Des mètres carrés de tôles déchirées et de profilés en bois, éparpillés dans le jardin de la Station Biologique et dans le bâtiment de l’Institut de Génomique Marine (IGM) auquel manque un tiers de la toiture : c’est le triste spectacle découvert au petit matin Caterina Boyen, la directrice de la Station, après le passage de la tempête Ciaran. Le plus durement touché a été ce bâtiment de 900 m2 sur trois étages qui abritait des plateformes technologiques, des bureaux, des laboratoires et des locaux pratiques.
« Le lendemain, nous sommes allés dans les supermarchés acheter des bâches, pour protéger ce que nous pouvions… Chacun se relayait deux ou trois fois par jour pour pomper l’eau », se souvient le directeur, qui salue « la grande solidarité des équipes de Quickly ». évacuer tout ce qui pourrait être réparé du 3ème étage.
Trois semaines sans abri temporaire
« Mais avant qu’un couvreur puisse venir avec un panier, dit-il, nous avons dû attendre la bonne fenêtre météo. Trois semaines sans rien que de la pluie. La toiture provisoire a été installée trois semaines après la tempête mais le mal était fait : l’eau avait pénétré partout, dans les cloisons. Et les plafonds gorgés d’eau ont fini par s’effondrer.
La toiture provisoire a été installée trois semaines après la tempête, mais le mal était fait : l’eau avait pénétré partout.
Il a donc fallu tout déplacer et relocaliser une trentaine de personnes, plus les étudiants, là où il était possible d’optimiser les espaces. « Début janvier les équipes et le matériel transportable avaient trouvé leur place, même si tout n’est pas optimal. Heureusement, la salle des serveurs et du réseau informatique, au 3ème étage, se trouvait dans la partie préservée. »
Humidité toxique et moisissure
De longs mois de diagnostic et d’évaluation ont suivi. En mars, lors de la dépose des cloisons en plaques de plâtre dans les couloirs, on a découvert que les panneaux de bois composite situés derrière celles-ci avaient également absorbé de l’eau. Puis « au printemps, la moisissure a commencé à apparaître. Nous avons dû faire appel à un expert en champignons, mais entre-temps nous avons remis en service en mode dégradé les salles TP et les laboratoires du 1er étage, qui étaient équipés d’un système de ventilation séparé. Sauf qu’en juillet l’expert rend son verdict : « Quatre souches de champignons allergènes identifiées, dont une toxique. Nous avons dû à nouveau interdire l’accès au bâtiment : c’était un deuxième traumatisme.”
Quatre souches de champignons allergènes identifiées, dont une toxique. Il a fallu interdire à nouveau l’accès au bâtiment : ce fut un deuxième traumatisme.
Fin octobre 2024, tous les rapports ont été déposés mais rien n’est encore chiffré. « La réparation coûtera certainement plusieurs centaines de milliers d’euros », précise le directeur, dont « l’urgence est de renforcer la toiture provisoire avant l’hiver. Ensuite il y aura toute la toiture à refaire ainsi qu’une partie de structure. Côté rue uniquement, la charpente monobloc en acier devra être entièrement démontée, du sol jusqu’à l’étage.”
C’est tout le modèle économique qui est touché
Sans compter que Ciaran a également influencé « tout le modèle économique de la Station, basé comme toute infrastructure nationale de recherche sur l’utilisation externe de ses plateformes technologiques, qui génère des revenus. Il va falloir quantifier le déficit lié à la perte opérationnelle”, poursuit Catherine Boyen. Mais, rassure-t-il, « la tempête n’a pas mis en péril les programmes de recherche internes. Tout le monde a travaillé avec une incroyable capacité d’adaptation. »
Les équipes s’attendent à ce que les travaux commencent en avril 2025, « pour un bâtiment IGM opérationnel l’automne suivant, dans le pire des cas 2026. Ce sera deux voire trois ans après la tempête, c’est énorme ! » raconte le directeur, qui doit jongler avec les horaires des salles pour 250 salariés, une cinquantaine de stagiaires et autant d’étudiants.
“On vit avec, les gens oublient, mais il y a l’usure.” Urgence aussi car en 2026 devra débuter une autre phase de travaux programmée (2,90 millions d’euros dans le cadre du Contrat de plan État-Région) sur le bâtiment historique Lacaze-Duthiers, une passoire thermique qui date de 1890. « C’est positif, mais dès que les chercheurs seront revenus à l’IGM, il faudra relocaliser les 25 salariés permanents, collaborateurs externes et stagiaires qui travaillent à Lacaze-Duthiers. Il n’y a pas de pause.”
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