Barthélémy Philippe. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation catastrophique : l’explosion du marché des jeux illégaux en ligne, principalement des casinos. En quelques années, on est passé d’un million de joueurs à plus de quatre millions qui fréquentent ces sites illégaux. La plupart du temps, sans même le savoir, ils sont en danger. Ces sites, souvent basés dans des paradis fiscaux, ne prévoient aucune mesure de protection, que ce soit par rapport aux risques d’addiction ou à l’âge des joueurs, qui ne sont pas tous majeurs. En jouant sur ces sites, ils s’exposent au vol de données, aux arnaques, etc.
Les opérateurs illégaux piétinent l’autorité des pouvoirs publics puisqu’ils ne respectent aucune loi, ne paient aucun impôt et alimentent potentiellement les réseaux criminels internationaux. Pour ces raisons, il est urgent d’agir. Le statu quo est devenu impossible et indéfendable.
Les exploitants de casinos physiques estiment que la légalisation entraînerait la fermeture d’un établissement sur trois, et la perte de 15 000 emplois. Que leur répondez-vous ?
Je ne sais pas d’où viennent ces chiffres, ils ne me semblent pas solides. Tout simplement parce que le marché des casinos en ligne existe déjà sous une forme illégale et est mature en termes de taille. Donc s’il devait y avoir un impact sur les casinos physiques, cela se serait déjà produit. Et cela ne semble pas être le cas. L’autre point est que tous les autres pays européens [à l’exception de Chypre, NDLR] ont déjà légalisé le casino en ligne et que l’offre numérique régulée cohabite parfaitement avec le marché « terrestre ». La clientèle n’est pas la même, comme le montrent de nombreuses études.
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En cas de légalisation, comment faire revenir les quatre millions de personnes jouant au casino sur des sites illégaux ?
Nous devons créer, dans le futur cadre réglementé, une offre complète et qualitative qui vous permettra de jouer sur des sites agréés en toute confiance. Cela a très bien fonctionné en 2010 avec la légalisation des paris sportifs et du poker en ligne en France, qui a permis d’assécher l’offre illégale. Le même phénomène a été observé dans les pays européens qui ont légalisé les casinos en ligne avec une offre de qualité. Les joueurs se tournent naturellement vers des sites légaux de confiance plutôt que vers des sites qu’ils ne connaissent pas.
Les opérateurs illégaux piétinent l’autorité des pouvoirs publics
L’Addiction Federation s’oppose à cette légalisation, mettant en garde contre le caractère addictif des casinos en ligne. Qu’en penses-tu?
Il faut être extrêmement vigilant en matière de dépendance. C’est précisément pourquoi il est urgent de remettre ce marché existant dans un cadre réglementé. Une nouvelle fois, ce sont quatre millions de Français qui jouent sans protection sur des sites illégaux basés à l’étranger. Cela ne peut pas satisfaire la Fédération Addiction. Je rappelle que les opérateurs de jeux légaux en France sont soumis à un cadre réglementaire très strict en matière de protection des joueurs, notamment en demandant un justificatif d’identité, et donc d’âge, un justificatif de domicile, un Iban, ou encore le établissement de limites de jeu. Ils sont également soumis à des obligations de détection et d’accompagnement des profils potentiellement à risque, de nombreuses garanties n’existant pas sur les sites illégaux.
En cette période d’examen du projet de loi de finances, la légalisation envisagée par Bercy a une vocation budgétaire. Quels revenus la taxation des casinos en ligne pourrait-elle rapporter ?
Les dépenses des joueurs sur les sites illégaux représentent près de deux milliards d’euros par an. Dans l’amendement du gouvernement, le taux d’imposition était de 55,6%, auquel il faut ajouter la TVA. L’impact de la légalisation pourrait donc rapporter plus d’un milliard d’euros de recettes annuelles à l’État. J’ajoute à cela que l’absence de régulation a un coût sanitaire et social caché absolument colossal pour la Sécurité Sociale. Là encore, une légalisation limiterait les dépenses grâce au cadre réglementaire français de protection des joueurs. C’est pourquoi il est urgent d’agir.
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