Les graines de colza et de tournesol atteignent de nouveaux sommets de campagne en France. A l’inverse, le marché des céréales, plus compétitif, est en recul. Cette situation reflète également le poids plus important du maïs américain sur le prix des céréales européennes que celui du soja sur le prix des oléagineux. À l’approche des élections américaines, d’importantes perturbations sont attendues sur l’ensemble du marché des matières premières.
Le blé français retrouve sa compétitivité
Le marché du blé a été marqué par une nouvelle correction de –5,50 €/t sur la semaine, repassant sous la zone psychologique des 220 €/t en base juillet livrés à Rouen. Le blé français s’adapte depuis plusieurs semaines et retrouve sa compétitivité sur le marché mondial. Les récentes ventes au Maroc le confirment et c’est au tour de l’Algérie de lancer cette semaine un appel d’offres. Malgré l’agressivité des offres françaises, les tensions diplomatiques entre les deux pays pourraient conduire à l’exclusion de l’origine française dans le cadre de cet achat. Les origines de la région de la mer Noire devraient en profiter pour se positionner.
Par ailleurs, les exportations restent très dynamiques en Ukraine et en Russie et les gouvernements respectifs envisagent déjà de limiter ces exportations en mettant en place des prix planchers, des taxes ou des quotas dans la deuxième partie de la campagne.
Dans les prochaines semaines, la concurrence pourrait venir de l’hémisphère Sud. A l’approche des récoltes, les conditions de culture du blé s’améliorent en Argentine, avec 38% des superficies en bonnes ou excellentes conditions selon la Bourse de Buenos Aires, contre 31% la semaine dernière et seulement 13% l’an dernier. à cette date. Les meilleures perspectives de production pourraient porter les disponibilités exportables à près de 13 millions de tonnes, soit une augmentation de près de 5 millions de tonnes par rapport à l’année dernière.
Enfin, sur le plan climatique, des conditions plus sèches permettent d’accélérer les semis de blé d’hiver sur l’ensemble du territoire français. Les premières estimations des superficies en blé sont d’environ 4,6 millions d’hectares, en hausse par rapport à l’année catastrophique de 2024, qui était de 4,24 millions d’hectares. L’absence de pluie en France dans les deux prochaines semaines sera bénéfique et permettra de désengorger les sols. Pendant ce temps, les grands importateurs attendent avec impatience l’arrivée des récoltes argentines et australiennes. Les récoltes démarrent en Australie et devraient s’accélérer dans les semaines à venir, à l’heure où les chiffres de production du pays ne font pas l’unanimité.
À l’approche des élections présidentielles aux États-Unis
Le retour du prix du maïs à 210 €/t livré à Bordeaux tout début octobre a été de courte durée : il est désormais retombé jusqu’au seuil psychologique de 200 €/t. Le marché européen ne parvient pas à résister à la pression des récoltes sur l’hémisphère Nord. Aux États-Unis, 81 % des superficies en maïs ont déjà été récoltées, contre 65 % la semaine précédente. Cela représente une récolte de plus de 60 millions de tonnes sur la semaine, soit environ quatre fois la récolte de maïs en France.
Cette pression des récoltes américaines occulte aujourd’hui leur très bonne dynamique à l’export, avec des ventes exceptionnelles de plus de 100 000 tonnes de maïs quasi quotidiennes ces derniers jours. Par ailleurs, la pérennité de ce flux d’exportation sera remise en question avec le résultat des élections présidentielles la semaine prochaine. Le candidat Trump souhaite imposer des droits de douane de 60 % sur toutes les importations chinoises, ce qui pourrait conduire à une nouvelle guerre commerciale entre les deux mastodontes de l’économie mondiale.
Côté français, le retour du temps sec permet enfin aux agriculteurs de reprendre les récoltes. A noter que le retard s’accumulait avec seulement 25% des surfaces récoltées au 21 octobre, contre 69% en moyenne sur les cinq dernières années. Toutefois, le bilan du maïs européen reste tendu, comme le souligne la Commission européenne. Ce dernier dégrade le rendement moyen européen à seulement 6,66 t/ha, soit une baisse de 11% par rapport à l’année dernière, et une baisse de 3% par rapport au rapport de septembre. Ce sont les pays d’Europe de l’Est, à savoir la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Croatie qui catalysent cette correction après avoir essuyé des températures caniculaires cet été.
