Quel impact les nouvelles lois israéliennes ont-elles sur les activités de l’UNRWA ?

La Knesset a adopté lundi une loi visant à réglementer strictement les opérations de l’agence humanitaire palestinienne controversée UNRWA en Israël, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Mais ces nouvelles dispositions restent générales, et un peu vagues, avec des conséquences juridiques sur les activités de l’agence qui ne sont pas tout à fait claires.

Elles pourraient également avoir un autre type de conséquences, liées au respect par Israël de ses obligations au titre du droit international et à son engagement auprès des États-Unis à garantir que les civils palestiniens de Gaza ne meurent pas de faim.

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La Knesset a adopté ces lois sur la base d’allégations israéliennes selon lesquelles l’UNRWA aurait été infiltré par le Hamas, certains de ses employés ayant apparemment participé directement aux atrocités du 7 octobre ou aidé à les rendre possibles, sans parler des accusations selon lesquelles un grand nombre de ses employés à Gaza en seraient membres. d’organisations terroristes ou que l’agence a permis au Hamas de détourner l’aide humanitaire au profit de ses hommes armés et a utilisé l’organisation comme couverture pour ses activités terroristes.

L’UNRWA a elle-même reconnu en août que neuf de ses employés « pouvaient avoir été impliqués » dans les attentats du 7 octobre, avant de les licencier. Elle a également confirmé la semaine dernière que Muhammad Abu Attawi, commandant de la force Hamas Nukhba tuée par l’armée israélienne à Gaza, présenté comme ayant lui-même assassiné des civils lors de l’attaque d’un refuge anti près de Reim le 7 octobre, était l’un de ses employés.

L’UNRWA nie catégoriquement qu’un grand nombre de ses employés soient membres d’organisations terroristes.

Dispositions législatives

La loi, approuvée à la Knesset à une très large majorité, a été adoptée en deux parties.

Des Palestiniens collectent de l’aide humanitaire dans un centre de distribution des Nations Unies (UNRWA) dans le camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 31 juillet 2014 (Crédit photo : Abed Rahim Khatib/Flash90)

La première partie interdit à l’UNRWA d’intervenir sur le territoire israélien souverain, qui, selon la loi israélienne, comprend Jérusalem-Est et a un impact sur les activités de l’UNRWA dans le camp de réfugiés de Shuafat à Jérusalem-Est, pour lequel l’agence collecte les déchets, est responsable de l’assainissement, gère trois écoles ainsi que un établissement de santé et fournit des services sociaux.

Tout cela prendra en effet fin lorsque la loi entrera en vigueur, soit dans trois mois. La loi ne dit pas qui paiera pour ces services.

Les bureaux de l’UNRWA dans le quartier Maalot Dafna de Jérusalem étaient déjà en cours de fermeture forcée avant même que la loi ne soit adoptée.

La deuxième partie de la loi est celle qui introduit la plus grande insécurité juridique concernant les activités de l’UNRWA.

Sa première disposition, entrée en vigueur immédiatement, a eu pour effet d’annuler l’échange de lettres de 1967 entre Israël et l’UNRWA aux termes duquel Israël avait donné à l’agence l’autorisation d’intervenir à Gaza et en Cisjordanie, territoires repris à l’Égypte et à la Jordanie lors des Six Nations. Guerre du Jour.

La deuxième clause interdit à tout organisme public israélien d’avoir des contacts avec l’UNRWA ou le personnel de l’organisation.

Dans la lettre d’Israël à l’UNRWA [en 1967]Jérusalem s’est engagée à « permettre la libre circulation des véhicules de l’UNRWA à l’intérieur et à l’extérieur d’Israël et des zones en question », à garantir la protection du personnel, des installations et des biens de l’UNRWA, à leur fournir les papiers nécessaires à leurs activités et à leur permettre de voyager à l’intérieur de ces territoires. .

Un camion-citerne de l’UNRWA, l’agence responsable des réfugiés palestiniens auprès des Nations Unies, arrive du côté égyptien du poste frontière de Rafah, avec la bande de Gaza, le 22 novembre 2023. (Crédit : Khaled Desouki/AFP)

L’annulation de ces arrangements aura de graves conséquences sur les activités de l’UNRWA en Cisjordanie et peut-être, bien que dans une moindre mesure, à Gaza.

La différence entre les deux territoires réside dans le fait qu’Israël prétend ne pas occuper Gaza. C’était le cas avant le 7 octobre et les autorités israéliennes tiennent toujours cette position devant la Cour suprême.

En Cisjordanie, Israël reconnaît que son contrôle du territoire est ce que l’on appelle légalement une occupation belligérante dans le cadre de laquelle le commandant militaire – dans ce cas, le chef du commandement central de Tsahal – est le dirigeant. En fait chargé des affaires civiles.

Même si le nouveau corpus juridique n’interdit pas explicitement à l’UNRWA d’intervenir à Gaza et en Cisjordanie, il le prive néanmoins de l’engagement d’Israël à faciliter son travail.

De plus, il fait du personnel juridique local de l’organisation palestinienne un homme comme les autres. [NDLT : sans statut spécial]ce qui ne manquera pas de les handicaper dans leur travail quotidien. Son personnel chargé du droit international pourrait avoir des difficultés à obtenir les visas et autres documents requis pour travailler sur place.

