Un un robot qui conditionne les huîtres dans des paniers, disposés au gré des envies de l’ostréiculteur, à une cadence quatre fois supérieure à celle d’un opérateur humain ? La révolution est en marche dans la filière conchylicole. Concepteur de matériaux d’emballage, l’entreprise Sfere BM a dévoilé ce mardi 29 octobre à La Tremblade le prototype d’une ligne automatisée de remplissage de paniers. Sfere BM, explique son directeur de l’innovation, Thomas Coutureau, a déjà consacré « deux grosses années de travail » à l’élaboration de cette « preuve de concept », dans le jargon de la recherche et développement.
Comment fonctionne ce « robot » ? La machine dispose d’un système de vision bidimensionnelle qui identifie la taille de l’huître transportée par un tapis roulant et son orientation. Un bras le saisit et le dépose dans le panier, dans le sens prévu par un plan d’implantation préalablement enregistré. Un système de pesée détermine si le poids requis est atteint par le nombre d’huîtres prévu. « La machine sait alors si elle doit ajouter le fameux 13e des huîtres par douzaines», précise Thomas Coutureau.
Un défi technologique
Conditionner automatiquement les huîtres nécessite de prendre en compte la nature spécifique du « produit ». « L’huître reste un être vivant et doit le rester jusqu’à l’assiette du consommateur », a encore rappelé Thomas Coutureau, mardi 29 octobre. « La prouesse majeure que nous avons réalisée est due au système de préhension des huîtres, une combinaison d’un système d’aspiration et une poignée mécanique. » Pour saisir l’huître à placer dans un panier, la machine dispose d’un bras exerçant une aspiration sur l’huître et la bloquant avec une pince. Avec une précision millimétrique, le bras place ensuite l’huître dans le panier.
« L’huître survivrait-elle à une accélération de 5 à 9 g ? »
Le mouvement brusque et rapide du bras mécanisé vers la nacelle créait un risque. « L’huître survivrait-elle à une accélération de 5 à 9 g ? » Le « g » (pour « gravité », dans un premier temps) mesure l’accélération. Schématiquement, 1 g équivaut à un mouvement de 35 km/h par seconde. La question soulevée par Thomas Coutureau s’est avant tout posée aux ostréiculteurs eux-mêmes. Le prototype a prouvé qu’il n’affectait pas l’état des huîtres pendant le processus automatisé.
Réduire la pénibilité
L’industrie s’est historiquement appuyée sur la mécanisation. En 2015, la société Sfere BM adaptait déjà ce principe d’automatisation d’un geste humain… à la création de plants de vigne. « Les acteurs de la filière viticole nous remercient aujourd’hui d’avoir développé cette machine qui permet de réduire la pénibilité de certaines tâches réalisées par l’homme. »
Autant que l’augmentation de la productivité et la rationalisation de leur activité, l’amélioration des conditions de travail des opérateurs du monde ostréicole a guidé la démarche des quelques professionnels qui, depuis 2019, réfléchissent avec Sfere BM au développement de le prototype présenté mardi au Tremblade. Directeur du Comité régional de conchyliculture, Laurent Champeau prédit encore un avenir au travail humain. « On aura toujours besoin de petites mains pour mettre les paniers. »
« Pas encore prêt »
L’outil automatisé actuellement développé par Sfere BM peut encore être amélioré. Thomas Coutureau fut le premier à prendre conscience du chemin à parcourir. « Encore faut-il déterminer la bonne cible, les entreprises à qui est destinée cette machine. Nous imaginons également la création de petites machines modulaires, des systèmes compacts et facilement déplaçables, sur le modèle de ce que nous avons développé pour la pépinière viticole, activité également marquée par la saisonnalité. »
Plus que d’autres, la Maison Gillardeau a encore besoin de « petites mains » avant de se laisser tenter par l’automatisation du remplissage des paniers, assure Laurent Vedrenne, directeur des Huîtres Gillardeau. « Nous sommes les seuls à apposer notre logo sur nos huîtres, ce qui implique une étape supplémentaire de retournement des huîtres, si l’on imagine l’utilisation d’une machine, ce qui demande encore des améliorations. Donc, à ce stade, nous cherchons, mais nous ne sommes pas encore prêts à appuyer sur le bouton. »
Un outil mécanisé et automatisé trouvera davantage sa place pour les entreprises traitant de gros volumes destinés à être commercialisés dans la grande distribution par exemple. Un acteur comme Gillardeau ne ferme cependant pas la porte à la « révolution » en marche. « Aujourd’hui, nous parvenons encore à recruter des saisonniers mais la pénibilité du travail est un vrai problème dans notre secteur. On ne sait pas à quoi ressemblera le recrutement dans dix ans. » Une des solutions aux problèmes de demain est en train d’être développée.