Depuis ses vingt ans, Raphaël Varane ne jouait qu’avec un bon genou et son art n’en était que plus beau…

Depuis ses vingt ans, Raphaël Varane ne jouait qu’avec un bon genou et son art n’en était que plus beau…
Depuis ses vingt ans, Raphaël Varane ne jouait qu’avec un bon genou et son art n’en était que plus beau…

Vous nous parlez d’un genou…

Un genou gauche qui depuis plus de dix ans faisait travailler deux personnes, le droit n’étant plus assez mobile pour ce qu’on lui demandait, démarrage, puissance, impulsions…

Et ce genou gauche s’est fatigué un jour, c’était une entorse en juillet pour envoyer un signe – et puis Raphaël Varane a compris qu’il allait arrêter sa carrière de grand footballeur, « si mon genou gauche me dit qu’il en a marre , je dois l’écouter”, a déclaré à l’équipe dans une longue interview ce jeune retraité de 31 ans, qui a gagné une Coupe du pour nous et quatre Ligues des Champions avec le Real, etc., et qui n’avait jamais dit sur le terrain, à ses coéquipiers, que pour une blessure à vingt ans, il joué sur un genou, ça l’aurait mis en position de faiblesse… Il se demandait parfois quel joueur il aurait été avec deux jambes, il rit, ça aurait été quelque chose mais en réalité, « c’est parce que j’ai eu ce problème, parce que je Je maîtrise mon art… Cela fait des années que j’ai arrêté de plaquer, car j’attends le bon moment pour marquer un duel, où je peux freiner, accélérer ou démarrer ma course avant celle de l’attaquant… »

L’Equipe nous livre donc des paroles de maître. Car Varane parle de son corps, de son jeu, parle de football, avec la même conscience, le même enthousiasme serein qu’un peintre discutant de peinture, qu’un musicien nous parlant de musique. Varane est fasciné par le football et se soucie d’un peuple de joueurs coriaces qui ne savent pas refuser, de peur qu’on pense qu’ils sont égoïstes, qui jouent (cela lui est arrivé) avec leur corps masqué par l’anesthésique, qui jouent après des commotions cérébrales. il l’a déjà dit à l’équipe en avril dernier – il veut que Varane laisse une marque, pour dire, pour nous laisser des paroles de joueur au-delà de ses matchs…

J’ai lu Varane avec la même gratitude que j’ai lu dans l’Union and the Ardennes rock troubadour musette from Têtes Rêtes Christian Olivierqui après-demain au théâtre de Charleville-Mézières décortiquera et chantera douze auteurs russes de l’époque de la révolution, Maiakowski, Pasternak, Mandelstam… dans un spectacle intitulé « Le ça est le ça », d’après un texte satirique de Daniil Harms poète lyrique précurseur de l’inventeur absurde du langage, mort en 1942 dans une prison stalinienne, enfin…

Je lis Varane avec le même appétit que je lis dans Libérationl’Humanité, Télérama, le cinéaste assez génial Alain Guiraudie, qui sort aujourd’hui un thriller champêtre qui se déroule en Aveyron, où un curé marche plein de désir, j’ai compris, Guiraudie qui raconte l’Humanité comme il aime fabriquer ce désir avec des corps qui ne rentrent pas dans les canons de beauté, non pas des hommes bien bâtis, en bonne santé mais des hommes gros et confortables, « je redonne au peuple, aux ouvriers comme aux paysans, aux gens qui ne le sont pas, ils ne savent pas trop ce qu’ils font dans la vie, la possibilité du désir »… Il y a une révolution chez ce type qui était croyant et regrette tendrement la dimension cannibale de la communion, qui est un enfant de la campagne et qui, avant de découvrir Dostoïevski, lisait il a dit à Télérama Pif Gadget Gaston Lagaffe puis Onze parce qu’il jouait au foot…

Est-ce surprenant ?

Dans l’équipe, dans les pages voisines du maître Varane, et dans le parisien le Figaro aussi, on lit les mystères de Kylian Mbappé, et sans rien savoir tout cela est lourd, on lit aussi tristement les aveux hier devant le tribunal qui l’a jugé pour agression sexuelle en état d’ébriété, de Wissam ben Yedder si longtemps beau buteur, qui à 34 ans a vu la vie lui échapper et qui dit que boire l’a aidé à arrêter de penser… Il n’a que 34 ans Ben Yedder et pas de genou je lui ai dit arrêter sa carrière, s’il y échappait, il aimerait rejouer…

