nous abandonnons un élément essentiel. idée. Dans nos orientations futures, il faut continuer à transformer l’espace public, planter des arbres, envisager une culture plus ouverte dans les quartiers prioritaires, aménager les pistes cyclables… Nous sommes toujours dans une démarche participative avec la population, de ce point de vue-là, c’est beaucoup plus démocratique et rien n’empêche cette orientation. Cependant, le budget potentiellement restreint limite inévitablement sa portée. Les pistes cyclables sont demandées dans toutes les villes, par des milliers d’habitants. Partager l’espace public entre toutes les mobilités est une décision que certains ont du mal à comprendre.
A l’inverse, dans le quartier de Battant par exemple, beaucoup auraient souhaité une amélioration plus rapide et plus forte de la sécurité ?
Nous avons tenu des réunions, parlé avec les personnes concernées. Protéger le public de la circulation automobile répondait à la demande de la population. Les résidents de Battant sont très heureux des changements. Les entreprises aussi, même si toutes ne parlent pas à la presse. Le travail se poursuit avec les autres couches de l’État pour assurer la qualité de vie. La fermeture des épiceries le soir après 22 heures a été saluée. C’est un travail de fond, on ne se présente pas avec la police pour faire le ménage et dire « c’est réglé ». Il n’y aura pas de caméra supplémentaire à Battant. Nous prenons un problème de manière systémique pour le changer. Cela nécessite d’agir sur tous les leviers avec les parties prenantes concernées.
Cela nécessite également un soutien humain et financier de l’État…
Avec M. le Préfet, on se rend compte que l’action de l’État n’est pas proportionnelle aux besoins de Besançon. Par exemple, lorsque des ministres visitent le CCUB (vendredi 25 octobre, ndlr), ils trouvent cet exemple génial, je m’en réjouis, car il s’appuie sur le travail d’associations comme l’ASEP. Si nous ne pouvons plus soutenir cette association alors qu’elle est en difficulté, elle disparaîtra. Sur ce sujet au passage, l’absence d’un ministre dédié aux quartiers prioritaires est déjà un mauvais signal. Cela dit, nous avons désormais la chance d’avoir un Préfet soucieux de notre territoire et de ses enjeux.
Vous avez réduit les leviers fiscaux mais qui n’ont pas encore été augmentés. Est-ce que cela restera ainsi pour le prochain mandat ?
Je ne peux pas savoir, si on me demande des économies qui mettent en péril nos services, il faudra chercher. Il y a des élus nationaux qui sont provocateurs en vendant leur patrimoine mais d’autres disent clairement qu’avec les économies annoncées, leur collectivité n’agira que sur les compétences dont elle a la charge. Nous sommes contre cette idée, mais à Besançon cette façon de penser pourrait toucher le périscolaire. La Ville n’a aucune obligation particulière d’offrir ce service. Or, nous savons que les familles ont besoin de ce temps, il est essentiel. C’est une trajectoire sociétale et si demain nous devons recentrer les investissements sur nos compétences, cela pourrait conduire à ce genre de raisonnement simpliste. Cela peut arriver avec les conditions de ce gouvernement.
Tous vos adversaires à la course aux municipales 2026 ont commenté votre annonce de candidature, comment voyez-vous cela ?
Peut-être voient-ils que leur maire est déterminée et sait où elle va avec son équipe compétente. Avoir des avis différents au sein d’une même équipe est une bonne chose, heureusement, sinon ce serait une dictature. Ce qui reste important, c’est la loyauté et la ligne que nous voulons défendre. Si notre équipe s’effondre, ce sera dramatique.
Quelle place allez-vous accorder à la France Insoumise et comment ces deux camps sont-ils passés en six ans d’une absence d’accord à une volonté de travailler ensemble ?
Beaucoup de choses, un intérêt commun de rupture autour d’une société qui a besoin de se régénérer car elle n’est plus en mesure de répondre aux besoins des habitants. Mais cette envie est aussi partagée par d’autres personnes de gauche qui ne sont pas LFI ! Nous voulons une société unie. Entre un social-démocrate et un LFI, il existe une palette de solutions, ce qui est une opportunité que les écologistes peuvent soutenir. La ville est un lieu d’innovation sociale, foncez ! Cela se traduira dans notre futur programme.
Vous répétez que vous êtes un candidat différent, qui n’a pas eu de formation politique. N’avez-vous pas l’impression d’être piégé par un monde que vous ne pouvez pas contrôler ?
Pris au piège, je ne sais pas, mais je refuse d’attaquer l’opposition comme elle le fait. Je n’ai pas décidé d’être un politicien comme eux. Je ne voulais pas faire partie de ce genre de conformisme politique qui doit sans cesse s’en prendre aux autres, au-delà des idées. Dans la crise politique que nous traversons, les habitants peuvent avoir l’impression qu’afficher une certaine forme de virilité est un signe de force, mais ce n’est absolument pas le cas pour moi. Je suis une femme déterminée, je le resterai et je suis sûre que cela est plus utile que de crier fort et d’attaquer sans cesse. Il nous faut néanmoins mieux faire connaître nos actions aux habitants et surtout les compétences que nous gérons. La société, alimentée par la surconsommation, s’est convaincue que les communautés devraient disposer de davantage de services avec de moins en moins d’impôts. Une ville c’est comme une maison, quand il n’y a plus d’argent, on se recentre sur l’essentiel. Si des choix doivent être faits, ils devront être partagés.
Avez-vous l’ambition d’être plus qu’un maire ?
Je n’avais jamais pensé à être maire, c’est déjà bien ! J’ai toujours pensé qu’un député était un homme qui travaillait la loi, les règles, de manière profonde et minutieuse. Depuis le début de mon mandat, je me suis rendu compte que cela pouvait être une position assez simpliste. Vous rencontrez quelqu’un qui a un problème, vous écrivez une lettre à la mairie, et vous ne manquez pas de le dire après pour montrer que vous agissez. Je n’aurais jamais imaginé qu’il serait si facile d’être député ! Alors ça me rassure de voir Dominique Voynet, car je sais qu’elle va faire le contraire et se plonger pleinement dans ses dossiers, son parcours parle pour elle. Avec Dominique, j’ai enfin un vrai contact, comme j’ai un vrai préfet aujourd’hui. J’ai besoin de gens qui travaillent, pas de ceux qui écrivent des lettres, pour savoir s’il faut boucher les trous dans les trottoirs. Quand je demande des solutions à M. Fgaut ou à M. Croizier, j’ai peu ou pas de réponses concrètes. Aujourd’hui, je veux agir pour ma ville et personnellement, depuis que je suis devenue grand-mère, c’est un peu basique, mais je ne peux pas rester sans rien faire pour offrir à mon petit-fils un avenir de qualité de vie sur une planète saine.
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