La gestion du débordement de la Gartempe dans la nuit du 29 au 30 mars 2024 a fait l’objet de polémiques dans les heures et les jours qui ont suivi. La rivière est montée à 4,65 m, soit 30 cm de la crue record de 1982. De nombreux habitants et commerçants, dont la majorité n’y habitent pas, ont témoigné ne pas avoir été informés à temps pour sauver les meubles. Ils n’ont pas manqué d’interpeller et de critiquer l’équipe municipale, au premier rang desquels le maire Bernard Blanchet.
Ce qui a amené ce dernier à expliquer sa gestion de crise dans nos colonnes, en rendant public une lettre datée du 11 avril 2024 qu’il a adressée au ministre de l’Intérieur en exercice à l’époque, Gérald Darmanin.
Lors d’une réunion publique tenue le 25 septembre 2024 à Montmorillon, il a rappelé qu’il s’était entretenu directement avec le ministre au téléphone, afin que Montmorillon soit rapidement classée catastrophe naturelle.
Dans ce courrier, il estime que les services de la préfecture de la Vienne n’avaient pas évalué l’ampleur du sinistre à son juste niveau, dans l’après-midi du vendredi 29 mars 2024. Selon lui, la préfecture a la confiance du bulletin Vigicrues. “A 16h39, il annonce une faible crue avec une prévision pour samedi midi à 3 m”, écrivait alors Bernard Blanchet. Or, les 3 mètres ont été atteints vers 3 heures du matin dans la nuit du 29 au 30 mars. Selon l’élu, la ville a “Jamais été placé en vigilance orange ou rouge alors même que nous avons largement dépassé le seuil d’alerte, ce qui nous préoccupe.”
« La gestion de crise nécessite une collaboration loyale »
Il a ensuite pointé du doigt la panne de la sirène d’alarme située sur le toit de la mairie pour avertir la population. Dès son activation après 3 heures du matin, le moteur de la sirène a grillé. Le maire a déclaré avoir immédiatement appelé la préfecture et reçu une réponse indiquant que la priorité était donnée à La Trimouille, également sous l’eau.
Pour Bernard Blanchet, cette sirène est propriété de l’Etat, elle doit donc être gérée et entretenue par la préfecture. Il en prend pour preuve la convention signée le 7 mars 2023 entre la Ville et l’État relative à son installation ou son raccordement au système d’alerte et d’information de la population.
La réponse du préfet : ne comptez pas sur l’État
La réponse du préfet de Vienne Jean-Marie Girier, le 13 mai 2024, a été plus discrète, sans passer par la case médiatique. La rédaction l’a obtenu.
« Je regrette vos multiples remises en cause des services de l’État. La gestion de crise nécessite une collaboration loyale, constante et solidaire entre les différents acteurs. Personne ne peut s’exonérer de ses responsabilités en les rejetant sur l’État. » Ainsi commence une longue lettre de trois pages. Ambiance…
Selon le préfet, vendredi à partir de 16h47, “une alerte téléphonique (a été réalisé) aux communes limitrophes du tronçon Gartempe » sur les numéros de garde des élus, avec un email annonçant “une montée rapide des niveaux d’eau dans les heures suivantes”.
Quant au dysfonctionnement de la sirène d’avertissement, “la préfecture ne peut pas activer la sirène de Montmorillon dont l’activation relève de votre seule responsabilité”c’est noté en gras. Le préfet met en avant le démantèlement du réseau national d’alerte en 2016 qui a touché douze communes, dont Montmorillon. Municipalités « qui ont bénéficié de la possibilité d’intégrer la sirène historiquement installée par l’Etat dans leur plan communal de protection à déclenchement manuel ». C’est le cas de Montmorillon, dit-il.
300
C’est le nombre d’agents de la préfecture, de la Direction départementale territoriale, de l’Agence régionale de santé, des gendarmes et des pompiers mobilisés dans la Vienne pendant 96 heures lors de la crue du 30 mars 2024.
Le courrier indique qu’un agent municipal a appelé un responsable d’astreinte à la préfecture dans la nuit du 30 mars à 3h45 pour lui indiquer qu’il ne savait pas comment déclencher la sirène, une difficulté également signalée par un pompier de Montmorillon à 3 heures du matin 49. Quant au déclenchement à distance depuis la préfecture, impossible en l’état, malgré l’accord. « Les phases d’installation des boîtiers électroniques, de contrôles 4G et les phases de tests n’ont pas encore été réalisées. »
Quant au système national d’alerte de la population FR-Alert, qui arrive sur les téléphones, la préfecture l’a déclenché « uniquement pour les communes du secteur de la Creuse, en raison du classement en alerte rouge ». “A Buxeuil, certaines habitations ont été inondées jusqu’à 1,90 m de hauteur”justifie la préfecture.
Les leçons apprises par le déluge
La gestion des inondations a révélé des échecs ou des lacunes dans la gestion adéquate du risque d’inondation, la première étant “un manque de cohérence” Vigicrues prévoit, selon le maire Bernard Blanchet, une déclaration réitérée lors d’une séance publique à l’Espace Gartempe, le 25 septembre 2024.
La panne de la sirène d’avertissement de la mairie a entraîné le redémarrage des deux sirènes communales situées dans l’ancienne école communale rue de Belgique et à la médiathèque, qui sonnent désormais chaque premier mercredi du mois à midi en guise de tests. « La préfecture s’engage à remplacer la sirène de la mairie d’ici la fin de l’année »» a annoncé le maire le 25 septembre lors d’une assemblée publique.
La mairie a depuis souscrit aux outils d’alerte sur cinq téléphones portables, Apic (Avertissement de fortes pluies à l’échelle communale) et VigiecruesFlash, et réfléchit à une application pour alerter les habitants. Les agents municipaux ont également mené depuis un exercice de gestion de crise interne. Le poste de commandement de crise a été transféré de la mairie, située en zone inondable, au centre technique municipal.
Le seuil d’alerte du niveau de la Gartempe a été abaissé à 2,50 m contre 2,70 m dans le plan communal de protection. On parle également de pouvoir rétablir l’éclairage public, coupé lors d’une inondation en pleine nuit.