« Marianne » retrace les échanges entre Abdoullakh Anzorov, le futur assassin de Samuel Paty, et un mystérieux influenceur jihadiste, qui sera jugé en novembre pour complicité d’assassinat lié à une entreprise terroriste. Comment les services de renseignement ont-ils pu passer à côté de cette figure de l’écosystème jihadiste français, pourtant déjà sur leur radar une semaine avant le drame ?
Vendredi 9 octobre 2020, 12h14 Le silence tranquille d’une mairie règne à Conflans-Sainte-Honorine. Dans son bureau, Mickaël Littière, premier adjoint au maire chargé de la sécurité, regarde son écran d’ordinateur. Il vient de cliquer sur « envoyer ». Un clic parmi des milliards, mais dont le poids aurait pu être immense. Parmi les éléments qu’il vient de transmettre au maire ? Deux liens URL ; les fragments d’une tragédie en devenir. Un lien YouTube, d’abord. Celle de la fameuse vidéo qui lui a été envoyée depuis le collège du Bois-d’Aulne, et qui commence à bruisser dans tout Conflans. Publié la veille, un certain Brahim Chnina accuse Samuel Paty, le professeur d’histoire de sa fille, d’être un ” voyou » : « Ma fille a été choquée par le comportement de son professeur « . Sa fille, en réalité, ment : elle n’a jamais assisté au cours où Samuel Paty présentait des caricatures de Charlie Hebdo – un parcours qui d’ailleurs s’est bien passé. Mais le fatwa le numérique est lancé.
Le 9 octobre, le compte à rebours est lancé
Pour notre assistant de sécurité, disposer de ce lien n’est pourtant pas un coup d’éclat : le vendredi 9 octobre, tout le collège du Bois-d’Aulne ne parle que du cours de M. Paty. À 7h03 ce matin-là, le proviseur informe Samuel de l’existence de la vidéo. Pourtant, c’est le deuxième lien, que Mickaël Littière a déniché en fouillant les réseaux sociaux tel un web détective amateur, qui aurait pu changer la donne. Il s’agit d’un tweet – désormais supprimé – directement lié à l’affaire du Bois-d’Aulne. Celle d’un certain « Cicat’s », qui relaie la vidéo de Brahim Chnina et, à sa manière, semble vouloir transformer l’étincelle en incendie. Sans perdre de temps, Laurent Brosse, maire de Conflans, transmet les informations reçues de son adjoint à la « RT » – Renseignement territorial, ces « yeux et oreilles » de l’État, chargés de garantir la sécurité des personnes et des biens, et déclenche la intervention des forces de l’ordre si nécessaire. Ici, nous parlons de la « DDSP 78 SDRT », l’unité départementale des Yvelines. Preuve que l’information a suivi son cours ? Ce 9 octobre, à 15h16, un mail de Denis F., commandant du SDRT 78, reprend les éléments rapportés par la mairie. Il les transmet à Sandra J., conseillère technique en sécurité au rectorat des Yvelines, précisant qu’il « je rappellerai dès que possible ».