On parle aussi de graines…

Qu’en novembre 1944 dans le Courrier Picard, une publicité nous invitait à traiter avec les produits Morkitz et Cerean, fabriqués par une firme allemande, Bayer, alors proche des nazis dont nous venions de nous débarrasser. Et l’encart publicitaire précisait que l’Administration du Domaine, donc la République réinstallée, avait pris le contrôle des produits… Et ainsi pour son 80ème anniversaire, à partir d’une anecdote d’un numéro brillant, le Courrier Picard, se racontant, raconte une époque, l’aube de notre reconstruction… Des petites annonces recherchaient des animaux perdus, des journalistes fustigeaient un poissonnier d’Amiens « connu pour ses sentiments germanophiles » et un tenancier de maison close de la même ville, proche de l’assaut du chef de la Milice Joseph Darnand…

Le club de football d’Amiens a battu une sélection de militaires britanniques 11 à 1, bon jeu les libérateurs, mais en rugby les JO ont été vaincus par le XV de la Royal Air Force… On vivait, on ne parlait pas de la Shoah à l’époque, les déportés n’étaient pas revenus…

Sur le site du Monde vous lisez une femme qui doit tant à de simples héros… Elle s’appelle Rebecca Marciano, elle a 96 ans, un miracle. Le 4 août 1944, elle fait partie des Juifs qu’un train allait transporter de Marseille à Drancy puis Auschwitz… Mais les résistants ardéchois détournent le convoi, jeu d’aiguillage, vers des passages à niveau puis l’attaquent, et 67 déportés sont sauvés, y compris Rebecca qui raconte comment sa mère et un ami, lors de la fusillade, s’étaient couchés sur elle, ce fut le seul train de la mort sauvé par la résistance – le journal raconte comment cette magnifique histoire nous est restée en mémoire, je le mentionne ici pour mémoire les noms de résistants, Marcel Gerelly, Georges Novat Louis Chevalier, ils étaient une vingtaine et étaient flanqués d’un commando américain fraichement parachuté avec son bazooka…

Et on parle enfin de vocation…

Qui avait saisi à Longuyon en Lorraine un enfant de 4-5 ans, dans les limbes de l’après-guerre, un gamin né en 1945, orphelin d’un père peintre en bâtiment et d’une mère vendeuse de bonbons ambulante, à qui nous avons pris une photo d’identité et ça le fascinait, Gilbert Bernard, que tu lis dans Vosges Matin.

Ensuite, il s’arrêtait dès qu’il le pouvait devant la boutique du photographe et, à l’âge de douze ans, il acheta son premier appareil photo, un Uniflex, avec l’argent qu’il gagnait en aidant son beau-père qui, après son travail d’entrepôt sur les chemins de fer, réparait des horloges. et les voitures…

Après l’Uniflex, Gilbert a eu un Semflex bi-objectif, puis un Polaroid, à 18 ans, il est vraiment devenu photographe, avec le permis, photographe ambulant, il avait une dérogation, normalement pour être commerçant il fallait avoir 25 ans ! Il a appris la technique au club local de l’Union Artistique et Intellectuelle des Cheminots Français, il a photographié et filmé à Yutz, Thionville et Metz puis dans toute la ,

à Paris, proposant ses services aux touristes à la Tour Eiffel et au Trocadéro, pris par la police dans le panier à salade alors qu’il opérait sans autorisation, car il fallait un permis pour les zones touristiques…

Et dans cette vie d’itinérance, où Gilbert se lie d’amitié avec Jean Rochefort dont il ne savait pas qu’il était comédien, et aussi choriste de Gilber Bécaud, dans cette vie de voyages qui finit par le lasser, Gilbert trouva sa Lorraine, où il voyageait dans les supermarchés, installant ses deux lampes flash et son fond bleu trois ou quatre jours à chaque fois, “j’ai proposé des séries de six photos au format 13X18, j’ai offert la septième”, et un jour de juin 1984, au Maxicoop de Bruyères, il était assis sur son tabouret posé sur une table de camping, un jeune garçon d’à peine 4 ans, avec un visage éclatant de bonheur, un œil malicieux, une mèche bouclée s’égarant sur son front.

Gilbert Bernard, c’est l’homme qui a pris la photo emblématique, émouvante et tendre du petit Grégory décédé quelques semaines plus tard, noyé dans la Lépange, il y a 40 ans aujourd’hui… Il n’avait jamais raconté sa part, Gilles Bernard, il sentait le dont nous avons besoin cet été, et c’est une partie de nous-mêmes qui l’accompagne…

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV un cycliste tué après une dispute avec un automobiliste, enquête pour meurtre
NEXT Lézat-sur-Lèze. Great success for Heritage Day