Par ailleurs, la question de l’aide humanitaire à Gaza sera grandement compliquée par ces nouvelles dispositions.

Les autorités israéliennes, à commencer par l’armée israélienne et l’unité de Coordonnateur des affaires civiles dans les territoires (COGAT) du ministère de la Défense, chargée entre autres de coordonner l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, se verront interdire tout contact. avec des responsables de l’UNRWA.

Un médecin palestinien administre des vaccins contre la polio à des enfants dans la clinique du quartier d’al-Daraj, à Gaza, le 10 septembre 2024. (Omar AL-QATTAA / AFP)

Cependant, l’UNRWA est l’une des agences les plus importantes en termes de distribution d’aide humanitaire à la population de Gaza pendant ce conflit : c’est elle qui prend en charge l’aide depuis les points de passage frontaliers de Gaza. Gaza et organise leur distribution à la population palestinienne à l’intérieur du territoire.

Avec ces nouvelles dispositions, il sera impossible pour l’UNRWA et le COGAT de se coordonner en vue de collecter l’aide aux points de passage et il en sera de même pour la coordination entre l’UNRWA et Tsahal concernant l’acheminement de l’aide à l’intérieur de Gaza.

Si l’UNRWA n’est pas en mesure de coordonner ses mouvements, son personnel risque d’être pris pour cible par Tsahal lors de ses déplacements à Gaza, ce qui rendra ces activités bien trop dangereuses.

Sur le plan technique, l’UNRWA et notamment son personnel local pourraient en théorie assurer les autres services que l’agence assure habituellement à Gaza, comme les soins de santé ou l’éducation, dans la mesure où Israël ne les fournit pas. n’était pas interdit.

Comme en Cisjordanie, il semble que les ressortissants étrangers travaillant pour l’UNRWA ne pourront pas obtenir leurs visas ou autres documents requis pour entrer à Gaza.

À tout le moins, il serait possible pour l’UNRWA d’amener à la fois de l’aide humanitaire et du personnel étranger à Gaza si le poste frontière de Rafah entre l’Égypte et Gaza était ouvert. Mais l’Egypte l’a fermé après qu’Israël a pris le contrôle de Rafah lors d’une opération qui a débuté en mai dernier.

Obligations juridiques internationales

Les conséquences juridiques de ces nouvelles mesures israéliennes contre l’UNRWA ne se limiteront peut-être pas aux activités de l’agence, mais pourraient bien affecter sa responsabilité en vertu du droit international de garantir que les Palestiniens de Gaza ne meurent pas de faim.

La Quatrième Convention de Genève – dont Israël est signataire – et ses protocoles additionnels – qu’Israël n’a pas signés – sont interprétés comme exigeant que l’aide humanitaire soit fournie aux populations civiles en temps de guerre, avec toutefois des exceptions.

Des Palestiniens déplacés attendent une distribution de nourriture dans un point de distribution installé par des jeunes hommes de la famille Madhoun, à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, le 18 juillet 2024. (Omar Al-Qattaa/ AFP)

En outre, le droit international interdit l’utilisation de la famine comme arme de guerre et la Convention sur le génocide, qu’Israël a également signée, interdit à un pays de créer délibérément des conditions propices à l’anéantissement d’un groupe de personnes.

Selon le professeur Yuval Shany, de la Faculté de droit de l’Université hébraïque, l’UNRWA continuera néanmoins à apporter une aide humanitaire à la population civile de Gaza, confrontée à de graves privations et difficultés depuis le début du conflit.

« Si vous avez l’obligation de répondre aux besoins de la population locale mais que vous refusez à l’organisation chargée de le faire la capacité de le faire, alors vous vous préparez à ne plus remplir vos obligations », explique Shany.

Il ajoute que le gouvernement n’a pas proposé d’alternative à l’UNRWA – une organisation dont il dit ne pas être un « fan » – et que le délai fixé par la loi – 90 jours – alors que les combats font toujours rage, « n’a pas semble très réaliste.

Les remarques de Shany ont été reprises par de hauts responsables de l’ONU, à commencer par le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le secrétaire général de l’ONU et le chef de l’UNRWA.

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a qualifié l’UNRWA de « bouée de sauvetage indispensable pour le peuple palestinien » et a déclaré que la nouvelle loi « interdisant à l’UNRWA de sauver des vies et de protéger la santé » [des populations] » aurait des « conséquences dévastatrices ».

Il a ajouté : « Cela contrevient aux obligations et responsabilités d’Israël et menace la vie et la santé de tous ceux qui dépendent de l’UNRWA. »

L’organisation Adalah, qui fournit une aide juridique aux Arabes en Israël et aux Palestiniens sous contrôle israélien, parle de la culpabilité d’Israël en cas de conséquences humanitaires catastrophiques pour les civils palestiniens à Gaza.

Cette loi, explique Adalah dans un communiqué de presse, « viole plusieurs obligations internationales d’Israël, notamment celles découlant de la Convention sur le génocide et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale », une allusion à la responsabilité pénale.

 
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