Critique de « Vivre dans le feu », dernier livre d’Antoine Volodine

Critique de « Vivre dans le feu », dernier livre d’Antoine Volodine
Critique de « Vivre dans le feu », dernier livre d’Antoine Volodine

Dans un no man’s land aux frontières floues rappelant l’Asie centrale, quelques secondes avant d’être brûlé par les flammes d’un nuage de napalm, un soldat raconte son histoire tout en restant dans « le néant paradoxal du feu ».

Victime, estime-t-il, d’une coalition « de nations meurtrières et meurtrières et partisans de l’épuration ethnique sans frontières », ce narrateur singulier revit des épisodes de son enfance et passe en revue les membres de sa famille. Comme une façon de voyager une dernière fois. Le projet ardent de Sam, le narrateur instantané : « Dites tout, tout inventez, pas de panique face à l’indicible. »

Il a tantôt trente-trois ans, tantôt huit ans, il est à la fois ici et là-bas. Heureusement pour nous, « le décompte des secondes et des minutes n’a aucun rapport lorsque l’on compare le temps passé hors du feu et à l’intérieur du feu ».

Comme son grand-père avant lui, son destin était de « vivre dans le feu », lui disait-on souvent. Il a reçu une formation spéciale pour cela. Vivre dans le feu ? C’est à la fois, comprenons-nous, une métaphore et un état brûlant. «Ça s’installe ailleurs. Cela signifie abandonner tout ce que l’on sait et accepter autre chose. »

De son histoire émergent des figures féminines uniques de son propre clan – les hommes sont souvent en guerre, morts ou en prison – qui jouent pour Sam le rôle d’initiatrices, dans la sexualité ou dans la maîtrise du feu. Des femmes qui ont fui un environnement familial et patriarcal étouffant. Comme sa tante Masheed, qui cherche à l’entraîner dans le « grand banditisme », ou comme tante Yoanna et sa collection d’homoncules, répliques d’hommes en chair et en os mesurant une dizaine de centimètres qu’elle conserve dans des vivariums.

Vivre dans le feu, le vingt-deuxième et dernier livre signé du nom d’Antoine Volodine, clôt le long chapitre d’une œuvre aussi originale que monumentale. Volodine est le pseudonyme principal de Jean Desvignes, écrivain français né en 1950 qui a également signé plusieurs livres sous les noms de Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Elli Kronauer.

Sous ce nom, on lui doit notamment Le port intérieur (Minuit, 1996), Anges mineurs (Seuil, 1999, prix Wepler) et Terminus Radiant (Seuil, 2014, prix Médicis). Quelques jalons dans une œuvre d’invention traversée par des organisations secrètes, des évasions incertaines, des personnages énigmatiques, des fantômes vivants.

Des histoires où les personnages évoluent souvent dans un décor de steppes et de forêts vierges, à travers les ruines d’empires effondrés, portés par l’errance et l’espoir d’un horizon lointain, la mémoire du « monde tel qu’il était ». « c’était avant l’incendie final et la destruction de presque tout et presque tout le monde ».

Un univers unique et coloré, sans égal, qu’Antoine Volodine lui-même qualifiait de « post-exotisme », mêlant science-fiction, chamanisme, folklore fantastique et démesure de l’histoire du XXe siècle.e siècle. Avec, ici, une bonne dose de mythologie tibétaine, avec des chevaux, des yourtes, des cadavres offerts aux vautours, de la viande de « mouton gras », des robes décorées de motifs mongols.

Et un soupçon de spiritualité steppique, où espace et temps ne font plus qu’un : « La mort n’existe pas tant qu’on la refuse. »

Vivre dans le feu

★★★ 1/2

Antoine Volodine, Seuil « Fiction & Cie », Paris, 2024, 176 pages

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