« La mort du président iranien Raïssi n’est certainement pas un accident »

« La mort du président iranien Raïssi n’est certainement pas un accident »
« La mort du président iranien Raïssi n’est certainement pas un accident »

Le crash d’hélicoptère qui a coûté la vie au président iranien Ebrahim Raïssi va-t-il changer la donne ? Selon le philosophe iranien Ramin Jahanbegloo, le guide suprême Ali Khamenei et les militaires des Gardiens de la révolution maintiendront leur contrôle sur le pays. Mais cet accident, qui pourrait selon lui être un attentat organisé par certaines factions du pouvoir, risque d’accélérer l’évolution du régime vers une dictature militaire. Explications.


Que pensez-vous de la mort d’Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère ?

Ramin Jahanbegloo : Ce n’est certainement pas un accident. Le régime a sans doute éliminé le président, devenu une personnalité embarrassante, au même titre que Vladimir Poutine qui a éliminé [l’ex-chef de la milice Wagner] Eugène Prigojine après sa rébellion armée. Ce n’est pas la première fois que les Gardiens de la révolution, la faction militaire du pouvoir iranien, provoquent de tels « accidents » aériens pour se débarrasser de dignitaires. Depuis son élection à la présidence en 2021, Ebrahim Raïssi est très critiqué en interne. Il a notamment été critiqué pour son manque de vigueur dans la répression du mouvement « Femme, Vie, Liberté » qui a suivi la mort de Mahsa Amini en septembre 2022. Le Guide suprême Ali Khamenei et les Gardiens ont même dû intervenir publiquement pour exiger leur aide. plus forte.

Comment la société iranienne réagit-elle à la mort du président ?

Raisi était cordialement détesté par les Iraniens. Surnommé « le boucher de Téhéran », il a participé à la répression des opposants – notamment marxistes – à la fin des années 1980. Il est responsable de la mort de milliers de personnes. Comme le montrent les plaisanteries largement diffusées, les Iraniens, en particulier les jeunes, sont très heureux de sa disparition.

« Le fils du guide suprême Khamenei a désormais toutes les chances de succéder à son père »

Raïssi, un religieux ultra-conservateur, devait remplacer le Guide suprême, âgé de 85 ans, après sa mort. Qui est le favori maintenant ?

Raïssi était en effet le mieux placé pour succéder à Ali Khamenei au poste de Guide suprême. Il n’y avait pas beaucoup de théologiens de son niveau pour revendiquer cette position. Mais avec sa disparition, le fils de Khamenei, Mojtaba, âgé de 55 ans, a désormais toutes les chances de succéder à son père. Il est désormais le seul héritier, même s’il n’est pas un bon théologien. Il est avant tout le fils de son père. Remettre Mojtaba en selle était une autre bonne raison pour tuer le président…

Qui gagnera la lutte tranquille entre les théologiens et les soldats des Gardiens de la révolution, qui partagent le pouvoir en Iran ?

Les théologiens issus du khomeinisme seront encore plus affaiblis. Depuis une quinzaine d’années, ils n’arrivent pas à régner sans le soutien des militaires. Ces derniers sont plus pragmatiques, plus soucieux de l’économie. Les Gardiens de la révolution, qui ont mené la guerre contre l’Irak dans les années 1980, et leurs enfants pensent comme des entrepreneurs mondialisés plutôt que comme des islamistes. La nouvelle génération vit souvent au Canada. Leur mentalité n’est plus celle des pionniers de la révolution islamique de 1979. Cela ne les empêchera pas de continuer à réprimer la société civile.

“Si les Gardiens de la révolution prennent le pouvoir après la mort de Khamenei, ils réformeront sans aucun doute la Constitution et sépareront théologique et politique”

L’armée finira-t-elle par supprimer la « guidance du juriste religieux », nerf idéologique du régime des mollahs, qui assure la prééminence constitutionnelle des théologiens ?

Si les Gardiens de la révolution prennent le pouvoir après la mort de l’actuel Guide, ils réformeront sans aucun doute la Constitution et sépareront le théologique et le politique. Ils sont moins doctrinaux que les théologiens. L’Iran risque de devenir un régime militaire, plus laïc, comme dans d’autres pays du Moyen-Orient, en Égypte ou au Pakistan. La théologie, pour eux, c’est de la connerie.

Que pourrait-il se passer lors de l’élection du successeur de Raïssi, le 28 juin ?

Il pourrait y avoir des manifestations ou des incidents provoqués par la société civile. Cela risque d’exprimer son mécontentement à l’égard des candidats, sans autorité, sélectionnés par le pouvoir.

La disparition de Raïssi aura-t-elle un impact sur le programme nucléaire ?

Non, car pour les militaires, qui gèrent ce programme, la bombe est un moyen de gagner le respect international, au même titre que Poutine qui évoque régulièrement la menace nucléaire. Ils poursuivront le projet atomique et continueront à soutenir leurs « mandataires » [groupes armées non étatiques financés par l’Iran] au Liban, au Yémen ou dans les territoires palestiniens.

 
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