La crise bancaire de 2023 a renforcé la légitimité des régimes de résolution
Le mécanisme européen de résolution a prouvé son efficacité depuis 2014, comme le souligne l’analyse (Benahmed et Houarner, 2024) des principaux cas de résolution dans la zone euro (Sberbank, Banco Popular), en Pologne et au Danemark. On voit que les autorités européennes ont préféré les opérations de transfert au maintien des activités par des plans de sauvetage internes. Les premiers sont efficaces pour gérer les crises de liquidité et de confiance, tandis que les seconds résolvent les problèmes de solvabilité.
Aux États-Unis et en Suisse, la gestion des turbulences bancaires de 2023 n’a suivi ni les instructions de résolution ni le mode de financement (FSB, 2023). L’acquisition du Crédit Suisse par UBS a été organisée en dehors du cadre de résolution, sans que les actionnaires perdent la totalité de leur investissement. Par ailleurs, les autorités ont dû recourir à des mesures exceptionnelles, qui ont mis en péril les finances publiques : garanties offertes aux acheteurs, protection de tous les dépôts (y compris les dépôts non couverts par la garantie des dépôts) de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank et prêts extraordinaires de la banque centrale. confrontés à des retraits massifs à un rythme sans précédent.
Seule l’activation des mécanismes de résolution aurait pu permettre de préserver à la fois la stabilité financière et la discipline de marché. Si les banques régionales américaines avaient été soumises à des exigences de capacité d’absorption des pertes telles que TLAC ou MREL, leur faillite aurait été moins coûteuse pour le secteur bancaire et une assurance complète des dépôts n’aurait peut-être pas été nécessaire. Quant aux rachats d’urgence comme celui du Crédit Suisse par UBS, ils pourraient être reproduits lors d’une résolution avec moins de risques pour les contribuables en les combinant avec un plan de sauvetage interne.
Les turbulences bancaires de 2023, tout comme l’expérience européenne, montrent que les régimes de résolution peuvent néanmoins être renforcés par la combinaison de trois éléments :
i) des règles de résolution, notamment une capacité suffisante d’absorption des pertes, qui s’appliquent non seulement aux grands établissements mais également aux petites et moyennes banques;
(ii) une plus grande préparation des autorités à utiliser tous les outils à leur disposition, sans se limiter aux plans de sauvetage internes ;
(iii) un système exceptionnel d’apport de liquidités, notamment pour faire face à l’éventualité de retraits massifs de dépôts à l’ère numérique.
Les deux derniers éléments de la ligue sont toujours absents du régime de résolution européen.
D’une part, la politique européenne de gestion des crises manque de flexibilité, car elle tend, pour les grandes banques, à privilégier uniquement les sauvetages internes. Il n’est cependant pas possible de réduire les crises bancaires à des problèmes classiques de solvabilité, surtout à la lumière de l’émergence de nouveaux risques (climatiques, géopolitiques, cyber, nouvelles technologies). Les autorités doivent donc se préparer à des combinaisons originales d’outils de résolution (Benahmed et Houarner, 2023) : par exemple, des ventes de filiales ou d’actifs compromis en complément de plans de sauvetage internes.
En revanche, les grandes banques européennes n’ont pas accès à des mécanismes exceptionnels d’apport de liquidité en cas de faillite, contrairement à leurs homologues britanniques, américaines ou japonaises. La « liquidité de l’Eurosystème pour la résolution » pourrait combler cette lacune (Villeroy de Galhau, 2023) et consolider l’union bancaire.