Nouveau prix record pour le colza en France
L’Europe devra trouver un moyen d’augmenter ses importations de canola en provenance du Canada. La récolte canadienne est maintenant terminée. Si l’optimisme était présent jusqu’au début de l’été, la dégradation liée à la sécheresse aura finalement réduit partiellement le potentiel de production à environ 18,5 millions de tonnes, un niveau inférieur à celui des deux dernières années mais largement compensé. en début de campagne, des stocks de 3,1 millions de tonnes.
Ce sont notamment ces volumes de report plus importants, couplés à une récolte relativement précoce, qui ont permis au trituration canadienne d’atteindre de nouveaux records en août et septembre. Mais les débouchés locaux ne sont pas les seuls dynamiques puisque les exportations atteignent également des niveaux historiquement élevés. Depuis le 1er août, 2,59 millions de tonnes ont été exportées par le Canada et force est de constater que l’Europe n’est pas la première destination. La Chine représenterait plus de la moitié de ce volume. Avec désormais moins de 5 millions de tonnes de céréales exportables, les flux vers l’Europe vont devoir s’accélérer.
A cette tension sur la disponibilité des matières premières chez les acheteurs européens s’ajoute la hausse incessante des prix du pétrole depuis la mi-septembre. La dynamique du marché de l’huile de palme démontre que la demande est trop élevée et nécessite un rationnement. Qu’il s’agisse des faibles stocks de pétrole chez les principaux importateurs asiatiques qui laissent présager une augmentation des importations futures, ou de l’augmentation des mandats d’incorporation en Indonésie de 35 B35 à 40 B40 à partir de 2025, les bilans des principaux pays producteurs se tendent. Ainsi, le colza Fob Moselle atteint ses plus hauts niveaux de la campagne à 518 €/t.
Broyage record de soja dans les principaux pays producteurs
Le marché des tourteaux évolue à contre-courant du reste du complexe des oléagineux. Alors que les graines et l’huile sont davantage soumises à l’influence de l’huile de palme, les tourteaux sont confrontés à la lourdeur de la balance mondiale du soja. Pour commencer, la récolte américaine attendue à des niveaux records touche progressivement à sa fin.
L’USDA (Département américain de l’Agriculture) fait état d’un niveau de progrès de 89 %, soit 11 points de plus que la moyenne des cinq dernières années. L’impact de la pression des récoltes est en partie compensé par des ventes à l’export très dynamiques ces dernières semaines aux Etats-Unis, par une consommation locale record mais aussi par des semis sud-américains qui sont loin d’être terminés.
Sur ce dernier sujet, la situation s’améliore encore au Brésil malgré la sécheresse marquée durant les mois d’août et septembre. Même s’il y a un léger retard par rapport aux années précédentes, 37 % des travaux ont été réalisés à ce jour. En Argentine, les conditions de début de cycle sont nettement meilleures que celles rencontrées lors des récentes campagnes et les perspectives de production de plus de 50 millions de tonnes, la plus élevée depuis 2018, sont actuelles.
Avec cette disponibilité massive, la trituration dans ces trois principaux pays producteurs est un record. Combinés à ceux de l’Argentine, du Brésil et des États-Unis, plus de 14 millions de tonnes de soja ont été broyées en septembre, soit 2 millions de tonnes de plus que le précédent record de 2021.
Mécaniquement, la production massive de tourteau de soja a un impact sur les prix du tourteau de soja, qui se rapproche de ses plus bas de campagne à 390 €/t sur son contrat Spot de Montoir livré.
Argus Média (1)
A suivre : élections présidentielles aux Etats-Unis ; évolution du prix du baril de pétrole ; impact des élections sur la parité euro-dollar ; compétitivité du blé français à l’export ; exportation dynamique du blé français ; évolution des exportations de maïs et de soja vers les États-Unis ; surveiller la consommation et notamment la demande de pétrole en Asie.
(1) Argus Media, société spécialisée dans la surveillance des marchés des matières premières, nous livre chaque semaine son analyse agricole.