Le jury de l’édition 2024 du Prix National d’Architecture (GPNA), réuni le 8 octobre 2024, a désigné les sept agences retenues parmi lesquelles sera choisi le Grand Prix National 2024, à savoir :
– Atelier d’Architecture Perraudin
– BQ+A – Architecte et associés
– Frère
– Corinne Vezzoni et associés
– Encore heureux
– Architectes Jean et Aline Harari
– Forme
Mais bon, même si tout le monde fait semblant, c’est fini.
En fait, il suffit de considérer les critères de sélection ou Procédures d’évaluation des pratiques » (lisez-le):
– la richesse et la diversité du parcours professionnel et la qualité de l’ouvrage bâti qui l’illustre ;
– la position de l’agence par rapport au rôle social de l’architecture et de l’architecte ;
– la formulation de la pensée et les modalités choisies pour la transmettre.
Sans parler du ” posture » et le « formulation de la pensée “, qu’est-ce qu’un “œTravail ” construit? Soit il s’agit d’un chef-d’œuvre, par définition unique et éblouissant, soit d’une série d’œuvres qui, au fil du temps, créent une œuvre d’art. Les agences Bruther, Encore Heureux, Muoto, quelle que soit la qualité de leurs créations et de leur réflexion, signent encore une œuvre digne, par exemple, de celle de Claude Parent (1979), Christian de Porzamparc (1992), Rudy Ricciotti (2006) ou Frédéric Borel (2010) ? L’évidence n’est pas évidente. Peut-être plus tard, mais pas encore…
Cela fait-il regretter une certaine légèreté de la part du ministère de la Culture, alors que ses responsables semblent incapables d’organiser un jury et de dévoiler un lauréat, ou du moins une short-list de deux ou trois noms ? Pourquoi cette course en sac ? Pour maintenir le suspense ? La France en général, et le secteur en particulier, ne supporte plus aucun souci…
Non, l’élite de la culture architecturale réunie au ministère de la Culture préfère s’appuyer sur elle pour le choix des candidats pour (je cite) : « Associations; Entreprises privées ; Entreprises publiques locales ; Particuliers « . Ce qui est sûr, c’est que si vous demandez son avis à Madame Michu, poissonnière rue d’Auteuil à Paris, vous risquez de vous retrouver avec un excellent prix pas trempé de mercure ! Et les promoteurs ont-ils aussi leur mot à dire ? Ce n’est plus un ministère, c’est une auberge espagnole et le risque est que ce Grand Prix national d’architecture – pardon – ressemble bientôt à celui de l’Andouille de Vire, où les discours des ministres sont encore fermés.
Au moins, quand est venu le temps pour tous ces gens de s’exprimer – il y a d’abord les majeurs… – le champ semblait aussi ouvert qu’un paysage des Hauts-de-France. En réalité, le champ était déjà fermé, comme l’a expliqué le jury lors de la sélection des sept agences concurrentes.
(lisez-le) « Une attention particulière dans le choix des agences candidates a été portée au respect de l’égalité afin de promouvoir une représentation équilibrée des genres dont nous savons qu’elle contribue à l’enrichissement des propositions créatives et de souligner l’engagement du jury à promouvoir une culture de collaboration inclusive et équitable à travers le conseil d’administration au sein du secteur. Le jury a donc pris soin de réaffirmer l’importance du rôle des femmes architectes dans la pensée et l’action constructives, reconnaissant que la diversité des voix et des expériences contribue à des solutions justes et durables pour le secteur. ».
Il fallait le dire et il n’y avait pas besoin de ces périphrases pour comprendre que le jury n’aurait pas été mécontent si, pour une fois, une femme avait gagné. Il faut dire que pour trouver une femme architecte Grand Prix national d’Architecture, il faut remonter le temps… pour toujours. Depuis 1975 et la création de ce prix, AUCUNE femme ne l’a remporté en son propre nom. Et ils ne sont que deux – Anne Lacaton (2008) et Myrto Vitart (2016) – dûment accompagnés, à voir leurs noms gravés sur le fronton du Hall of Fame. Ainsi Gilles Perraudin et Bernard Quirot, toujours en activité depuis plusieurs années mais jamais gagnants, peuvent arracher leurs billets perdants.
Qui reste-t-il ? Jean et Aline Harari et Corinne Vezzoni. Mais un jour, il faudra qu’une femme architecte portant son nom remporte ce Grand Prix taché de testostérone pour commencer, les deux derniers être Pierre-Louis Faloci (2018) et Philippe Prost (2022). Si le moment n’est pas venu, ce ne sera jamais le cas !
Bref, c’est plié.
Dommage qu’avec les atermoiements des intellectuels du ministère, chacun cherche à placer ses propres poulains (le GPNA sous la tutelle de Rachida Dati, l’écurie Hidalgo, cape verte, n’est pas ou peu représenté) et personne on n’en parle plus d’architecture à l’occasion de ce Grand Prix qui, tous les deux ans, perd un peu plus de son autorité.
Pour résoudre le problème #METOO au ministère, la solution serait peut-être de réserver alternativement une année pour un Grand Prix masculin et une autre pour un Grand Prix féminin – soit plus d’années bissextiles. Par exemple, pour 2025, un Grand Prix National d’Architecture entre :
-Odile Decq
–Françoise Reynaud
– Manuel Gautrand
– Anne Démians
– Brigitte Métra
– Roueïda Ayache
Voici une sélection qui ferait bonne figure, même sur Madame Michu, et qui serait à la hauteur.
Ensuite, les gars pourraient se revoir en 2026.
Ecc.
Christophe Leray